La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2022 | FRANCE | N°454494

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 19 mai 2022, 454494


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) LPL 82 a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, sous le n° 1905561, d'annuler la décision INTV-MCQ-2019-16 du 13 juin 2019 de la directrice générale de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) définissant les conditions applicables en France pour le programme de l'Union européenne " lait et fruits à l'école " à destination des écoles, à partir de la rentrée de l'année scolaire 2019/2020 et jusq

u'à la première période de l'année scolaire 2021/2022 ainsi que la décision du ...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) LPL 82 a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, sous le n° 1905561, d'annuler la décision INTV-MCQ-2019-16 du 13 juin 2019 de la directrice générale de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) définissant les conditions applicables en France pour le programme de l'Union européenne " lait et fruits à l'école " à destination des écoles, à partir de la rentrée de l'année scolaire 2019/2020 et jusqu'à la première période de l'année scolaire 2021/2022 ainsi que la décision du 6 juin 2019 de la même autorité par laquelle la société a été informée de la clôture de l'agrément qui lui avait été accordé le 8 janvier 2019 en tant que gestionnaire de ce programme, d'enjoindre à FranceAgriMer de maintenir jusqu'à la fin de l'année scolaire 2022/2023 l'application de la décision INTV-RMPS-2017-63 du 10 octobre 2017 définissant les conditions applicables en France pour ce programme à partir de la rentrée de l'année scolaire 2017/2018 ainsi que son agrément dans ses conditions initiales et de condamner FranceAgriMer à lui verser une somme de 208 280 euros par trimestre scolaire commencé en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis et, d'autre part, sous le n° 2002612, d'annuler la décision INTV-MCQ-2020-12 du 3 avril 2020 par laquelle la directrice générale de FranceAgriMer a modifié sa décision INTV-MCQ-2019-16 du 13 juin 2019.

Par un jugement n°s 1905561, 2002612 du 6 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, en application du 2° de l'article R. 311-1 et de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, renvoyé au Conseil d'Etat les conclusions de la requête n° 1905561 en tant qu'elles tendent à l'annulation de la décision INTV-MCQ-2019-16 du 13 juin 2019 et celles de la requête n° 2002612 et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande n° 1905561.

Procédures devant le Conseil d'Etat :

1° Sous le n° 454494, par sa requête, enregistrée le 12 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS LPL 82 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision INTV-MCQ-2019-16 du 13 juin 2019 de la directrice générale de FranceAgriMer définissant les conditions applicables en France pour le programme de l'Union européenne " lait et fruits à l'école " à partir de la rentrée de l'année scolaire 2019/2020 ;

2°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 454507, par sa requête, enregistrée le 12 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS LPL 82 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision INTV-MCQ-2020-12 du 3 avril 2020 par laquelle la directrice générale de FranceAgriMer a modifié sa décision INTV-MCQ-2019-16 du 13 juin 2019 ;

2°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement délégué (UE) 2017/40 de la Commission du 3 novembre 2016 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de la SAS LPL 82 présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision individuelle du 8 janvier 2019 de la directrice générale de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), la société par actions simplifiée (SAS) LPL 82 a été agréée, à partir du deuxième trimestre de l'année scolaire 2018/2019 commençant le 1er janvier 2019, en qualité de gestionnaire du volet " fruits et légumes " du programme d'aide de l'Union européenne à destination des écoles intitulé " lait et fruits à l'école ". Cet agrément a été accordé pour la mise en œuvre de la stratégie de la France notifiée à la Commission européenne le 1er août 2017 pour les années scolaires 2017/2018 à 2022/2023 et sur le fondement de la décision réglementaire INTV-RMPS-2017-63 du 10 octobre 2017 de la directrice générale de FranceAgriMer relative à ce dispositif d'aide. Toutefois, par une lettre du 6 juin 2019, notifiée le 14 juin 2019, la directrice générale de FranceAgriMer a informé la SAS LPL 82 de l'évolution de la stratégie nationale pour ce programme d'aide conduisant à réserver l'accès à l'aide aux organismes supportant le coût de la restauration collective dans les établissements scolaires, ce qui en excluait les opérateurs intervenant en qualité de fournisseurs. En conséquence, la SAS LPL 82 était informée, d'une part, de la fin de son agrément en qualité de gestionnaire du volet " fruits et légumes " à compter de la fin de l'année scolaire 2018/2019 en cours et, d'autre part, de la faculté qui lui était ouverte d'intervenir dorénavant auprès des organismes précités en qualité de fournisseur référencé. L'évolution de la stratégie nationale s'est traduite par une nouvelle décision réglementaire INTV-MCQ-2019-16 du 13 juin 2019 de la directrice générale de FranceAgriMer, modifiée par la décision réglementaire INTV-MCQ-2020-12 du 3 avril 2020 de la même autorité. La SAS LPL 82 demande l'annulation pour excès de pouvoir des décisions réglementaires de la directrice générale de FranceAgriMer du 13 juin 2019 et du 3 avril 2020.

3. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, dans sa rédaction issue du règlement (UE) 2016/791 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 : " 1. L'aide de l'Union est accordée pour les enfants fréquentant les établissements scolaires visés à l'article 22 : / a) aux fins de la fourniture et de la distribution des produits admissibles visés aux paragraphes 3, 4 et 5 du présent article ; / b) aux fins de la mise en œuvre de mesures éducatives d'accompagnement ; et / c) pour couvrir certains coûts connexes liés à l'équipement, à la publicité, au suivi et à l'évaluation ainsi que, dans la mesure où ces coûts ne sont pas couverts par le point a) du présent alinéa, à la logistique et à la distribution. / (...) / 3. Les États membres souhaitant participer au régime d'aide établi en vertu du paragraphe 1 (ci-après dénommé " programme à destination des écoles ") et sollicitant l'aide correspondante de l'Union établissent, en tenant compte de leur situation nationale, des priorités pour la distribution de produits d'une ou des deux catégories suivantes : / a) fruits et légumes et produits frais du secteur de la banane ; / (...) / 8. Comme condition de sa participation au programme à destination des écoles, un État membre établit, avant de participer à ce programme, et tous les six ans par la suite, une stratégie de mise en œuvre du programme, ce au niveau national ou régional. La stratégie peut être modifiée par l'autorité chargée de l'élaborer au niveau national ou régional, notamment à la lumière du suivi et de l'évaluation, ainsi que des résultats obtenus. La stratégie contient au moins la définition des besoins à couvrir, un classement des besoins par ordre de priorité, l'indication du groupe cible, les résultats escomptés et, s'ils sont disponibles, les objectifs quantifiés à atteindre par rapport à la situation de départ, et elle détermine les instruments et les actions les plus appropriés pour atteindre ces objectifs. La stratégie peut contenir des modalités de mise en œuvre du programme à destination des écoles, y compris celles destinées à en simplifier la gestion. / (...) / 10. Afin d'assurer l'efficacité du programme à destination des écoles, les États membres prévoient également des mesures éducatives d'accompagnement, lesquelles peuvent inclure, entre autres, des mesures et des activités visant à rétablir le lien entre les enfants et l'agriculture au moyen d'activités, telles que des visites d'exploitations agricoles, et la distribution d'un choix plus vaste de produits agricoles visés au paragraphe 7. Ces mesures peuvent également être conçues pour éduquer les enfants sur des sujets connexes, tels que des habitudes alimentaires saines, les filières alimentaires locales, l'agriculture biologique, la production durable ou la lutte contre le gaspillage alimentaire. / (...) ". Aux termes du paragraphe 4 de l'article 2 du règlement délégué (UE) 2017/40 de la Commission du 3 novembre 2016 : " Un État membre peut modifier sa stratégie. L'État membre notifie à la Commission sa nouvelle stratégie dans un délai de deux mois à compter de la modification (...) ". Aux termes du paragraphe 2 de l'article 5 du même règlement : " L'État membre sélectionne les demandeurs d'aide parmi les organismes suivants : / a) les établissements scolaires ; / b) les autorités scolaires ; / c) les fournisseurs ou distributeurs de produits ; / d) les organisations agissant au nom d'un ou de plusieurs établissements scolaires ou autorités scolaires et instituées spécifiquement aux fins de la gestion et de la réalisation de l'une des activités visées au paragraphe 1 ; / e) tout autre organisme public ou privé chargé de la gestion et de la réalisation de toute activité visée au paragraphe 1 ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même règlement : " 1. Les demandeurs d'aide doivent être agréés par l'autorité compétente de l'État membre sur le territoire duquel se trouve l'établissement scolaire auquel les produits sont fournis et/ou distribués (...) ".

4. Aux termes des articles L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Aux termes de l'article L. 242-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : / 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ; / (...) ".

