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07/04/2022 | FRANCE | N°453667

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 07 avril 2022, 453667


Vu les procédures suivantes :

1° La société en nom collectif Pitch Promotion a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 21 janvier 2021 par lequel le maire d'Auribeau-sur-Siagne a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire un bâtiment de soixante logements, un bureau de 54 m² et quatre-vingt-seize places de stationnement ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à la commune d'A

uribeau-sur-Siagne de réexaminer sa demande de permis de construire dan...

Vu les procédures suivantes :

1° La société en nom collectif Pitch Promotion a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 21 janvier 2021 par lequel le maire d'Auribeau-sur-Siagne a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire un bâtiment de soixante logements, un bureau de 54 m² et quatre-vingt-seize places de stationnement ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à la commune d'Auribeau-sur-Siagne de réexaminer sa demande de permis de construire dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2101902 du 31 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de l'arrêté du 21 janvier 2021, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux de la société, et enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire dans un délai d'un mois à compter de la notification de son ordonnance.

Sous le n° 453667, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 30 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Auribeau-sur-Siagne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Pitch Promotion ;

3°) de mettre à la charge de la société Pitch Promotion la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° La société en nom collectif Pitch Promotion a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, à titre principal, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 29 juin 2021 par lequel le maire d'Auribeau-sur-Siagne a refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment de soixante logements, un bureau de 54 m² et quatre-vingt-seize places de stationnement et d'enjoindre à la commune de lui délivrer ce permis de construire dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution du même arrêté et d'enjoindre à la commune d'Auribeau-sur-Siagne de réexaminer sa demande de permis de construire dans un délai de quinze jours sous la même astreinte. Par une ordonnance n° 2104120 du 27 août 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de l'arrêté du 29 juin 2021 et a enjoint à la commune d'Auribeau-sur-Siagne de réexaminer la demande de permis de construire déposée par la société dans un délai d'un mois à compter de la notification de son ordonnance, en tenant compte de ses motifs.

Sous le n° 456647, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 28 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Auribeau-sur-Siagne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Pitch Promotion ;

3°) de mettre à la charge de la société Pitch Promotion la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune d'Auribeau-sur-Siagne et à la SCP Buk-Lament, Robillot, avocat de la SNC Pich Promotion ;

Vu la note en délibéré, présentée par la société Pitch Promotion sous chacun des n° 453667 et 456647, enregistrée le 24 mars 2022 ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du même code : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ".

2. Par une ordonnance du 31 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de l'arrêté du 21 janvier 2021 par lequel le maire d'Auribeau-sur-Siagne a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire un bâtiment de soixante logements, un bureau de 54 m² et quatre-vingt-seize places de stationnement présentée par la société Pitch Promotion et a enjoint à la commune de réexaminer cette demande dans le délai d'un mois. La commune d'Auribeau-sur-Siagne se pourvoit en cassation contre cette ordonnance sous le n° 453667. Réexaminant la demande de permis de construire, le maire l'a rejetée par un arrêté du 29 juin 2021. Par une ordonnance du 27 août 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, suspendu l'exécution de l'arrêté du 29 juin 2021 et enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire dans le délai d'un mois, en tenant compte des motifs de son ordonnance. La commune d'Auribeau-sur-Siagne se pourvoit en cassation contre cette ordonnance sous le n° 456647. Il y a lieu de joindre ces deux pourvois pour y statuer par une seule décision.

