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22/04/2022 | FRANCE | N°458231

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 22 avril 2022, 458231


Vu la procédure suivante :

M. A... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Roanne l'a suspendu de ses fonctions et d'enjoindre au centre hospitalier de lui verser l'intégralité de la rémunération qui ne lui a pas été versée en raison de cette suspension. Par une ordonnance n° 2108122 du 22 octobre 2021, le juge des référés a suspendu la déci

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Vu la procédure suivante :

M. A... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Roanne l'a suspendu de ses fonctions et d'enjoindre au centre hospitalier de lui verser l'intégralité de la rémunération qui ne lui a pas été versée en raison de cette suspension. Par une ordonnance n° 2108122 du 22 octobre 2021, le juge des référés a suspendu la décision du 15 septembre 2021 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 et 23 novembre 2021 et le 3 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Roanne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. D... ;

3°) de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n°2021-1059 du 7 aout 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre hospitalier de Roanne et à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lyon que, par une décision en date du 15 septembre 2021, le directeur général de la direction commune du centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne et du centre hospitalier de Roanne a suspendu M. D..., agent de maîtrise, de ses fonctions jusqu'à ce qu'il satisfasse à l'obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Le centre hospitalier de Roanne se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 22 octobre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a ordonné la suspension de l'exécution de cette décision, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

3. Aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ".

4. En adoptant, pour l'ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, à l'exception de celles y effectuant une tâche ponctuelle, le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé, garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des personnes qui y étaient hospitalisées. Il en résulte que l'obligation vaccinale prévue par les dispositions législatives citées au point précédent s'impose à toute personne travaillant régulièrement au sein de locaux relevant d'un établissement de santé mentionné à l'article L.6111-1 du code de la santé publique, quel que soit l'emplacement des locaux en question et que cette personne ait ou non des activités de soins et soit ou non en contact avec des personnes hospitalisées ou des professionnels de santé.

5. Il résulte de ce qui précède qu'en se fondant, pour juger qu'était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que M. D... était soustrait à l'obligation vaccinale, sur la circonstance qu'il exerce ses fonctions de cuisinier dans un bâtiment annexe situé à distance des autres locaux de cet établissement de santé, le juge des référés a commis une erreur de droit.

6. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le centre hospitalier de Roanne est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé.

8. Pour demander la suspension de la décision contestée, M. D... soutient qu'elle devait comporter le visa de ce que son signataire était habilité à avoir accès aux données de santé, que l'entretien de régularisation de sa situation vaccinale a eu lieu le jour même de la décision, que celle-ci méconnaît les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais reprises à l'article L. 531-1 du code général de la fonction publique, qui limitent à quatre mois les décisions de suspension, qu'elle revêt le caractère d'une sanction déguisée, que la localisation de son lieu d'exercice professionnel le dispense de toute obligation vaccinale, que le décret du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire est illégal en ce qu'il introduit une discrimination en raison de l'état de santé et, enfin, que la décision contestée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, la demande de M. D... tendant à la suspension de cette décision doit être rejetée.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du centre hospitalier de Roanne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme que demande le centre hospitalier de Roanne au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

-------------

Article 1er : L'ordonnance du 22 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Roanne et à M. A... D....

Délibéré à l'issue de la séance du 10 mars 2022 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Denis Piveteau

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

La secrétaire :

Signé : Mme C... B...


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 458231
Date de la décision : 22/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 avr. 2022, n° 458231
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:458231.20220422
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