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12/04/2022 | FRANCE | N°451408

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 12 avril 2022, 451408


Vu la procédure suivante :

Le syndicat Confédération française démocratique du travail (CFDT) Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT ont demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler la décision portant procès-verbal de l'élection des représentants du personnel à la commission administrative paritaire (CAP) de catégorie C du centre de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) de la Meuse du 6 décembre 2018, ainsi que la décision du 12 décembre 2018 du président du bureau de vote portant rejet du recours effectué contre ces opératio

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Vu la procédure suivante :

Le syndicat Confédération française démocratique du travail (CFDT) Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT ont demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler la décision portant procès-verbal de l'élection des représentants du personnel à la commission administrative paritaire (CAP) de catégorie C du centre de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) de la Meuse du 6 décembre 2018, ainsi que la décision du 12 décembre 2018 du président du bureau de vote portant rejet du recours effectué contre ces opérations électorales et, d'autre part, d'enjoindre au CGFPT de la Meuse de procéder à une nouvelle répartition des sièges au sein de la CAP en attribuant, d'une part, 5 sièges à la CFDT, dont 3 en groupe hiérarchique supérieur et 2 en groupe hiérarchique de base et, d'autre part, 3 sièges à la Conférération générale du travail (CGT) en groupe hiérarchique de base, dans un délai de vingt-quatre heures à compter du jugement et sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1803425 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 19NC01424 du 4 février 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par le syndicat CFDT Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril et 6 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat CFDT Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Meuse la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat CFDT Interco Meuse et de la Fédération Interco CFDT et à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat du centre de gestion de fonction publique territoriale de (CGFPT) de la Meuse ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, lors de l'élection des représentants du personnel à la commission administrative paritaire (CAP) des agents de catégorie C du centre de gestion de la fonction publique territoriale (CGFPT) de la Meuse qui s'est tenue le 6 décembre 2018, pour laquelle 3 sièges étaient à pourvoir dans le " groupe hiérarchique supérieur " et 5 dans le " groupe hiérarchique de base ", les listes CFDT Interco Meuse et CGT Interco Meuse ont respectivement recueilli 519 voix et 359 voix, soit 5 sièges de titulaires pour la CFDT et 3 sièges pour la CGT. La répartition consignée dans le procès-verbal de l'élection a été fixée à 4 sièges pour la CFDT et la CGT au motif que, la CFDT ayant présenté une liste incomplète, la CGT se trouvait privée du siège auquel elle avait droit dans le groupe hiérarchique supérieur. Par une décision du 12 décembre 2018, le président du CGFPT de la Meuse a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par la CFDT Interco Meuse contre cette répartition et, par un jugement du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la protestation formée par la CFDT Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT contre ces décisions. La CFDT Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 4 février 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur appel formé contre ce jugement.

2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article 29 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les membres représentant le personnel au sein de la commission administrative paritaire " sont élus au scrutin de liste avec représentation proportionnelle dans les conditions définies à l'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ".

3. Aux termes de l'article 12 du décret du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " (...) / Chaque liste comprend autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir, titulaires et suppléants, pour un groupe hiérarchique donné, sans qu'il soit fait mention pour chacun des candidats de la qualité de titulaire ou de suppléant. / Sont toutefois admises les listes comportant un nombre de noms inférieur à celui des sièges de représentant titulaire et de représentant suppléant à pourvoir et au moins égal à : / 2, lorsque l'effectif des fonctionnaires relevant de la commission administrative paritaire est inférieur à 20 ; / 4, lorsque l'effectif est au moins égal à 20 et inférieur à 40 ; / 6, lorsque l'effectif est au moins égal à 40 et inférieur à 500 ; / 8, lorsque l'effectif est au moins égal à 500 et inférieur à 750 ; / 10, lorsque l'effectif est au moins égal à 750. / Pour l'application des troisième à huitième alinéas précédents, le nombre de candidats présentés dans chaque groupe hiérarchique doit être un nombre pair. / Les listes peuvent comprendre, dans chaque groupe hiérarchique, un nombre de noms égal au plus au double de celui des sièges de représentant titulaire et de représentant suppléant de ce groupe. / (...) ".

