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11/03/2022 | FRANCE | N°455495

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 11 mars 2022, 455495


Vu la procédure suivante

La société anonyme (SA) Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation (COFEPP) a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxes annexes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 dans les rôles de la commune de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne).

Par un jugement n° 1802428 du 11 juin 2020, la magistrate désignée par le président de ce tribunal, avant dire droit sur cette demande, a ordonné un supplément

d'instruction tendant à la production par la requérante, d'une part, de la copi...

Vu la procédure suivante

La société anonyme (SA) Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation (COFEPP) a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxes annexes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 dans les rôles de la commune de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne).

Par un jugement n° 1802428 du 11 juin 2020, la magistrate désignée par le président de ce tribunal, avant dire droit sur cette demande, a ordonné un supplément d'instruction tendant à la production par la requérante, d'une part, de la copie intégrale du contrat de crédit-bail du 31 août 1988, d'autre part, de tous documents permettant de définir les dotations aux amortissements qui aurait été enregistrées, pour chaque élément des constructions en litige, s'ils avaient été acquis dès la signature du contrat de crédit-bail.

Par un jugement n° 1802428 du 17 juin 2021, ce tribunal a rejeté la demande de la société COFEPP.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 août 2021, 12 novembre 2021 et 14 février 2022, la société COFEPP demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société COFEPP ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, le 31 août 1988, la société Slicomi a consenti à la société La Martiniquaise, devenue la société anonyme (SA) Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation (COFEPP), un contrat de crédit-bail assorti d'une promesse de vente portant sur deux terrains à bâtir de 41 225 m² et 23 180 m² situés à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) sur lesquels devaient être édifiés des bâtiments à usage d'entrepôt industriel et des bureaux. Par avenant du 19 avril 1989, le contrat a été divisé entre la société Slicomi, devenue société Slibail, et la société Unibail, une cession de la moitié du financement de l'opération ayant été effectuée par la première au profit de la seconde. Le 2 juin 2004, la société COFEPP a acquis l'ensemble immobilier faisant l'objet du contrat en levant l'option d'achat, au prix de 0,15 euro. La société a été assujettie, au titre des années 2014 et 2015, à raison de cet ensemble immobilier, à des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties déterminées par application de la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts. Admettant que l'immeuble avait la nature d'un établissement industriel, l'administration déterminé sa valeur locative selon la méthode prévue à l'article 1499 du même code et prononcé un dégrèvement en conséquence de ce changement de méthode. La société COFEPP a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la réduction des cotisations demeurant à sa charge. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 juin 2021 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. En vertu de l'article 1499 du code général des impôts, la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée à partir du prix de revient de leurs différents éléments. L'article 324 AE de l'annexe III à ce code précise que ce prix de revient " s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 38 quinquies de cette annexe III : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : / Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat majoré des frais accessoires nécessaires à la mise en état d'utilisation du bien (...) ". Enfin, l'article 324 AF de la même annexe dispose : " Lorsqu'il ne résulte pas des énonciations du bilan, le prix de revient est déterminé, en tant que de besoin, à partir de tous documents comptables ou autres pièces justificatives et à défaut par voie d'évaluation sous réserve du droit de contrôle de l'administration ".

3. Le loyer versé par le preneur d'un contrat de crédit-bail a pour contrepartie non seulement la disposition du bien mais aussi le droit d'opter pour son acquisition au terme du crédit, constituant ainsi une modalité de financement du bien. Le prix de revient d'un tel bien, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, lorsqu'il est acquis par l'exercice de l'option d'achat prévue par le contrat ne résulte donc pas uniquement de la valeur d'origine à laquelle il a alors été inscrit au bilan, laquelle correspond au seul montant acquitté au moment de la levée d'option, mais il comprend, en outre, la fraction hors intérêt des loyers prévus par le contrat et versés antérieurement à la levée d'option, qui excède le coût de la mise à disposition du bien. A défaut d'autres éléments, ce prix de revient peut, ainsi, être regardé, lorsque l'acquisition intervient au terme du contrat de crédit-bail, comme correspondant à la différence entre, d'une part, la valeur du bien au moment de la signature de ce contrat, et d'autre part, le total des dotations aux amortissements qui auraient été enregistrées si le bien avait été acquis dès ce moment, au regard notamment des engagements hors bilan.

4. Pour juger que les documents produits par la société, en réponse notamment au jugement avant dire droit du 11 juin 2020, ne permettaient pas de déterminer le total des dotations aux amortissements qu'elle aurait enregistrées si l'ensemble immobilier en litige avait été acquis dès la signature du contrat de crédit-bail, de sorte qu'elle ne justifiait pas du prix de revient de cette immobilisation dont elle se prévalait à l'appui de sa demande en décharge, le tribunal administratif s'est fondé sur ce qu'elle se bornait à produire des extraits de la comptabilité de la société Unibail alors que de tels éléments auraient dû figurer dans sa propre comptabilité. En statuant ainsi, alors que la requérante ne pouvait passer d'écritures d'amortissements au titre d'exercices au cours desquels elle n'était pas propriétaire du bien en cause, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

5. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, la société COFEPP est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société COFEPP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 17 juin 2021 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Melun.

Article 3 : L'Etat versera à la société COFEPP une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2022 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat et M. D... A..., maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 11 mars 2022.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Marc Vié

La secrétaire :

Signé : Mme C... B...


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 455495
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mar. 2022, n° 455495
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455495.20220311
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