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27/04/2022 | FRANCE | N°434221

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 27 avril 2022, 434221


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière La Lauzière a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 janvier 2000 par laquelle le maire de Marseille a exercé le droit de préemption de la commune sur un ensemble immobilier appartenant à la société SUPA. Par un jugement n° 00-3630 du 20 novembre 2003, le tribunal administratif de Marseille a, à l'article 1er, annulé cette décision et, à l'article 2, enjoint à la commune de Marseille de proposer à la société

La Lauzière d'acquérir le bien illégalement préempté à un prix visant à rétablir a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière La Lauzière a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 janvier 2000 par laquelle le maire de Marseille a exercé le droit de préemption de la commune sur un ensemble immobilier appartenant à la société SUPA. Par un jugement n° 00-3630 du 20 novembre 2003, le tribunal administratif de Marseille a, à l'article 1er, annulé cette décision et, à l'article 2, enjoint à la commune de Marseille de proposer à la société La Lauzière d'acquérir le bien illégalement préempté à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle.

La société La Lauzière a demandé au tribunal administratif de Marseille d'assurer l'exécution de ce jugement. Par un jugement n° 0703237 du 26 juin 2008, le tribunal administratif de Marseille a enjoint à la commune de Marseille de proposer à la société La Lauzière d'acquérir le bien illégalement préempté au prix indiqué dans la déclaration d'intention d'aliéner du 15 novembre 1999.

Par un arrêt nos 08MA04040, 08MA04077 du 12 février 2009, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur les appels de la commune de Marseille et de la société SUPA, réformé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 juin 2008 et enjoint au maire de Marseille de proposer à la société La Lauzière d'acquérir le bien illégalement préempté au prix mentionné par la déclaration d'intention d'aliéner sous réserve qu'elle établisse sa qualité d'acquéreur évincé et, à défaut, de proposer l'acquisition de ce bien à la société SUPA au même prix.

Par une décision nos 327080, 327256, 327332 du 29 juin 2011, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi par la société La Lauzière, la société SUPA et la commune de Marseille, a annulé l'arrêt du 12 février 2009 de la cour administrative d'appel de Marseille et, réglant l'affaire au fond, rejeté les appels de la commune de Marseille et de la société SUPA.

Par un jugement n° 0703237 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société La Lauzière, qui lui avait été attribuée par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 388826 du 15 décembre 2015, tendant à la condamnation de la commune de Marseille à une astreinte de 10 000 euros par jour jusqu'à ce qu'elle justifie avoir exécuté le jugement du 20 novembre 2003 du tribunal administratif de Marseille.

Par un arrêt nos 16MA03016, 16MA03019 du 6 juin 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur l'appel de la société La Lauzière, annulé le jugement du 26 mai 2016 du tribunal administratif de Marseille, prononcé à l'encontre de la commune de Marseille une astreinte, dont elle a fixé le taux à 100 euros par jour, si cette dernière ne justifie pas avoir, dans un délai de trois mois, exécuté l'article 2 du jugement du 20 novembre 2003 du tribunal administratif de Marseille tel que précisé par le jugement du 26 juin 2008, et rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société La Lauzière.

Par une décision n° 412929 du 22 décembre 2017, le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi formé par la commune de Marseille contre cet arrêt.

