La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2022 | FRANCE | N°447415

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 10 mars 2022, 447415


Vu la procédure suivante :

Mme N..., M. F..., M. M... L..., M. E... L..., M. B... L..., Mme G..., M. H..., M. C..., M. A... et M. D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2019 par lequel le maire de Vendargues a délivré à la SCCV " Rue des Balances Vendargues " un permis de démolir l'ensemble des constructions situées sur les parcelles cadastrées section AM n° 93, 94 et 95 et l'arrêté du 20 mai 2019 accordant à cette même société un permis de construire un ensemble immobilier de 42 logements pour une surface de plancher

de 2 681m² sur ces mêmes parcelles.

Par un jugement no 1905306 du 8 ...

Vu la procédure suivante :

Mme N..., M. F..., M. M... L..., M. E... L..., M. B... L..., Mme G..., M. H..., M. C..., M. A... et M. D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2019 par lequel le maire de Vendargues a délivré à la SCCV " Rue des Balances Vendargues " un permis de démolir l'ensemble des constructions situées sur les parcelles cadastrées section AM n° 93, 94 et 95 et l'arrêté du 20 mai 2019 accordant à cette même société un permis de construire un ensemble immobilier de 42 logements pour une surface de plancher de 2 681m² sur ces mêmes parcelles.

Par un jugement no 1905306 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif a annulé le permis de construire délivré à la SCCV " Rue des Balances Vendargues ".

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 décembre 2020 et le 10 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCCV " Rue des Balances Vendargues " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge Mme N... et des autres requérants de première instance la somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la société SCCV " Rue des Balances Vendargues " et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de Mme N... et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 20 mai 2019, le maire de Vendargues (Hérault) a accordé un permis de construire à la SCCV " Rue des Balances Vendargues " pour l'édification d'un ensemble immobilier de 42 logements sur une surface de plancher de 2 681m². Par un jugement du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier, faisant droit à la demande de Mme N... et autres a annulé cet arrêté au motif qu'il méconnaît, par la définition volumétrique et architecturale retenue, l'obligation d'harmonie avec les constructions avoisinantes, prévue par les dispositions de l'article UA11 du règlement du plan local d'urbanisme, ainsi que les caractères de la zone UA. La société SCCV " Rue des Balances Vendargues " se pourvoit en cassation contre ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. " Aux termes de l'article R. 424-15 : " Mention du permis (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier (...) / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. " Enfin, aux termes de l'article R. 424-18 de ce même code : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. " Il incombe au bénéficiaire d'un permis de construire de justifier qu'il a accompli les formalités d'affichage prescrites par ces dispositions, le juge devant ensuite apprécier la continuité de l'affichage en examinant l'ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis ".

3. Pour juger que la demande de Mme N... et autres n'était pas tardive, le tribunal administratif a retenu que la SCCV " Rue des Balances Vendargues " n'avait pas apporté la preuve que le permis avait été régulièrement affiché sur le terrain pendant une période continue de deux mois entre juin et août 2019, comme l'exige l'article R. 4907 du code de l'urbanisme et que, dès lors, le délai de recours contentieux n'avait pas pu commencer à courir. Ce faisant, le tribunal administratif a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

Sur le motif d'illégalité retenu :

4. Aux termes du préambule de la zone UA du règlement du plan local d'urbanisme de Vendargues : " La zone UA est une zone urbaine dense correspondant à la partie la plus ancienne de Vendargues (...). Le règlement s'appliquant à la zone UA vise à : / - conforter l'identité du centre ancien ; / - permettre le réinvestissement urbain dans le respect de l'identité du centre ancien. " Aux termes de l'article UA.11 du même règlement, relatif à l'aspect extérieur des constructions : " (...) le projet peut être refusé (...) si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt de lieux avoisinants, aux sites ou paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales / Principes généraux / En cas (...) de construction neuve, une architecture plus contemporaine pourra le cas échéant être autorisée, sous réserve de présenter une conception en harmonie avec le bâti traditionnel (...). " Les dispositions précitées de l'article UA 11 ont le même objet que celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité du permis de construire attaqué.

6. Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions précitées, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

7. C'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que le tribunal administratif a estimé qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que le terrain d'assiette du projet en cause était situé dans le centre ancien de la commune de Vendargues, au sein du " quartier des maisons " caractérisé par bâti homogène composé d'un habitat individuel et espacé présentant un intérêt et un caractère architectural particuliers résultant de l'aménagement cohérent de son urbanisation, et que le projet en cause, consistant en un immeuble collectif de 42 logements présentant une façade continue de 70 mètres de long sur environ 15 mètres de haut et présentant ainsi un aspect massif de barre d'immeuble, ne respectait pas l'obligation d'harmonie avec les constructions avoisinantes, prévue par les dispositions de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme. En statuant ainsi, le tribunal administratif n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.

Sur l'application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

8. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. " Aux termes de l'article L. 600-5-1, dans sa rédaction issue de la même loi : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "

9. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

10. Pour juger qu'il n'y avait pas lieu de faire application de ces dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif a considéré que la délivrance d'un permis de construire modificatif conforme aux prescriptions de l'article UA11 du règlement du plan local d'urbanisme et les caractères de la zone UA nécessiterait d'apporter au projet des modifications qui remettraient en cause sa conception générale. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait seulement de rechercher si la mesure de régularisation impliquerait d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même, le tribunal administratif a entaché sa décision d'erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il statue sur ce point.

11. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme N... et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SCCV " Rue des Balances Vendargues " qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 8 octobre 2020 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Montpellier.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SCCV " Rue des Balances Vendargues " est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de Mme N... et autres présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SCCV " Rue des Balances Vendargues ", à Mme J... N..., première dénommée pour l'ensemble des requérants, et à la commune de Vendargues.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 février 2022 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.

Rendu le 10 mars 2022.

Le président :

Signé : M. Fabien Raynaud

La rapporteure :

Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :

Signé : Mme I... K...


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 447415
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 2022, n° 447415
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:447415.20220310
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award