Sur le pourvoi n° 453667 :

3. L'article R. 612-6 du code de justice administrative dispose que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérants ". En vertu du second alinéa de l'article R. 522-4 de ce code, applicable au juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Les délais les plus brefs sont donnés aux parties pour fournir leurs observations. Ils doivent être rigoureusement observés, faute de quoi il est passé outre sans mise en demeure ". Ces dispositions ne sauraient en tout état de cause permettre au juge des référés de déduire du seul silence de la partie défenderesse qu'elle serait réputée avoir acquiescé à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de sa décision en litige. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit en jugeant que les moyens soulevés par la société requérante devaient être regardés comme " ayant reçu l'assentiment " de la commune d'Auribeau-sur-Siagne et comme étant de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 21 janvier 2021 par lequel le maire d'Auribeau-sur-Siagne a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire de la société Pitch Promotion au seul motif que cette commune n'avait fourni aucun élément en réponse à sa mise en cause par le juge des référés, alors en outre que ce dernier a statué sans audience comme le lui permettait alors l'ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi dirigés contre l'ordonnance du 31 mai 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Nice, que la commune d'Auribeau-sur-Siagne est fondée à en demander l'annulation.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pitch Promotion la somme de 2 000 euros à verser à la commune d'Auribeau-sur-Siagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la société Pitch Promotion, la commune d'Auribeau-sur-Siagne n'étant pas la partie perdante dans la présente instance.

Sur le pourvoi n° 456647 :

6. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. En ce qui concerne une décision de refus de permis de construire, il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi d'une demande de suspension, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets du refus de permis litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. À cette fin, l'urgence s'apprécie objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, en tenant compte, notamment, des conséquences qui seraient susceptibles de résulter, pour les divers intérêts en présence, de la délivrance d'un permis de construire provisoire à l'issue d'un réexamen de la demande ordonné par le juge des référés.

7. Pour juger que l'urgence justifiait la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution du refus opposé le 29 juin 2021 par le maire d'Auribeau-sur-Siagne, lors du réexamen de la demande de permis de construire de la société Pitch Promotion en exécution de l'injonction prononcée par le juge des référés du tribunal administratif, le juge des référés a, dans son ordonnance du 27 août 2021, relevé que la société Pitch Promotion avait conclu avec le propriétaire du terrain d'assiette une promesse de vente, consentie jusqu'au 20 octobre 2021, sous la condition suspensive de la délivrance dans le délai d'instruction d'un permis de construire valant permis de démolir pour la réalisation de l'opération projetée, ce dont il a déduit qu'en raison du refus opposé à sa demande, la société Pitch Promotion risquait de devoir renoncer à son projet d'acquisition du terrain et à son projet immobilier, en vue de la réalisation duquel elle avait engagé des frais, et qu'elle serait ainsi exposée à d'importantes pertes financières.

8. Toutefois, lorsqu'une promesse de vente comporte une condition suspensive stipulée dans l'intérêt exclusif de l'acquéreur, le défaut de réalisation de cette condition n'a ni pour objet ni pour effet de rendre caduque la promesse. Par suite, en retenant la circonstance que le refus litigieux faisait obstacle à l'acquisition du bien objet de la promesse de vente conclue le 13 mai 2020 et prorogée par un avenant du 23 juin 2021, pour juger que l'urgence justifiait la suspension de l'exécution de cette décision de refus, sans rechercher si, comme le faisait valoir la commune d'Auribeau-sur-Siagne, la condition suspensive tenant à la délivrance d'un permis de construire n'avait pas été stipulée dans l'intérêt exclusif de la société Pitch Promotion, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi dirigés contre l'ordonnance du 27 août 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Nice, que la commune d'Auribeau-sur-Siagne est fondée à en demander l'annulation.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pitch Promotion la somme de 2 000 euros à verser à la commune d'Auribeau-sur-Siagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la société Pitch Promotion, la commune d'Auribeau-sur-Siagne n'étant pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : Les ordonnances du 31 mai 2021 et du 27 août 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Nice sont annulées.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées au tribunal administratif de Nice.

Article 3 : La société Pitch Promotion versera une somme de 4 000 euros à la commune d'Auribeau-sur-Siagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Pitch Promotion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Auribeau-sur-Siagne et à la société en nom collectif Pitch Promotion.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 7 avril 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 453667
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 2022, n° 453667
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:453667.20220407
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