Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 20 septembre 2021 par laquelle la directrice des ressources humaines du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers l'a suspendue de ses fonctions à compter du 20 octobre 2021. Par une ordonnance n° 2103000 du 24 novembre 2021, prise sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 24 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance et de " mettre une somme à la charge " au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code civil ;
- le code général de la fonction publique ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers que, par une décision du 20 septembre 2021 entrant en vigueur le 20 octobre 2021, la directrice des ressources humaines du CHU de Poitiers a suspendu Mme A..., infirmière titulaire en fonction au sein de cet établissement de santé, jusqu'à ce qu'elle satisfasse à l'obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 24 novembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande, sur le fondement des dispositions, citées ci-dessus, de l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
3. Il résulte des termes de l'ordonnance attaquée que, pour rejeter la demande de Mme A... au motif que la condition d'urgence requise par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'était pas remplie, le juge des référés s'est fondé sur ce qu'en refusant de satisfaire à l'obligation vaccinale, l'intéressée avait, par son comportement, provoqué l'interruption de son traitement et créé elle-même la situation d'urgence qu'elle invoquait. En statuant ainsi, alors que Mme A... ne pouvait éviter d'être suspendue de ses fonctions et donc de perdre ses ressources qu'en satisfaisant, de manière irréversible, à l'obligation vaccinale que son action en référé avait justement pour objet d'éviter, le juge des référés a commis une erreur de droit.
4. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer en référé sur la demande de Mme A....
6. Pour demander la suspension de la décision contestée, Mme A... soutient qu'elle est signée par une autorité incompétente, qu'elle revêt le caractère d'une sanction et que les garanties de la procédure disciplinaire n'ont pas été respectées, que les garanties procédurales encadrant la mesure de suspension prévues par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire n'ont pas été respectées, qu'elle méconnait le droit au procès équitable, qu'elle méconnaît les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais reprises à l'article L. 531-1 du code général de la fonction publique, qu'elle n'est pas motivée, qu'elle crée une discrimination en raison de l'état de santé et qu'elle porte atteinte au libre consentement, au principe de dignité de la personne humaine, au droit à la vie et au principe d'égalité.
7. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
8. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le respect de la condition d'urgence, la demande de Mme A... doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente, tant en première instance qu'en cassation, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 24 novembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme A... présentées, devant le Conseil d'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au centre hospitalier universitaire de Poitiers.
Copie en sera adressée à la ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 mai 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 31 mai 2022.
Le président :
Signé : M. Denis Piveteau
La rapporteure :
Signé : Mme Ségolène Cavaliere
La secrétaire :
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire