Vu la procédure suivante :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler la décision du 11 juillet 2018 par laquelle le directeur régional des finances publiques de La Réunion a suspendu le versement de son indemnité temporaire de retraite (ITR) à compter du mois de juin 2018 et d'enjoindre à l'administration de rétablir rétroactivement le versement de cette indemnité et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 20 920 euros en réparation des préjudices financiers et moraux résultant de l'illégalité fautive de cette décision. Par une ordonnance n° 1901144 du 17 juin 2020, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de la Réunion a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. D... et a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires enregistrés les 17 août et 17 novembre 2020 et les 30 juillet, 9 août et 10 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle rejette ses conclusions indemnitaires ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de La Réunion ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Leduc, Vigand, avocat de M. D... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. D... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler la décision du 11 juillet 2018 par laquelle le directeur régional des finances publiques de La Réunion a suspendu le versement de son indemnité temporaire de retraite (ITR) à compter du mois de juin 2018 et d'enjoindre à l'administration de rétablir rétroactivement le versement de cette indemnité et, d'autre part, de condamner l'Etat à réparer les préjudices financiers et moraux qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive de cette décision. Par une ordonnance du 17 juin 2020, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de la Réunion a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. D... et a rejeté ses conclusions indemnitaires. M. D... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance en tant qu'elle rejette ses conclusions indemnitaires.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes du I de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus. (...) ".
3. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif que, par lettre en date du 23 avril 2020, dont le mandataire de M. D... a accusé réception le même jour, le greffe du tribunal administratif de la Réunion lui a communiqué le mémoire en défense du directeur régional des finances publiques de La Réunion, en l'invitant à faire connaître, dans le délai d'un mois suivant la réception de cette communication, si, au vu de sa teneur, il entendait se désister des conclusions de sa demande et en précisant que si le terme du délai venait à échéance au cours de la période définie par les dispositions citées au point 2, il serait prorogé de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la fin de cette période. Dès lors et alors même que l'ordonnance attaquée n'a pas constaté de désistement, M. D... est fondé à soutenir qu'ayant été rendue dès le 17 juin 2020 avant expiration du délai imparti pour produire, elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière et, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, à en demander l'annulation en tant qu'elle rejette ses conclusions indemnitaires.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans cette mesure, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices allégués :
5. En premier lieu, si M. D... demande la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité chiffrée, dans le dernier état de ses écritures, à 12 920 euros, correspondant selon lui, au montant de son endettement personnel résultant de la suspension de son indemnité temporaire de retraite, ces conclusions ont, en réalité, le même objet que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de rétablir rétroactivement le versement de l'indemnité temporaire de retraite, majorée d'intérêts de retard au taux légal. M. D... ne conteste pas l'ordonnance du 17 juin 2020 en tant qu'elle constate qu'il n'y a plus lieu à statuer sur ces conclusions, le requérant ayant obtenu, postérieurement à l'introduction de sa requête, le rétablissement de ses droits à l'indemnité temporaire de retraite, avec versement des mensualités suspendues depuis juin 2018, majorées des intérêts moratoires. Dans ces conditions, et dès lors que le requérant n'établit pas l'existence d'un préjudice matériel distinct en relation directe et certaine avec le retard avec lequel il a perçu le montant des mensualités suspendues, sa demande doit être rejetée.
6. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la demande de M. D... que le préjudice financier dont il demande l'indemnisation par le versement d'une somme de 4 000 euros résulte des frais qu'il a engagés pour défendre ses intérêts en première instance et en cassation. Ce préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens doit être réputé intégralement réparé, s'il y a lieu, par la décision que prend le juge dans l'instance en cause sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ne justifie dès lors l'allocation d'aucune autre indemnité.
7. En dernier lieu, si M. D... fait état de troubles d'anxiété consécutifs à la suspension de son indemnité temporaire de retraite, le certificat médical qu'il produit ne permet pas d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la suspension du versement de l'indemnité temporaire de retraite et le préjudice moral allégué.
8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de M. D... doivent être, en tout état de cause, rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2020 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de La Réunion est annulé.
Article 2 : Les conclusions indemnitaires de M. D... sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2022 où siégeaient : M. Frédéric Aladjidi, président de chambre, présidant ; M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat et M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 14 avril 2022.
Le président :
Signé : M. Frédéric Aladjidi
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Polge
La secrétaire :
Signé : Mme C... A...