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26/04/2022 | FRANCE | N°448894

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 26 avril 2022, 448894


Vu la procédure suivante :

M. et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 13 février 2018 par lequel le préfet de la région Ile-de-France a rejeté leur recours contre l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France sur leur projet de création d'un ascenseur dans leur immeuble situé 2 rue de Maurepas à Versailles ainsi que cet avis de l'architecte des bâtiments de France et l'arrêté en date du 25 octobre 2017 du maire de la commune de Versailles s'opposant à leur déclaration préalable de travaux e

n vue de la construction de cet ascenseur. Par un jugement n° 1802694 du ...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 13 février 2018 par lequel le préfet de la région Ile-de-France a rejeté leur recours contre l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France sur leur projet de création d'un ascenseur dans leur immeuble situé 2 rue de Maurepas à Versailles ainsi que cet avis de l'architecte des bâtiments de France et l'arrêté en date du 25 octobre 2017 du maire de la commune de Versailles s'opposant à leur déclaration préalable de travaux en vue de la construction de cet ascenseur. Par un jugement n° 1802694 du 16 septembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté en date du 25 octobre 2017 et a enjoint à la commune de Versailles de délivrer à M. et Mme B... un certificat de non-opposition à cette déclaration préalable dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un arrêt n° 19VE03480-19VE03514-20VE01694 du 19 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la commune de Versailles, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Versailles ainsi que leurs conclusions à fin d'exécution du jugement précité.

Par un pourvoi sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 janvier, 19 avril, 1er septembre et 18 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de Versailles, de dire qu'il n'y a plus lieu de statuer sur sa requête à fin de sursis à exécution et de faire droit à leur demande de mesures d'injonction et d'astreinte sollicitées devant les juges du fond ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Versailles la somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire ;

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la Sarl Cabinet Briard, avocat de M. et Mme B... et à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Versailles ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B..., propriétaires d'un appartement au deuxième étage d'un immeuble en copropriété situé au 2, rue Maurepas à Versailles, ont déposé le 8 septembre 2017 une déclaration préalable de travaux pour la création d'un ascenseur au sein de leur immeuble. Consulté sur ce projet situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable et de nombreux monuments historiques, l'architecte des Bâtiments de France a émis, le 16 octobre 2016, un avis défavorable à la réalisation de ces travaux au motif qu'ils porteraient atteinte à la disposition intérieure de l'escalier d'origine présentant des qualités patrimoniales protégées au titre du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) et plus particulièrement en ce qui concerne les marches au niveau du rez-de-chaussée. Par un arrêté du 25 octobre 2017, le maire de la commune de Versailles s'est en conséquence opposé à la déclaration préalable déposée par M. et Mme B... au motif que la création d'un ascenseur contrevenait à l'objectif de préservation de ce bâti, dont la modification ou l'altération est interdite selon l'article 3 de ce plan. Leur recours, sur le fondement de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, dirigé contre le refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, a ensuite été rejeté par un arrêté préfectoral du 13 février 2018. Par un jugement du 16 septembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté en date du 25 octobre 2017 et a enjoint à la commune de Versailles de délivrer à M. et Mme B... un certificat de non-opposition à cette déclaration préalable dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt du 19 novembre 2020, rendu sur appel de la commune de Versailles, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement, rejeté les demandes d'annulation et de mesures d'exécution présentées par les époux B... et jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement. M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre cet arrêt.

2. Le I de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, permet d'établir, sur tout ou partie d'un site patrimonial remarquable créé en application du titre III du livre VI du code du patrimoine, un plan de sauvegarde et de mise en valeur qui, sur le périmètre qu'il recouvre, tient lieu de plan local d'urbanisme. Le deuxième alinéa du II de l'article 112 de la loi du 7 juillet 2016 prévoit que les " secteurs sauvegardés " créés, comme celui de Versailles, avant la publication de cette loi " deviennent de plein droit des sites patrimoniaux remarquables, au sens de l'article L. 631-1 du code du patrimoine, et sont soumis au titre III du livre VI du même code. Le plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé applicable à la date de publication de la présente loi est applicable après cette date dans le périmètre du site patrimonial remarquable ".

3. Aux termes du III de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme : " (...) Le plan de sauvegarde et de mise en valeur peut (...) comporter l'indication des immeubles ou parties intérieures ou extérieures d'immeubles : (...) dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales (...) ". Antérieurement à la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, les dispositions de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme prévoyaient que les plans de sauvegarde et de mise en valeur comportaient notamment l'indication des immeubles ou parties d'immeubles " dont la démolition, l'enlèvement, la modification ou l'altération sont interdits ". Il résulte des dispositions du III de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme telles que modifiées par la loi du 13 décembre 2000, éclairée par ses travaux préparatoires, que si les plans de sauvegarde et de mise en valeur peuvent identifier les immeubles ou parties intérieures ou extérieures d'immeubles dont la démolition, l'enlèvement ou l'altération sont interdits et dont la modification est soumise à des conditions spéciales, ils ne peuvent désormais en interdire toute modification de façon générale et absolue.

4. En l'espèce, l'article 3 des dispositions générales du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Versailles dispose qu'il identifie des " 3) Immeubles ou parties d'immeubles à conserver dont la démolition, l'enlèvement, la modification ou l'altération sont interdits " et précise que : " La conservation de ces immeubles est impérative : par suite, tous travaux effectués sur un immeuble ne peuvent avoir pour but que la restitution de l'immeuble dans son état primitif ou dans un état antérieur connu compatible avec son état primitif ".

5. Il résulte des termes mêmes des dispositions de cet article 3 qu'elles interdisent la modification des immeubles ou parties d'immeubles identifiés comme étant à conserver. En autorisant la seule réalisation, sur ces immeubles, de travaux en vue de la restitution dans leur état primitif ou dans un état antérieur connu compatible avec leur état primitif, elles ne sauraient être regardées comme permettant la modification de ces immeubles en se bornant à la soumettre à des conditions spéciales. Par suite, M. et Mme B... sont fondés à soutenir qu'en jugeant que les dispositions de l'article 3 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune de Versailles ne méconnaissaient pas l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit par suite être annulé.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Versailles le versement à M. et Mme B... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : La commune de Versailles versera une somme de 3 000 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme D... B... et à la commune de Versailles.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 mars 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 26 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme A... C...


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 448894
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2022, n° 448894
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : sarl CABINET BRIARD ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:448894.20220426
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