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14/04/2022 | FRANCE | N°456540

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 14 avril 2022, 456540


Vu la procédure suivante :

Le tribunal administratif de Lille se trouvant dessaisi en application de l'article R. 121 du code électoral, M. C... B..., par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 septembre, 11 octobre et 22 décembre 2021 ainsi que le 2 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, demande au Conseil d'Etat :

1°) de constater qu'il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021

par lequel le préfet du Nord l'a déclaré démissionnaire d'office de ses mandats de ...

Vu la procédure suivante :

Le tribunal administratif de Lille se trouvant dessaisi en application de l'article R. 121 du code électoral, M. C... B..., par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 septembre, 11 octobre et 22 décembre 2021 ainsi que le 2 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, demande au Conseil d'Etat :

1°) de constater qu'il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le préfet du Nord l'a déclaré démissionnaire d'office de ses mandats de conseiller municipal de la commune de E..., entraînant la perte de ses fonctions de maire et de son mandat de conseiller de la communauté de communes Cœur d'Ostrevent ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 120 du code électoral : " Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe (bureau central ou greffe annexe) (...) ". Aux termes de l'article R. 121 du même code : " Faute d'avoir statué dans les délais ci-dessus fixés, le tribunal administratif est dessaisi. Le secrétaire greffier en informe le préfet et les parties intéressées en leur faisant connaître qu'ils ont un délai d'un mois pour se pourvoir devant le Conseil d'Etat. ".

2. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 16 mars 2021, le tribunal correctionnel de Douai a condamné M. B... à dix mois d'emprisonnement avec sursis et à la peine de privation de son droit d'éligibilité pour une durée d'un an avec exécution provisoire en application des articles 131-10,131-26,131- 26-2 et 432-17 du code pénal. Par un arrêté du 1er juin 2021, notifié par le sous-préfet de Douai le 4 juin 2021, le préfet du Nord l'a déclaré démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal de la commune de E..., entraînant la perte de ses fonctions de maire et de son mandat de conseiller communautaire de la communauté de communes F.... M. B... a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Ce tribunal se trouvant dessaisi en application de l'article R. 121 du code électoral, M. B... demande au Conseil d'Etat, à titre principal, de constater qu'il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions de la requête ou, à défaut, d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021.

3. D'une part, aux termes de l'article 131-26 du code pénal : " L'interdiction des droits civiques, civils et de famille porte sur : / 1° Le droit de vote ;/ 2° L'éligibilité ;/ (...)/ L'interdiction des droits civiques, civils et de famille ne peut excéder une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit./ La juridiction peut prononcer l'interdiction de tout ou partie de ces droits./ L'interdiction du droit de vote ou l'inéligibilité prononcées en application du présent article emportent interdiction ou incapacité d'exercer une fonction publique ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article 471 du code de procédure pénale : " Les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision ". Aux termes de l'article 506 de ce code : " Pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel, il est sursis à l'exécution du jugement, sous réserve des dispositions des articles (...) 471 (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 230 du code électoral : " Ne peuvent être conseillers municipaux : / 1° Les individus privés du droit électoral (...) ". Aux termes de l'article L. 236 du même code : " Tout conseiller municipal qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d'inéligibilité prévus par les articles L. 230 (...) est immédiatement déclaré démissionnaire par le préfet, sauf réclamation au tribunal administratif dans les dix jours de la notification, et sauf recours au Conseil d'Etat, conformément aux articles L. 249 et L. 250 (...) ". Aux termes de l'article L. 273-4 de ce code : " Le[s] conditions d'éligibilité, les inéligibilités et les incompatibilités [des conseillers communautaires] sont celles prévues pour les conseillers municipaux de la commune qu'ils représentent (...) ".

5. Le droit électoral au sens du 1° de l'article L. 230 du code électoral cité ci-dessus recouvre à la fois le droit de vote et l'éligibilité. Par suite, la perte d'un seul de ces deux droits prive son titulaire de la possibilité de jouir de son droit électoral plein et entier. Par voie de conséquence, la privation du droit d'éligibilité en vertu d'une condamnation devenue définitive ou d'une condamnation dont le juge pénal a décidé l'exécution provisoire lie le représentant de l'Etat et lui impose, en vertu des dispositions précitées des articles L. 236 et L. 273-4 du code électoral, de prendre une décision de démission d'office des mandats de conseiller municipal et conseiller communautaire qui seraient détenus par l'intéressé.

6. Il résulte de l'instruction que postérieurement à l'arrêté contesté, par un arrêt du 31 janvier 2022, la cour d'appel de Douai a infirmé le jugement du 16 mars 2021 du tribunal correctionnel de Douai en ce qui concerne la peine complémentaire d'inéligibilité et condamné M. B... à une peine de privation de son droit d'éligibilité pour une durée de trois ans, sans toutefois prononcer l'exécution provisoire de cette peine. M. B... s'est pourvu en cassation contre cet arrêt.

7. La peine complémentaire d'inéligibilité prononcée en appel à l'encontre de M. B..., non assortie d'une exécution provisoire, n'est pas devenue définitive compte tenu de l'introduction d'un pourvoi en cassation. Le juge appréciant l'inéligibilité à la date à laquelle il statue et la démission d'office ne pouvant être prononcée que pour autant que l'intéressé demeure frappé d'une inéligibilité, il y a, dès lors, lieu d'annuler l'arrêté contesté à compter du 31 janvier 2022. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... en tant qu'elle porte sur la période antérieure au 31 janvier 2022, au cours de laquelle l'arrêté contesté n'a pas reçu exécution.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande du requérant présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2021 du préfet du Nord pour la période antérieure au 31 janvier 2022.

Article 2 : L'arrêté du 1er juin 2021 du préfet du Nord est annulé à compter du 31 janvier 2022.

Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4: La présente décision sera notifiée à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2022 où siégeaient : M. Frédéric Aladjidi, président de chambre, présidant ; M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat et M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 14 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Frédéric Aladjidi

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Polge

La secrétaire :

Signé : Mme D... A...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 456540
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 2022, n° 456540
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Polge
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:456540.20220414
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