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22/04/2022 | FRANCE | N°444383

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 22 avril 2022, 444383


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 septembre et 14 décembre 2020, l'Association de défense des agriculteurs de La Réunion demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 juin 2020 modifiant l'arrêté du 31 décembre 1990 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la leucose bovine enzootique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code ru...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 septembre et 14 décembre 2020, l'Association de défense des agriculteurs de La Réunion demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 juin 2020 modifiant l'arrêté du 31 décembre 1990 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la leucose bovine enzootique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2019-1349 du 12 décembre 2019 ;

- l'arrêté du 31 décembre 1990 fixant les mesures techniques et administratives relative à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la leucose bovine enzootique ;

- l'arrêté du 27 octobre 2017 modifiant l'arrêté du 31 décembre 1990 fixant les mesures techniques et administratives relative à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la leucose bovine enzootique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Brouchot, avocat de l'Association de défense des agriculteurs de La Réunion ;

Considérant ce qui suit :

1. L'Association de défense des agriculteurs de La Réunion demande l'annulation de l'arrêté du 3 juin 2020 modifiant l'arrêté du 31 décembre 1990 fixant les mesures techniques et administratives relative à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la leucose bovine enzootique par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a étendu les dispositions de cet arrêté applicables dans le département de La Réunion et soumis l'application, à ce département, de l'article 29 de ce dernier arrêté à des conditions et réserves.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, si le III de l'article D. 201-2 du code rural et de la pêche maritime prévoyait que la liste des dangers sanitaires de deuxième catégorie est fixée après avis du Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale, cet article a été abrogé par le décret du 12 décembre 2019 portant adaptation du livre II du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué a été adopté en méconnaissance de la procédure prévue par cet article doit, en tout état de cause, être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 221-1 du code rural et de la pêche maritime : " Suivant les modalités prévues par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances, le ministre chargé de l'agriculture peut prendre toutes mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies classées parmi les dangers sanitaires de première et deuxième catégories, en vertu du présent titre ". Pour l'application de ces dispositions, les ministres chargés de l'agriculture et de l'économie et des finances ont, par un arrêté conjoint du 24 octobre 2005, défini les mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies des animaux réputées contagieuses que peut prendre, par voie d'arrêté, le ministre en charge de l'agriculture. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en l'absence d'un tel arrêté conjoint, le ministre en charge de l'agriculture ne pouvait prendre l'arrêté attaqué manque en fait.

Sur la légalité interne :

4. Aux termes de l'article L. 201-1 du code rural et de la pêche maritime : " Pour l'application du présent livre, sous réserves de dispositions particulières, on entend par dangers sanitaires les dangers qui sont de nature à porter atteinte à la santé des animaux et des végétaux ou à la sécurité sanitaire des aliments et les maladies d'origine animale ou végétale qui sont transmissibles à l'homme. Les dangers sanitaires sont classés selon les trois catégories suivantes : 1° Les dangers sanitaires de première catégorie sont ceux qui étant de nature, par leur nouveauté, leur apparition ou persistance, à porter une atteinte grave à la santé publique ou à la santé des végétaux et des animaux à l'état sauvage ou domestique ou à mettre gravement en cause, par voie directe ou par les perturbations des échanges commerciaux qu'ils provoquent, les capacités de production d'une filière animale ou végétale, requièrent, dans un but d'intérêt général, des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte rendues obligatoires par l'autorité administrative ; / 2° Les dangers sanitaires de deuxième catégorie sont les dangers sanitaires autres que ceux mentionnés au 1° pour lesquels il peut être nécessaire, dans un but d'intérêt collectif, de mettre en œuvre des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte définies par l'autorité administrative ou approuvées dans les conditions prévues à l'article L. 201-12 ; / 3° Les dangers sanitaires de troisième catégorie sont les dangers sanitaires autres que ceux mentionnés aux 1° et 2° pour lesquels les mesures de prévention, de surveillance ou de lutte relèvent de l'initiative privée. / La liste des dangers sanitaires des première et deuxième catégories est établie dans des conditions prévues par voie réglementaire. ". S'il résulte des dispositions de cet article, auxquelles aucune dérogation n'est apportée par le titre VIII du code rural et de la pêche maritime, relatif aux " dispositions spécifiques à l'outre-mer ", qu'un danger sanitaire, lorsqu'il remplit les conditions fixées pour l'une ou l'autre des deux premières catégories, doit y être classé pour l'ensemble du territoire national, ces dispositions ne font, en revanche, pas obstacle à ce que les mesures de prévention, de surveillance ou de lutte qu'appelle ce danger sanitaire soient adaptées, compte tenu de ses effets, notamment d'une région à l'autre, dans les conditions définies, sous le contrôle du juge, par l'autorité réglementaire ou dans le cadre des programmes collectifs volontaires.

