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26/04/2022 | FRANCE | N°446386

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 26 avril 2022, 446386


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 446386, par une requête enregistrée le 12 novembre 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 11 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le I de l'article 4 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, qui interdit tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence, en tant qu'il ne comporte pas d'exception pour le r

amassage du bois de chauffage ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'ajouter...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 446386, par une requête enregistrée le 12 novembre 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 11 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le I de l'article 4 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, qui interdit tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence, en tant qu'il ne comporte pas d'exception pour le ramassage du bois de chauffage ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre d'ajouter, à la liste des exceptions, les déplacements, dans des conditions strictement individuelles, en vue d'actes domestiques de production vivrière tels que la récolte de bois de chauffe, la cueillette de fruits sauvages ou de champignons, ou le jardinage en un lieu distinct du lieu de résidence.

2° Sous le n° 449566, par une requête enregistrée le 10 février 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 11 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à modifier le I de l'article 4 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, qui interdit tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence, pour ajouter, à la liste des exceptions, les déplacements, dans des conditions strictement individuelles, en vue d'actes domestiques de production vivrière tels que la récolte de bois de chauffe, la cueillette de fruits sauvages ou de champignons, ou le jardinage en un lieu distinct du lieu de résidence.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par sa requête n° 446386, M. C... demande au Conseil d'Etat d'annuler le I de l'article 4 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, en tant que ce I, qui interdit tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence, ne comporte pas d'exception pour le ramassage du bois de chauffe, et d'enjoindre au Premier ministre d'ajouter à la liste des exceptions les déplacements en vue d'actes domestiques de production vivrière tels que la récolte de bois de chauffe, la cueillette de fruits sauvages ou de champignons, ou le jardinage en un lieu distinct du lieu de résidence. Par sa requête n° 449566, il demande l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à ajouter, au même I, les mêmes exceptions. Il y a lieu de joindre les deux requêtes pour statuer par une même décision.

Sur les conclusions du ministre des solidarités et de la santé à fin de désistement de la requête n° 446386 :

2. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté ". Il résulte de ces dispositions qu'il ne peut être donné acte du désistement d'office du requérant que si la notification de l'ordonnance de référé qui lui a été adressée comporte la mention prévue au second alinéa de cet article.

3. Par une ordonnance n° 446397 du 23 novembre 2020, le juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de M. C... tendant à la suspension de l'exécution des dispositions en litige, au motif qu'aucun moyen n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à leur légalité de ces actes. Toutefois, il n'apparaît pas que la notification aurait mentionné qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête en excès de pouvoir dans le délai d'un mois, le requérant serait réputé s'être désisté. Il s'ensuit que le ministre des solidarités et de la santé n'est pas fondé à demander qu'il soit donné acte du désistement d'office de M. C... en application de ces dispositions.

Sur les conclusions des requêtes :

4. La situation épidémiologique au cours des mois de septembre et d'octobre 2020, caractérisée par une accélération du rythme de l'épidémie de covid-19, a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre 2020, sur le fondement de l'article L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020 sur l'ensemble du territoire national. Le 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. L'état d'urgence sanitaire a été prorogé jusqu'au 16 février 2021 inclus, puis jusqu'au 1er juin 2021 inclus, respectivement par la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire et la loi du 15 février 2021 prorogeant l'état d'urgence sanitaire.

5. Aux termes de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique : " I.- Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / (...) / 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ; / (...) ". Les dispositions contestées du décret du 29 octobre 2020 interdisent les déplacements hors du lieu de résidence, sous réserve de certaines exceptions, dont les déplacements pour effectuer " des achats de première nécessité " et les déplacements " pour motif familial impérieux ". Eu égard à l'objectif poursuivi, qui est, dans un contexte d'urgence sanitaire, de limiter les déplacements au strict nécessaire, ces dispositions ne peuvent être regardées comme faisant obstacle à ce qu'une personne puisse récolter le bois dont elle a besoin pour se chauffer ou se procurer les aliments qui lui sont indispensables. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que, par ces dispositions, le Premier ministre aurait interdit certains déplacements strictement indispensables aux besoins des personnes et excédé ainsi les pouvoirs qu'il tenait de l'article L. 3131-15.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'en septembre et octobre 2020, la circulation du virus sur le territoire métropolitain s'était fortement accélérée. Dans la semaine du 19 au 25 octobre, le nombre de cas atteignait 390 en 7 jours pour 100 000 habitants, le nombre d'hospitalisations s'élevait à 12 000 au lieu de 8 000 la semaine précédente, le nombre des admissions en réanimation à 1 800 contre 1 300 la semaine précédente. L'expérience du printemps 2020 avait montré l'efficacité des mesures de confinement pour maitriser la crise, ce que le requérant ne conteste pas. La simplicité et la lisibilité de ces mesures, nécessaires à leur bonne connaissance et à leur correcte application, sont un élément de leur effectivité. Le Premier ministre n'avait pas à prévoir de dérogation pour toutes les situations particulières qui étaient susceptibles de survenir de manière occasionnelle ou contingente et il appartient en outre aux agents verbalisateurs d'apprécier, le cas échant, dans un contexte donné, si l'interdiction est méconnue. Compte tenu des dérogations rappelées au point précédent et aux risques que ferait courir une multiplication de celles-ci, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions contestées, en tant que les exceptions prévues n'ont pas l'étendue qu'il souhaiterait, ne seraient pas proportionnées aux exigences de la situation sanitaire, ni en tout état de cause qu'elles méconnaîtraient le principe de sécurité juridique.

7. Il résulte de ce qui précède que les requêtes doivent être rejetées, y compris les conclusions aux fins d'injonction.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de M. C... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... C... et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 mars 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 26 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 446386
Date de la décision : 26/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2022, n° 446386
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Myriam Benlolo Carabot
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:446386.20220426
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