5. Il résulte des dispositions citées au point 3 que les Etats membres ont la faculté de modifier leur stratégie nationale de réalisation du programme de l'Union à destination des écoles en vue d'améliorer, en fonction de leur évaluation des résultats du suivi de l'exécution de ce programme, leur capacité à atteindre efficacement les objectifs de ce programme. A cet effet, les modifications qu'ils apportent régulièrement à leur stratégie nationale, en particulier pour simplifier la gestion de ce programme et pour optimiser l'utilisation de l'aide de l'Union, leur permettent d'adapter, notamment, la détermination, parmi les catégories de demandeurs d'aide visées par le règlement délégué (UE) 2017/40, de celles qui pourront être agréées pour recevoir l'aide, la nature, la fréquence et les modes de financement des produits distribués et des mesures éducatives d'accompagnement ainsi que les moments du temps scolaire consacrés au programme. Par suite, les opérateurs concernés, qui ne disposent d'aucun droit au maintien de la stratégie nationale en vigueur au moment où ils ont été agréés et qui ne se sont, alors, engagés à aucune contrepartie autre que celle de fournir des denrées alimentaires et de réaliser les prestations pédagogiques qui doivent les accompagner conformément à leur agrément et pour sa période de validité, ne peuvent ignorer que cette stratégie et les décisions réglementaires édictées pour son exécution sont susceptibles d'être adaptées, en particulier en tant qu'elles définissent les conditions d'accès direct à l'aide et les modalités de sa mise en œuvre.

6. En premier lieu, il est constant que la modification de la stratégie nationale française, sur le fondement de laquelle a été adoptée la décision réglementaire du 13 juin 2019, a fait l'objet d'une notification à la Commission européenne dans les deux mois suivant cette modification. Or, il résulte des dispositions citées au point 3 que la Commission européenne ne dispose d'aucune compétence d'approbation des stratégies nationales des Etats membres, qui ne lui sont communiquées qu'à la seule fin d'être rendues publiques. Par suite, la SAS LPL 82 n'est pas fondée à soutenir que cette décision réglementaire aurait été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière.

7. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision réglementaire du 3 avril 2020 a été adoptée par une autorité incompétente n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, par suite, être écarté.

8. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 5, la décision réglementaire du 13 juin 2019, qui ne s'est appliquée qu'à compter de l'année scolaire 2019/2020 et, en tout état de cause, la décision réglementaire du 3 avril 2020 la modifiant, n'ont pas porté atteinte à un droit acquis par la SAS LPL 82 au maintien en vigueur, à son égard et jusqu'à la fin de l'année scolaire 2022/2023, de la décision réglementaire du 10 octobre 2017 au titre de laquelle lui avaient été accordés ses agréments en qualité de demandeur de l'aide. Ainsi, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions citées au point 4. De même, les deux décisions réglementaires contestées n'ont pas davantage méconnu, au détriment de la SAS LPL 82, les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ou porté atteinte à son espérance légitime ayant la nature d'un bien bénéficiant de la garantie stipulée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En quatrième lieu, eu égard à son obligation de veiller à ce que la stratégie nationale française et les dispositions réglementaires l'appliquant soient mises en œuvre d'une manière efficace, simple et garante de la bonne utilisation des ressources financières de l'Union, FranceAgriMer a pu retenir les adaptations que dictait l'évaluation des résultats du suivi de l'exécution du volet " fruits et légumes " du programme d'aide " lait et fruits à l'école " et, ainsi, par les deux décisions réglementaires attaquées, faire évoluer sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation la définition des produits éligibles à l'aide de l'Union, les conditions de leur financement et les modalités de leur distribution ainsi que la détermination de la consistance et du financement des mesures éducatives d'accompagnement.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par FranceAgriMer tirée de la tardiveté des conclusions de la requérante dirigées contre la décision réglementaire du 13 juin 2019, les requêtes de la SAS LPL 82 ne peuvent qu'être rejetées.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SAS LPL 82 demande, à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS LPL 82 la somme de 3 000 euros à verser à FranceAgriMer au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de la SAS LPL 82 sont rejetées.

Article 2 : La SAS LPL 82 versera à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée LPL 82, à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 avril 2022 où siégeaient : M. Christian Fournier, conseiller d'Etat, présidant ; M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat et M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 19 mai 2022.

Le président :

Signé : M. Christian Fournier

Le rapporteur :

Signé : M. Laurent-Xavier Simonel

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 454494
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2022, n° 454494
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent-Xavier Simonel
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454494.20220519
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award