La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2022 | FRANCE | N°447406

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 13 avril 2022, 447406


Vu la procédure suivante :

M et Mme A... et E... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du préfet de Maine-et-Loire du 20 octobre 2015 délivrant à la SARL Val de Moines Energies une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comportant cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tillières. Par un premier jugement n° 1601155 du 25 mai 2018, le tribunal administratif a sursis à statuer dans l'attente d'une régularisation de l'arrêté. Par un s

econd jugement n° 1601155 du 22 février 2019, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

M et Mme A... et E... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du préfet de Maine-et-Loire du 20 octobre 2015 délivrant à la SARL Val de Moines Energies une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent comportant cinq éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tillières. Par un premier jugement n° 1601155 du 25 mai 2018, le tribunal administratif a sursis à statuer dans l'attente d'une régularisation de l'arrêté. Par un second jugement n° 1601155 du 22 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme A... et E... A....

Par un arrêt n° 19NT01718 du 9 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. et Mme A... et E... A... contre ces jugements.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 décembre 2020, 8 mars 2021 et 1er mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A..., E... A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Val de Moines Energies et de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. et Mme A... et autre et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Val de Moines Energies ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 20 octobre 2015, le préfet de Maine-et-Loire a délivré à la société Val de Moines Energies une autorisation d'exploitation pour un parc éolien comprenant cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tillières. Par un jugement du 25 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes, saisi par M. et Mme A... et autre, a sursis à statuer en laissant à la société Val des Moines Energies et au préfet un délai de six mois pour régulariser le vice tenant au caractère incomplet du dossier soumis à enquête publique concernant les capacités financières de l'exploitant. Un arrêté modificatif du 27 novembre 2018 a été transmis au tribunal administratif qui, par un jugement du 22 février 2019, a rejeté la demande de M. et Mme A... et autre. Par un arrêt du 9 octobre 2020 la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. et Mme A... et E... A... contre ce jugement.

Sur l'avis de l'autorité environnementale :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas. (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que : " I. - Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) / III. - Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...). / IV.- La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code, dans sa version issue du décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement, applicable au litige, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1, lorsqu'elle n'est ni le ministre chargé de l'environnement, dans les cas prévus au I de cet article, ni la formation compétente du Conseil général de l'environnement et du développement durable, dans les cas prévus au II de ce même article, est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé.

3. Il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

4. Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l'avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu'autorité environnementale doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d'une autonomie réelle répondant aux exigences de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011, sauf dans le cas où c'est le même service qui a, à la fois, instruit la demande d'autorisation et préparé l'avis de l'autorité environnementale. En particulier, les exigences de la directive, tenant à ce que l'entité administrative appelée à rendre l'avis environnemental sur le projet dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, ne peuvent être regardées comme satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et que l'avis environnemental émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins que l'avis n'ait été préparé, au sein de cette direction, par le service mentionné à l'article R. 122-21 du code de l'environnement qui a spécialement pour rôle de préparer les avis des autorités environnementales.

5. En ayant estimé, pour écarter le moyen tiré de ce que l'avis de l'autorité environnementale avait été émis au terme d'une procédure régulière, que l'autorisation attaquée avait été accordée par le préfet du département de Maine-et-Loire sur la base d'une instruction de la demande par la direction de l'interministérialité et du développement durable - Bureau des ICPE et non de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la région des Pays-de-la-Loire, laquelle avait préparé l'avis émis par le préfet de la région Pays-de-la-Loire en qualité de l'autorité environnementale, alors qu'il résultait des pièces du dossier qui lui était soumis, notamment des termes mêmes de l'arrêté attaqué, que l'autorisation délivrée par le préfet de Maine-et-Loire avait été instruite par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la région des Pays-de-la-Loire, la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les faits de l'espèce. Par suite, sans qu'il besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A... et au GAEC A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. et Mme A... et autre qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 9 octobre 2020 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... et au GAEC A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Val de Moines Energies sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... D..., au GAEC A..., à la société Val de Moines Energies et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 mars 2022 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 13 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Fabien Raynaud

La rapporteure :

Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :

Signé : Mme B... C...


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 447406
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 avr. 2022, n° 447406
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:447406.20220413
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award