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24/02/2022 | FRANCE | N°454047

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 24 février 2022, 454047


Vu la procédure suivante :

La société Hivory a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'ordonner sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de l'exécution de la décision implicite du 19 mars 2021 par laquelle le maire de la commune d'Arifat a refusé de lui délivrer un certificat de non opposition à déclaration préalable, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision et, d'autre part, d'enjoindre, à titre principal, au maire de la commune d'Arifat de lui déliv

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Vu la procédure suivante :

La société Hivory a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'ordonner sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de l'exécution de la décision implicite du 19 mars 2021 par laquelle le maire de la commune d'Arifat a refusé de lui délivrer un certificat de non opposition à déclaration préalable, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision et, d'autre part, d'enjoindre, à titre principal, au maire de la commune d'Arifat de lui délivrer le certificat de non opposition à déclaration préalable sollicité, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de se prononcer à nouveau sur sa demande, dans le même délai et sous la même astreinte.

Par une ordonnance n° 2102892 du 14 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 15 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hivory demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à ses conclusions ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Arifat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Hivory et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la commune d'Arifat ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse que la société Hivory, spécialisée dans la réalisation d'infrastructures de télécommunications, a déposé, le 23 octobre 2020, un dossier de déclaration préalable en vue de réaliser des travaux d'implantation d'une antenne relai de radiotéléphonie 2G, et haut débit 3G et 4G sur le territoire de la commune d'Arifat (Tarn). S'estimant titulaire d'une décision tacite de non opposition à déclaration préalable, elle a sollicité, le 19 janvier 2021, la délivrance d'un certificat de non opposition à déclaration préalable. Elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse la suspension de l'exécution de la décision implicite du 19 mars 2021 de rejet de cette demande, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. La société Hivory se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 14 juin 2021 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "

Sur le cadre juridique :

3. Aux termes de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " A titre expérimental, par dérogation à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme et jusqu'au 31 décembre 2022, les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées./ Cette disposition est applicable aux décisions d'urbanisme prises à compter du trentième jour suivant la publication de la présente loi (...) ".

4. Selon l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 424-13 du même code : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit. "

Sur le pourvoi :

5. Pour estimer que la condition d'urgence requise par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'était pas remplie et rejeter en conséquence la demande de suspension dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la circonstance qu'il ne résultait pas de l'instruction que la société Hivory aurait, pour le projet litigieux, conclu un engagement avec l'un au moins des opérateurs de communications électroniques engagés auprès de l'Etat.

6. En se fondant sur cette circonstance, sans prendre en compte l'intérêt public qui s'attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant 3G que 4G et la finalité de l'infrastructure projetée, qui a vocation à être exploitée par au moins un opérateur ayant souscrit des engagements avec l'Etat et dont le réseau ne couvre que partiellement le territoire de la commune, le juge des référés a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Hivory est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative sur la demande de suspension présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse.

Sur la demande de suspension :

8. Il ressort des pièces du dossier que la société Hivory a déposé, le 23 octobre 2020, un dossier de déclaration préalable en vue de réaliser des travaux d'implantation d'une antenne relai. Il n'est pas contesté que le maire de la commune d'Arifat n'a pas, dans le délai d'un mois fixé par l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme, notifié à la société la liste des pièces manquantes, au nombre desquelles ne saurait figurer, contrairement à ce qui est soutenu, le dossier d'information prévu par l'article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, qui ne fait pas partie des pièces exigées par le code de l'urbanisme pour l'instruction d'une déclaration préalable, ni n'a pris de décision d'opposition. Une décision tacite de non opposition à la déclaration préalable est donc née du silence gardé par le maire sur cette demande.

9. D'une part, est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision le moyen tiré de ce que la commune, à laquelle les dispositions citées ci-dessus de l'article 222 de la loi du 23 novembre 2018, qui ont dérogé à titre expérimental à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, interdisaient de procéder au retrait de la décision de non-opposition, a méconnu les dispositions de l'article R. 424 13 du code de l'urbanisme en refusant de délivrer le certificat de non-opposition demandé.

10. D'autre part, eu égard à l'intérêt public qui s'attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant 3G que 4G et à l'objet même du certificat demandé qui répond à la nécessité, pour la société requérante, d'attester auprès de tiers intéressés ou participant à l'exécution des travaux autorisés de l'existence de la décision de non opposition, la condition d'urgence doit être regardée comme remplie.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Hivory est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision qu'elle attaque.