4. Aux termes de l'article 23 du même décret : " Les représentants du personnel au sein des commissions administratives paritaires sont élus à la proportionnelle. La désignation des membres titulaires est effectuée de la manière suivante : / a) Nombre total de sièges de représentants titulaires attribués à chaque liste : / Chaque liste a droit à autant de sièges de représentants titulaires que le nombre de voix recueillies par elle contient de fois le quotient électoral. / Les sièges de représentants titulaires restant éventuellement à pourvoir sont attribués suivant la règle de la plus forte moyenne. / b) Désignation des représentants titulaires : / Les listes exercent leur choix successivement dans l'ordre décroissant du nombre de sièges qu'elles obtiennent. La liste ayant droit au plus grand nombre de sièges choisit chacun d'eux, le cas échéant, dans un groupe hiérarchique différent sous réserve de ne pas empêcher par son choix une autre liste d'obtenir le nombre de sièges auxquels elle a droit dans les groupes hiérarchiques pour lesquels elle avait présenté des candidats. / Les autres listes exercent ensuite leur choix successivement dans l'ordre décroissant du nombre de sièges auxquels elles peuvent prétendre, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves. / (...) / Dans l'hypothèse où une partie ou la totalité des sièges n'a pu être pourvue par voie d'élection, la commission administrative paritaire est complétée par voie de tirage au sort parmi les électeurs à cette commission. (... )/ d) Désignation des représentants suppléants : / Il est attribué à chaque liste un nombre de sièges de représentants suppléants égal à celui des représentants titulaires. / Les suppléants sont désignés parmi les candidats venant immédiatement à la suite des candidats élus titulaires et dans l'ordre de présentation de la liste. / La procédure de tirage au sort mentionnée au b est applicable pour la désignation des suppléants dans les mêmes cas et les mêmes conditions que pour la désignation des représentants titulaires. / En cas de liste incomplète, la désignation des suppléants s'effectue le cas échéant selon la procédure de tirage au sort mentionnées au b après désignation des titulaires. (...) ".

5. Il résulte, en premier lieu, des dispositions citées au point 2 que le respect de la règle de représentation proportionnelle qu'elles posent à leur quatrième alinéa pour l'élection des membres représentant le personnel dans les commissions administratives paritaires de la fonction publique territoriale s'apprécie au regard du nombre de sièges de représentants titulaires obtenus par chaque liste au sein de la composition de la commission, prise dans son ensemble, et non au sein de chacun des groupes hiérarchiques de la catégorie d'agents concernés. Les dispositions précitées du a) de l'article 23 du décret du 17 avril 1989, qui prévoient que les sièges de représentants titulaires sont répartis entre les listes, en fonction des voix recueillies par chacune d'elles, à la proportionnelle à la plus forte moyenne assurent le respect de cette exigence.

6. Il résulte, en deuxième lieu, des dispositions citées au point 3 que les organisations syndicales ne sont pas tenues de présenter des listes complètes dans tous les groupes hiérarchiques de la commission.

7. Il résulte, en troisième lieu, du a) et de la deuxième phrase du b) de l'article 23 du décret précité du 17 avril 1989, cités au point 4, qui visent à garantir les droits des listes qui ne sont pas arrivées en tête lors des élections des représentants du personnel aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales, que ces listes doivent être assurées, en raison des conditions imposées au choix de la liste qui a obtenu le plus grand nombre de sièges, non seulement qu'elles obtiendront le nombre de sièges auxquels les résultats du scrutin leur donnent droit, mais encore qu'elles pourront obtenir ces sièges dans les groupes hiérarchiques pour lesquels elles avaient présenté des candidats, dans la mesure où le nombre des sièges qu'elles ont obtenus le leur permet. Le respect de cette garantie ne saurait toutefois conduire à ce que la répartition globale des sièges de représentants titulaires issue du scrutin proportionnel soit modifiée.