Par un arrêt n° 16MA03019 du 8 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a liquidé cette astreinte et condamné la commune de Marseille à verser à l'Etat une somme de 22 266 euros et à la société La Lauzière une somme de 44 534 euros.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 septembre et 4 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Marseille demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 8 juillet 2019 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de la société La Lauzière la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de la commune de Marseille et à Me Occhipinti, avocat de la société La Lauziere ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 14 janvier 2000, le maire de Marseille a exercé le droit de préemption de la commune sur un ensemble immobilier appartenant à la société SUPA, aux droits de laquelle est venue la société Groupe Louxor Valenpré, situé 233, chemin de la Commanderie. Par un jugement du 20 novembre 2003, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision et enjoint à la commune de Marseille de proposer à la société La Lauzière, acquéreur évincé, d'acquérir le bien illégalement préempté à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. Par un jugement du 26 juin 2008, ce même tribunal a précisé que la proposition à la société La Lauzière devait se faire au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner. Par un arrêt du 6 juin 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie par la société La Lauzière, a prononcé une astreinte de 100 euros par jour de retard à l'encontre de la commune de Marseille si elle ne justifiait pas avoir exécuté le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 novembre 2003 tel que précisé par le jugement du 26 juin 2008 dans un délai de trois mois suivant la notification de cette décision et jusqu'à la date de cette exécution. La commune de Marseille se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille la condamnant à verser à l'Etat la somme de 22 266 euros et à la société La Lauzière la somme de 44 534 euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire en raison de l'inexécution du jugement du 20 novembre 2003.

2. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. "

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, postérieurement à l'arrêt du 6 juin 2017 la condamnant à exécuter sous astreinte le jugement du 20 novembre 2003 tel que précisé par celui du 16 juin 2008, la commune de Marseille a, par lettre du 5 septembre 2017, proposé à la société La Lauzière de lui céder le bien illégalement préempté au prix indiqué dans la déclaration d'intention d'aliéner. Par cette proposition, la commune de Marseille s'oblige à vendre le bien aux conditions prévues par le jugement du 26 juin 2008, l'acceptation de la société La Lauzière pouvant emporter accord sur la chose et le prix conformément à l'article 1583 du code civil. Si la lettre du 5 septembre 2017 fait par ailleurs état de la nécessité préalable de la réitération par acte authentique de la vente par la société Groupe Louxor Valenpré, venue aux droits de la société SUPA, cette mention, qui se borne à rappeler les règles de publicité foncière auxquelles est subordonnée l'opposabilité aux tiers de l'acte constatant la propriété de la commune de Marseille, ne peut être regardée comme un élément constitutif du consentement du promettant. Par suite, la cour administrative d'appel de Marseille a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que la proposition de rétrocession faite à la société La Lauzière par lettre du 5 septembre 2017 était, du fait de cette mention, privée de tout effet utile, caractérisant un défaut d'exécution du jugement du 20 novembre 2003.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi ni qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident présenté par la société La Lauzière, que la ville de Marseille est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-1 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond.

6. Il résulte de ce qui a dit au point 3 que, contrairement à ce que soutient la société La Lauzière, la commune de Marseille doit, dans les circonstances particulière de l'espèce, être regardée comme ayant pris, postérieurement à l'arrêt prononçant l'astreinte et à la saisine de la cour administrative d'appel de Marseille par la société La Lauzière pour en obtenir la liquidation, la mesure nécessaire à l'exécution du jugement du 20 novembre 2003 tel que précisé par celui du 16 juin 2008 du tribunal administratif de Marseille. Il n'y a ainsi pas lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée à l'encontre de la commune de Marseille par l'arrêt du 6 juin 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille. Les conclusions de la société La Lauzière tendant à ce que l'astreinte soit majorée ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société La Lauzière une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Marseille, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 8 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident de la société La Lauzière.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de liquider l'astreinte prononcée à l'encontre de la commune de Marseille par l'arrêt du 6 juin 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 4 : Les conclusions de la société La Lauzière tendant à la majoration de l'astreinte prononcée par l'arrêt du 6 juin 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 6 : La décision sera notifiée à la commune de Marseille et à la société civile immobilière La Lauzière.

Copie en sera adressée à Me Demortier, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Groupe Louxor Valenpré, et au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 avril 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 avril 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Agnès Pic

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 434221
Date de la décision : 27/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 2022, n° 434221
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agnès Pic
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak
Avocat(s) : CABINET MUNIER-APAIRE ; OCCHIPINTI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:434221.20220427
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