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10/05/2022 | FRANCE | N°439652

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 10 mai 2022, 439652


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 439652, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mars, 17 juin et 19 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société française de dry-needling (SFDN) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 19 janvier 2020 rejetant sa demande d'abrogation de l'avis n° 2018-01 du 13 juin 2018 du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK) ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoi

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Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 439652, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mars, 17 juin et 19 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société française de dry-needling (SFDN) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 19 janvier 2020 rejetant sa demande d'abrogation de l'avis n° 2018-01 du 13 juin 2018 du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK) ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la présidente du CNOMK du 4 avril 2019 refusant de reconnaître la formation dispensée par l'Association suisse de dry-needling.

3°) d'enjoindre au CNOMK d'abroger son avis du 13 juin 2018 ;

4°) de mettre à la charge du CNOMK la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 441474, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 26 juin 2020 et 20 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la même requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite du 19 janvier 2020 par laquelle le CNOMK a rejeté sa demande de reconnaissance de son examen de certification organisé en lien avec l'Association suisse de dry-needling ;

2°) d'enjoindre au CNOMK de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois, sous astreinte de 2000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du CNOMK la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. la Société française de dry-needling a demandé au Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'abroger l'avis n° 2018-01 du 13 juin 2018 relatif à la pratique par un kinésithérapeute de la " puncture kinésithérapique par aiguille sèche ", dite également " dry-needling ". Elle demande l'annulation de la décision implicite du 19 janvier 2020 par laquelle le Conseil national de l'ordre a rejeté cette demande d'abrogation, ainsi que celle de la décision du 4 avril 2019 par laquelle il a refusé de reconnaître la formation qu'elle dispense.

2. Par une autre requête, qui présente à juger des questions semblables et qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une même décision, la Société française de dry needling demande l'annulation de la décision implicite du 19 janvier 2020 par laquelle le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a refusé de reconnaître l'examen de certification qu'elle organise pour la pratique du " dry-needling ".

Sur les fins de non-recevoir soulevées par le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes :

3. La requête de la société française de dry-needling dirigée contre le refus implicite d'abrogation de l'avis n°2018-01 du 13 juin 2018 né, le 19 janvier 2020, du silence gardé par le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes sur la demande du 19 novembre 2019, a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 mars 2020. Le Conseil national de l'ordre n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'elle serait tardive et, par suite, irrecevable. Il en va de même de la requête dirigée contre la décision du 4 avril 2019, dont le CNOMK n'établit pas la date de publication.

4. Contrairement à ce que soutient le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, l'objet statutaire de la société française de dry-needling, qui se fixe notamment de " participer à la promotion du dry-needling en France " lui confère un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les décisions qu'elle attaque. La fin de non-recevoir tirée de ce que ses deux requêtes seraient irrecevables pour ce motif doit, par suite, être écartée.

Sur la légalité de l'avis n° 2018-01 du 13 juin 2018 :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 4321-2 du code de la santé publique : " Peuvent exercer la profession de masseur-kinésithérapeute les personnes titulaires d'un diplôme, certificat ou titre mentionné aux articles L. 4321-3 et L. 4321-4 ou titulaires des autorisations mentionnées aux articles L. 4321-5 à L. 4321-7 ". L'article L. 4321-3 du même code dispose que : " Le diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute est délivré après des études préparatoires et des épreuves dont la durée et le programme sont fixés par décret " et l'article L. 4321-4 de ce code prévoit les conditions dans lesquelles l'autorité compétente de l'Etat peut autoriser l'exercice de la masso-kinésithérapie à des praticiens qui sont détenteurs de certains titres, diplômes ou qualifications, sans être titulaires du diplôme mentionné à l'article L. 4321-3.