8. Par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nancy a jugé que, dès lors que la CFDT a obtenu le plus grand nombre de sièges de titulaires, ce syndicat devait bénéficier de la priorité de choix des sièges à pourvoir dans les groupes hiérarchiques supérieur et de base, à condition toutefois de ne pas empêcher par son choix la liste de la CGT d'obtenir le nombre de sièges auquel les résultats du scrutin lui donnaient droit dans les groupes hiérarchiques pour lesquels elle avait présenté des candidats. Eu égard à ce qui a été dit aux points 5 à 7, elle n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la CFDT ne pouvait, en affectant 3 sièges de titulaires parmi les 5 qu'elle avait obtenus au groupe hiérarchique supérieur, priver la CGT du droit d'obtenir un siège de titulaire au sein de ce groupe hiérarchique, pour lequel elle avait présenté une liste complète de candidats, et que la répartition des sièges entre la CFDT et la CGT devait être arrêtée, pour le groupe hiérarchique supérieur, respectivement à 2 et 1 sièges de titulaires pour la CFDT et pour la CGT. Toutefois, après avoir relevé, par des motifs qui ne sont pas argués de dénaturation, que la CFDT n'a présenté que quatre candidats pour le groupe hiérarchique de base, la cour a déduit de la répartition des sièges au titre du groupe hiérarchique supérieur que ce syndicat ne pouvait obtenir, au titre du groupe de base, que deux sièges de titulaires et deux sièges de suppléants. En statuant ainsi, alors que cette répartition, conduisant à ce que la CFDT ne dispose, au total, que de quatre élus titulaires pour l'ensemble de la catégorie C alors qu'elle pouvait prétendre, au vu de ses résultats à l'élection, à cinq élus, méconnaissait la règle de représentation proportionnelle rappelée au point 5, la cour a commis une erreur de droit. Le syndicat CFDT Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT sont, par suite, fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. Le syndicat CFDT Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT ont produit les délibérations par lesquelles leur secrétaire général a été autorisé à ester en justice en leur nom. La coordination syndicale départementale CGT de la Meuse n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que leurs protestations seraient irrecevables faute de qualité pour agir de leurs représentants.

11. Il résulte des motifs énoncés au point 8 que le syndicat CFDT Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur protestation.

12. Il appartient au juge de l'élection de procéder à l'attribution des sièges à chaque liste. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 qu'eu égard aux cinq sièges auxquels elle peut prétendre, il y a lieu d'attribuer à la CFDT deux sièges de titulaires et deux sièges de suppléants dans le groupe hiérarchique supérieur et trois sièges de titulaires dans le groupe hiérarchique de base dans lequel ce syndicat, faute d'avoir présenté un nombre suffisant de candidats, ne peut se voir attribuer qu'un seul siège de suppléant. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'attribuer à la CGT un siège de titulaire et de suppléant dans le groupe hiérarchique supérieur et deux sièges de titulaires et de suppléants dans le groupe hiérarchique de base. Il conviendra en outre de désigner les deux derniers membres suppléants de la CAP par la voie du tirage au sort parmi les agents du premier groupe de la catégorie C, dans les conditions prévues par les dispositions combinées des b) et d) de l'article 23 du décret du 17 avril 1989.

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le syndicat CFDT Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du syndicat CFDT Interco Meuse et de la Fédération Interco CFDT qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 4 février 2021 de la cour administrative d'appel de Nancy et le jugement du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Nancy sont annulés.

Article 2 : Les sièges de titulaires et de suppléants au sein de la commission administrative paritaire des agents de catégorie C du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Meuse sont répartis dans les conditions énoncées au point 12 de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par le syndicat CFDT Interco Meuse et la Fédération Interco CFDT est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Meuse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat CFDT Interco Meuse, représentant unique pour l'ensemble des requérants, ainsi qu'au centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Meuse et à la coordination syndicale départementale CGT de la Meuse.

Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 mars 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. G... I..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. H... K..., Mme B... J..., M. C... E..., M. D... L..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Didier Ribes, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 12 avril 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine MaugüéLe rapporteur :

Signé : M. Didier Ribes

La secrétaire :

Signé : Mme F... A...


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 451408
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 avr. 2022, n° 451408
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP JEAN-PHILIPPE CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:451408.20220412
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