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28/04/2022 | FRANCE | N°450339

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 28 avril 2022, 450339


Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 7 août 2020 du président du conseil départemental de l'Essonne mettant fin à ses droits au revenu de solidarité active, la décision du même jour par laquelle la caisse d'allocations familiales de l'Essonne a décidé de récupérer un indu de revenu de solidarité active pour la période du 1er mars 2019 au 1er juillet 2020, ainsi que sa décision du 15 août 2020 de récupérer un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année d'un montant de 274,14 euros au titre de

2019. Par une ordonnance n° 2005565 du 6 janvier 2021, le président du tr...

Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 7 août 2020 du président du conseil départemental de l'Essonne mettant fin à ses droits au revenu de solidarité active, la décision du même jour par laquelle la caisse d'allocations familiales de l'Essonne a décidé de récupérer un indu de revenu de solidarité active pour la période du 1er mars 2019 au 1er juillet 2020, ainsi que sa décision du 15 août 2020 de récupérer un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année d'un montant de 274,14 euros au titre de 2019. Par une ordonnance n° 2005565 du 6 janvier 2021, le président du tribunal administratif de Versailles a, en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté cette demande comme manifestement irrecevable.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mars et 4 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2019-1323 du 10 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 7 août 2020, la caisse d'allocations familiales de l'Essonne agissant au nom du président du conseil départemental de l'Essonne a décidé de mettre fin au droit au revenu de solidarité active de M. B.... La caisse d'allocations familiales a réclamé à M. B..., par une décision du même jour, le remboursement d'un indu de revenu de solidarité active et d'aides personnalisées au logement d'un montant total de 8 996,71 euros pour la période du 1er mars 2019 au 1er juillet 2020 et, par une décision du 15 août 2020, un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année de 274,41 euros au titre de l'année 2019. M. B... a contesté devant le tribunal administratif de Versailles les décisions du 7 août 2020 en tant qu'elles portaient sur ses droits au revenu de solidarité active et sur l'indu de revenu de solidarité active ainsi que la décision du 15 août 2020. Par une ordonnance du 6 janvier 2021, contre laquelle M. B... se pourvoit en cassation, le président du tribunal a rejeté comme irrecevables l'ensemble de ses conclusions au motif qu'il n'avait pas exercé le recours administratif préalable obligatoire prévu à l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles.

2. D'une part, le premier alinéa de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles prévoit que : " Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l'objet, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, d'un recours administratif auprès du président du conseil départemental (...) ". Selon le premier alinéa de l'article R. 262-88 du même code : " Le recours administratif préalable mentionné à l'article L. 262-47 est adressé par le bénéficiaire au président du conseil départemental dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée (...) ". Ce recours administratif préalable obligatoire constitue une demande au sens de l'article L. 112-1 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes duquel : " Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande (...) peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi de correspondance, le cachet apposé par les prestataires de services postaux autorisés au titre de l'article L. 3 du code des postes et des communications électroniques faisant foi ". D'autre part, sauf texte contraire, le respect du délai de recours devant une juridiction administrative s'apprécie lors de l'enregistrement du recours au greffe de la juridiction.

3. L'institution d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, vise à laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Pour autant, dès lors que le recours administratif obligatoire a été adressé à l'administration préalablement au dépôt de la demande contentieuse, la circonstance que cette dernière demande ait été présentée de façon prématurée, avant que l'autorité administrative ait statué sur le recours administratif, ne permet pas au juge administratif de la rejeter comme irrecevable si, à la date à laquelle il statue, est intervenue une décision, expresse ou implicite, se prononçant sur le recours administratif. Il appartient alors au juge administratif, statuant après que l'autorité compétente a définitivement arrêté sa position, de regarder les conclusions dirigées formellement contre la décision initiale comme tendant à l'annulation de la décision, née de l'exercice du recours administratif préalable, qui s'y est substituée.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., par deux lettres recommandées avec accusés de réception datées du 20 août 2020, a respectivement adressé un recours administratif préalable au président du conseil départemental de l'Essonne et un recours contentieux au tribunal administratif de Versailles. Le tribunal administratif, après avoir relevé que le recours administratif préalable, exigé par l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles, alors au demeurant qu'il n'est pas applicable aux litiges relatifs à l'attribution ou à la récupération de l'aide exceptionnelle de fin d'année, qui est une allocation versée au nom de l'Etat, avait été exercé par M. B... de telle sorte qu'il avait été reçu par le département de l'Essonne le mardi 1er septembre 2021 postérieurement à l'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal le samedi 28 août 2021, a rejeté cette dernière comme manifestement irrecevable au motif qu'il n'avait pas formé de recours administratif préalablement à la saisine du juge. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de tenir compte, non de la date de réception par le département du recours administratif formé par M. B..., mais de sa date d'envoi, et au surplus, compte tenu de la date à laquelle il statuait, de regarder les conclusions de M. B... comme dirigées contre la décision implicite née du rejet de son recours administratif préalable, qui s'était substituée aux décisions initiales portant sur ses droits au revenu de solidarité active et sur l'indu de revenu de solidarité active, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. M. B... est, par suite, fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 6 janvier 2021 du président du tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B..., au département de l'Essonne et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie sera adressée à la caisse d'allocations familiales de l'Essonne et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 avril 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 28 avril 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Damien Pons

Le secrétaire :

Signé : M. A... D...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 450339
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 2022, n° 450339
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP DE NERVO, POUPET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:450339.20220428
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