5. Il en résulte que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation pouvait, sans méconnaître ni le sens ni la portée de ces dispositions, adapter l'application des mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre la leucose bovine enzootique pour le département de La Réunion en raison de sa situation épidémiologique particulière.

6. Le 2° de l'article 1er de l'arrêté attaqué a ajouté à l'article 36 de l'arrêté du 31 décembre 1990 un alinéa ainsi rédigé : " A l'issue du dépistage annuel de la leucose bovine enzootique, tel qu'il est prévu aux articles 13 et 14, dans les élevages dont la prévalence constatée est comprise entre zéro et une prévalence seuil fixée par instruction du ministre en charge de l'agriculture, les mesures prescrites par l'article 29 du présent arrêté s'appliquent sous réserve de la mise en œuvre de bonnes pratiques d'élevages, de mesures de biosécurité et de mesures de lutte contre les insectes vecteurs ".

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le ministre chargé de l'agriculture peut, en vertu de l'article L. 221-1 du code rural et de la pêche maritime, prendre toutes mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies classées parmi les dangers sanitaires de première et deuxième catégories. Par suite, l'arrêté attaqué pouvait, sur ce fondement, prévoir que l'alinéa ajouté à l'article 36 de l'arrêté du 31 décembre 1990 soumette l'application des mesures prescrites par l'article 29 de cet arrêté dans le département de La Réunion à l'adoption d'une instruction de ce ministre fixant une prévalence seuil.

8. L'association requérante soutient que l'arrêté attaqué méconnaît les articles L. 201-1, L. 201-3 et L. 201-4 du code rural et de la pêche maritime en ce qu'il exclut l'application des mesures prescrites par l'article 29 de l'arrêté du 31 décembre 1990 aux élevages du département de La Réunion dont la prévalence dépasse une prévalence seuil, alors que ces articles de ce code ne prévoient pas un tel seuil. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation pouvait, sans méconnaître ni le sens ni la portée des dispositions de l'article L. 201-1, adapter l'application des mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre la leucose bovine enzootique pour le département de La Réunion en raison de sa situation épidémiologique particulière. Les dispositions des articles L. 201-3 et L. 201-4, qui sont relatives, respectivement, aux mesures destinées à collecter, traiter et diffuser les données et informations d'ordre épidémiologique concernant les dangers sanitaires et aux mesures de prévention, de surveillance ou de lutte que peut prendre l'autorité administrative pour ces dangers, n'ont pas davantage été méconnues.

9. Si l'association requérante fait valoir que les mesures générales applicables dans les cheptels infectés prévues par l'arrêté du 31 décembre 1990 ne comprennent aucun dispositif de discrimination des élevages par seuil de prévalence et ne sont soumises à aucune réserve tenant à la mise en œuvre de bonnes pratiques d'élevages, de mesures de biosécurité et de mesures de lutte contre les insectes vecteurs, cette circonstance ne saurait empêcher le ministre en charge de l'agriculture d'en introduire. En outre, si le nouvel alinéa de l'article 36 de l'arrêté du 31 décembre 1990 ne précise pas l'autorité en charge d'apprécier la mise en œuvre de de ces bonnes pratiques et mesures, il appartient au directeur départemental chargé de la protection des populations, en vertu de l'article 2 du même arrêté, d'organiser et de diriger la lutte contre la leucose bovine enzootique.

10. L'association requérante soutient enfin que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur d'appréciation, en ce qu'il exclut le département de La Réunion des mesures de prophylaxie et de police sanitaire de la leucose bovine enzootique alors que ce département est celui dans lequel subsiste la plus grande prévalence de cette maladie. Toutefois, l'arrêté attaqué, qui a étendu le champ des dispositions de l'arrêté du 31 décembre 1990 s'appliquant au département de La Réunion a pu, sans erreur d'appréciation, ne pas étendre l'ensemble des dispositions de cet arrêté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'Association de défense des agriculteurs de La Réunion est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association de défense des agriculteurs de La Réunion et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat et M. Martin Guesdon, auditeur-rapporteur.

Rendu le 22 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard

Le rapporteur :

Signé : M. Martin Guesdon

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 444383
Date de la décision : 22/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 avr. 2022, n° 444383
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Martin Guesdon
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : BROUCHOT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:444383.20220422
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