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 4321-122 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les indications qu'un masseur-kinésithérapeute est autorisé à mentionner sur ses documents professionnels sont : (...) / 5° Ses diplômes, titres, grades et fonctions lorsqu'ils ont été reconnus par le conseil national de l'ordre ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 4321-123 du même code, dans sa rédaction applicable : " Les indications qu'un masseur-kinésithérapeute est autorisé à faire figurer dans les annuaires à usage du public (...) sont : (...) / 3° La qualification, les titres reconnus conformément au règlement de qualification, les titres et les diplômes d'études complémentaires reconnus par le conseil national de l'ordre (...) ". Enfin, aux termes de l'article R.4321-125 de ce code, dans sa rédaction applicable à l'espèce: " Les indications qu'un masseur-kinésithérapeute est autorisé à faire figurer sur une plaque sont celles mentionnées à l'article R.4321-123 (...) ". Lorsqu'il exerce la compétence de reconnaissance d'une qualification, d'un titre ou d'un diplôme qui lui est conférée par ces dispositions, il appartient au Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de porter une appréciation sur le contenu et les modalités de la formation correspondante, aux fins de déterminer, compte tenu des liens de cette formation avec la pratique de la masso-kinésithérapie, de l'intérêt qu'elle présente pour les soins qui seront délivrés par le praticien et du caractère suffisamment éprouvé et conforme aux données actuelles de la science des enseignements délivrés, si la qualification, le titre ou le diplôme en question peut figurer dans des documents professionnels, dans des annuaires publics, ou sur une plaque.

7. Il résulte également des dispositions du code de la santé publique citées aux deux points précédents que si le Conseil national de l'ordre peut, au titre de sa compétence de reconnaissance d'une qualification, d'un titre ou d'un diplôme particulier, fixer aussi, de manière générale, les contenus ou les modalités de formation qu'il estime nécessaires pour que certaines qualifications, titres ou diplômes puissent figurer dans des documents, annuaires ou plaques professionnels, il ne tire en revanche ni de ces dispositions ni d'aucun autre texte ou principe la compétence pour déterminer les contenus des formations requises pour la pratique, par les masseurs-kinésithérapeutes, des différents actes professionnels de masso-kinésithérapie.

8. Par suite, en indiquant, dans son avis n°2018-01 du 13 juin 2018 que " Seul le kinésithérapeute ayant validé un cursus de formation complémentaire à celui de sa formation initiale peut réaliser la puncture kinésithérapique par aiguille sèche (...) " et en indiquant que " le contenu du cursus de formation nécessaire à la mise en œuvre de cette technique " est celui, joint en annexe à cet avis, élaboré par le " collège de la masso-kinésithérapie ", instance professionnelle n'ayant qu'une compétence de proposition en matière de formation continue des masseurs-kinésithérapeutes, le Conseil national de l'ordre a méconnu sa propre compétence.

9. La Société française de dry-needling est, par suite, fondée à demander l'annulation de la décision refusant d'abroger cet avis.

Sur la légalité des décisions des 4 avril 2019 et 19 janvier 2020 :

10. Il ressort des pièces du dossier que les décisions de refus contestées ont été prises par le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes au seul motif que les diplômes en cause délivrés par l'Association suisse de dry-needling et par la Société française de dry-needling ne sont pas précédés de la formation prévue par le " collège de la masso-kinésithérapie ".

11. En se fondant sur ce motif, alors qu'il lui appartenait d'apprécier, au vu des pièces soumises par les demandeurs, le contenu et les modalités de la formation que ces derniers lui soumettaient, en sollicitant le cas échéant de leur part tout élément complémentaire de nature à en éclairer certains aspects, le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a fait une inexacte application des dispositions citées au point 6. La Société française de dry-needling est, par suite, fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de ses requêtes, à demander l'annulation de ces deux décisions.

12. L'exécution de la présente décision implique que le CNOMK abroge l'avis n° 2018-01 du 13 juin 2018 et qu'il procède au réexamen de la demande de la Société française de dry- needling tendant à la reconnaissance de son examen de certification. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre qu'il procède à cette abrogation et à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la présente décision. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes la somme de 3 000 euros à verser à la Société française de dry-needling, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Société française de dry-needling, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande, au titre des dispositions du même article, le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 4 avril 2019 et les deux décisions du 19 janvier 2020 du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'abroger son avis n° 2018-01 du 13 juin 2018 et de réexaminer la demande de la Société française de dry-needling tendant à la reconnaissance de son examen de certification, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision.

Article 3 : Le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes versera à la Société française de dry-needling une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société française de dry-needling et au Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 mars 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Jean-Philippe Mochon, Mme Suzanne von Coester, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 10 mai 2022.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

La rapporteure :

Signé : Mme Flavie Le Tallec

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 mai. 2022, n° 439652
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Flavie Le Tallec
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Date de la décision : 10/05/2022
Date de l'import : 31/05/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 439652
Numéro NOR : CETATEXT000045784548 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-05-10;439652 ?
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