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08/04/2022 | FRANCE | N°458849

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 08 avril 2022, 458849


Vu la procédure suivante :

M. B... E..., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire en tant qu'il conditionne le maintien du " passe sanitaire " des personnes âgées de soixante-cinq ans et plus à la réalisation d'une troisième dose de vaccin à compter du 15 décembre 2021 a produit cinq mémoires, enregistrés les 10 janvier, 12 janvier, 28 janvie

r, 17 mars et 24 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat...

Vu la procédure suivante :

M. B... E..., à l'appui de sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire en tant qu'il conditionne le maintien du " passe sanitaire " des personnes âgées de soixante-cinq ans et plus à la réalisation d'une troisième dose de vaccin à compter du 15 décembre 2021 a produit cinq mémoires, enregistrés les 10 janvier, 12 janvier, 28 janvier, 17 mars et 24 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, par lesquels il soulève une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 1er II A de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire, dans sa version issue de la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 modifiée ;

- les décisions du Conseil constitutionnel n°s 2021-819 DC du 31 mai 2021 et 2021-824 DC du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a demandé l'annulation de l'article 1er du décret du 25 novembre 2021, pris pour application de la loi du 31 mai 2021 modifiée relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire en tant qu'il conditionne le maintien du " passe sanitaire " des personnes âgées de soixante-cinq ans et plus à la réalisation d'une troisième dose de vaccin contre la covid-19. Par plusieurs mémoires distincts présentés à l'appui de sa contestation, il soutient que l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire, dans sa version issue de la loi du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Eu égard à son argumentation, il doit être regardé comme contestant les dispositions du A du paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021.

2. Il ressort des dispositions contestées que " le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique, aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 et si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d'incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation : / 1° Imposer aux personnes âgées d'au moins douze ans souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution, ainsi qu'aux personnels intervenant dans les services de transport concernés, de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 ; / 2° Subordonner à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes : / a) Les activités de loisirs ; / b) Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l'exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire ; / c) Les foires, séminaires et salons professionnels ; / d) Sauf en cas d'urgence, les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, pour les seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. La personne qui justifie remplir les conditions prévues au présent 2° ne peut se voir imposer d'autres restrictions d'accès liées à l'épidémie de covid-19 pour rendre visite à une personne accueillie et ne peut se voir refuser l'accès à ces services et établissements que pour des motifs tirés des règles de fonctionnement et de sécurité de l'établissement ou du service, y compris de sécurité sanitaire ; / e) Les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein de l'un des territoires mentionnés au 1° du présent A, sauf en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis ; / f) Sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d'un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport. / Cette réglementation est rendue applicable au public et, à compter du 30 août 2021, aux personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou évènements lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l'exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue. / Cette réglementation est applicable aux mineurs de plus de douze ans à compter du 30 septembre 2021. / L'application de cette réglementation ne dispense pas de la mise en œuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus si la nature des activités réalisées le permet ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

Sur les dispositions subordonnant l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d'un " passe sanitaire " :

4. Le Conseil constitutionnel a, par deux décisions n°s 2021-819 DC du 31 mai 2021 et 2021-824 DC du 5 août 2021, déclaré conforme à la Constitution le 2° du A du II de l'article premier de la loi du 31 mai 2021. Les dispositions en cause ont donc déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

Sur les dispositions imposant aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire français ainsi qu'aux personnels intervenant dans les services de transport concernés la présentation d'un " passe sanitaire " :

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions de la seconde phrase de l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aux termes desquelles " tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas ", ne font pas obstacle, en tout état de cause, à ce que le législateur subordonne l'accès à certains modes de transport à un justificatif de statut vaccinal.

6. En second lieu, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Les dispositions législatives contestées, qui encadrent strictement les conditions auxquelles est subordonnée l'intervention des mesures qu'elles prévoient, ne sauraient être regardées comme renvoyant au pouvoir réglementaire la possibilité de mettre en œuvre une obligation vaccinale.

7. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question soulevée, qui n'est ni sérieuse ni nouvelle, au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. E....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... E....

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré à l'issue de la séance du 31 mars 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme F... A... et M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 8 avril 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. Arno Klarsfeld

La secrétaire :

Signé : Mme C... D...


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 458849
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 avr. 2022, n° 458849
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arno Klarsfeld
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:458849.20220408
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