12. Il y a lieu d'enjoindre au maire d'Arifat de délivrer, à titre provisoire, un certificat de non opposition à déclaration préalable à la société Hivory dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Arifat le versement à la société Hivory de la somme de 4 500 euros au titre des frais exposés devant le Conseil d'Etat et devant le tribunal administratif de Toulouse et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Hivory, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 14 juin 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision implicite du 19 mars 2021 par laquelle le maire de la commune d'Arifat a refusé de délivrer un certificat de non opposition à déclaration préalable à la société Hivory est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint à la commune d'Arifat de délivrer, à titre provisoire, un certificat de non opposition à déclaration préalable à la société Hivory dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : La commune d'Arifat versera à la société Hivory la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune d'Arifat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Hivory et à la commune d'Arifat.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 454047
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

POSTES ET COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES - COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES - REFUS DE CERTIFICAT DE NON-OPPOSITION À DES TRAVAUX D’IMPLANTATION D’UNE ANTENNE DE TÉLÉPHONIE MOBILE OPPOSÉ À UN CONSTRUCTEUR – URGENCE À SUSPENDRE (ART - L - 521-1 DU CJA) – ELÉMENTS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION– 1) INCLUSION – INTÉRÊT PUBLIC QUI S’ATTACHE À LA COUVERTURE NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE [RJ1] – FINALITÉ DE L’INFRASTRUCTURE PROJETÉE – 2) EXCLUSION – ABSENCE D’ENGAGEMENT DU CONSTRUCTEUR AVEC UN OPÉRATEUR AYANT LUI-MÊME PRIS DES ENGAGEMENTS DE DÉPLOIEMENT ENVERS L’ÉTAT.

51-02-004 Référé-suspension formé par une société spécialisée dans la réalisation d’infrastructures de télécommunications contre la décision implicite lui refusant un certificat de non-opposition à sa déclaration préalable de travaux d’implantation d’une antenne de téléphonie mobile....1) Pour apprécier la satisfaction de la condition d’urgence requise par l’article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA) pour suspendre l’exécution de cette décision, il y a lieu de prendre en compte l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant 3G que 4G et la finalité de l’infrastructure projetée, qui a vocation à être exploitée par au moins un opérateur ayant souscrit des engagements avec l’État et dont le réseau ne couvre que partiellement le territoire de la commune....2) La circonstance que la société n’aurait pas, pour le projet litigieux, conclu un engagement avec l’un au moins des opérateurs de communications électroniques engagés auprès de l’État ne permet pas d’estimer insatisfaite la condition d’urgence.

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART - L - 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - CONDITIONS D'OCTROI DE LA SUSPENSION DEMANDÉE - URGENCE - URGENCE À SUSPENDRE LE REFUS DE CERTIFICAT DE NON-OPPOSITION À DES TRAVAUX D’IMPLANTATION D’UNE ANTENNE DE TÉLÉPHONIE MOBILE OPPOSÉ À UN CONSTRUCTEUR – ÉLÉMENTS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION – 1) INCLUSION – INTÉRÊT PUBLIC QUI S’ATTACHE À LA COUVERTURE NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE [RJ1] – FINALITÉ DE L’INFRASTRUCTURE PROJETÉE – 2) EXCLUSION – ABSENCE D’ENGAGEMENT DU CONSTRUCTEUR AVEC UN OPÉRATEUR AYANT LUI-MÊME PRIS DES ENGAGEMENTS DE DÉPLOIEMENT ENVERS L’ÉTAT.

54-035-02-03-02 Référé-suspension formé par une société spécialisée dans la réalisation d’infrastructures de télécommunications contre la décision implicite lui refusant un certificat de non-opposition à sa déclaration préalable de travaux d’implantation d’une antenne de téléphonie mobile....1) Pour apprécier la satisfaction de la condition d’urgence requise par l’article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA) pour suspendre l’exécution de cette décision, il y a lieu de prendre en compte l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile tant 3G que 4G et la finalité de l’infrastructure projetée, qui a vocation à être exploitée par au moins un opérateur ayant souscrit des engagements avec l’État et dont le réseau ne couvre que partiellement le territoire de la commune....2) La circonstance que la société n’aurait pas, pour le projet litigieux, conclu un engagement avec l’un au moins des opérateurs de communications électroniques engagés auprès de l’État ne permet pas d’estimer insatisfaite la condition d’urgence.


Références :

[RJ1]

1.

Rappr., s’agissant du référé-suspension formé par un opérateur contre une décision imposant des conditions à l’installation d’antennes-relais, CE, 2 juillet 2008, Société française du radiotéléphone, n° 310548, p. 260.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 fév. 2022, n° 454047
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Clément Tonon
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454047.20220224
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