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31/05/2022 | FRANCE | N°462145

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 31 mai 2022, 462145


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 1er avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, l'association Union de défense active des forains (UDAF) et l'association France Liberté Voyage demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet du 5 mars 2022 née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant à l'ab

rogation du décret n° 2021-1093 du 18 août 2021 relatif à la procédure d...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mars et 1er avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, l'association Union de défense active des forains (UDAF) et l'association France Liberté Voyage demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet du 5 mars 2022 née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant à l'abrogation du décret n° 2021-1093 du 18 août 2021 relatif à la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions combinées des articles 322-4-1 du code pénal et 495-24-1 du code de procédure pénale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- le code pénal, notamment son article 322-4-1 ;

- le code de procédure pénale, notamment son article 495-24-1 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. D'une part, l'article 322-4-1 du code pénal, dans sa version issue de la loi du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, fixe les peines encourues en cas d'installation, en vue d'y établir une habitation, sur un terrain appartenant à une commune ayant rempli ses obligations légales issues du schéma départemental d'accueil des gens du voyage dans les termes suivants : " Le fait de s'installer en réunion, en vue d'y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental prévu à l'article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ou qui n'est pas inscrite à ce schéma, soit à tout autre propriétaire autre qu'une commune, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du titulaire du droit d'usage du terrain, est puni d'un an d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende. / Dans les conditions prévues à l'article 495-17 du code de procédure pénale, l'action publique peut être éteinte par le versement d'une amende forfaitaire d'un montant de 500 €. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l'amende forfaitaire majorée de 1 000 €. / Lorsque l'installation s'est faite au moyen de véhicules automobiles, il peut être procédé à leur saisie, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation, en vue de leur confiscation par la juridiction pénale ".

3. D'autre part, l'article 495-24-1 du code de procédure pénale dispose que : " Lorsque les amendes forfaitaires, les amendes forfaitaires minorées et les amendes forfaitaires majorées s'appliquent à une personne morale, leur montant est quintuplé ".

4. Les requérants soutiennent que les dispositions citées aux points 2 et 3 ci-dessus permettent, si elles sont appliquées simultanément, d'infliger des peines d'amende qui sont, en raison de leur montant, contraires aux principes d'égalité devant la loi, de nécessité des peines et de droit à un recours juridictionnel effectif, protégés par les articles 6, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

5. Toutefois, le décret attaqué du 18 août 2021 relatif à la procédure d'amende forfaitaire délictuelle se borne à prévoir les modalités d'envoi des avis d'amende forfaitaire et la compétence du procureur de la République de Rennes pour transmettre aux procureurs des lieux des faits les dossiers présentant des irrégularités. Par suite, les dispositions législatives dont la constitutionnalité est contestée, relatives aux montants des amendes encourues, ne sont pas applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les associations requérantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'UDAF et France Liberté Voyage.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Union de défense active des forains, à l'association France Liberté Voyage, au ministre de l'intérieur et à la Première ministre.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 462145
Date de la décision : 31/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 mai. 2022, n° 462145
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462145.20220531
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