Vu la procédure suivante :
Les sociétés par actions simplifiées (SAS) Modul et CM-CIC Lease ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elles ont été respectivement assujetties au titre de l'année 2015 et au titre des années 2016 et 2017 dans les rôles de la commune de Lesquin (Nord) à raison d'un immeuble situé au 55, rue de Douai. Par un jugement n° 1801496 du 11 février 2021, ce tribunal a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 12 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés Modul et CM-CIC Lease demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat des sociétés Modul et CM-CIC Lease ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Modul était propriétaire d'un local commercial à usage d'hôtel-restaurant situé 35, route de Douai à Lesquin (Nord) qu'elle a cédé le 22 juin 2015 à la société CM-CIC Lease. La société Modul a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie à raison de cet immeuble à hauteur de 66 941 euros au titre de l'année 2015 et la société CM-CIC Lease la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie à hauteur de 72 183 euros au titre de l'année 2016 et de 70 534 euros au titre de l'année 2017. Les sociétés Modul et CM-CIC Lease se pourvoient en cassation contre le jugement du 11 février 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté leurs demandes.
2. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige: " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire (...) la valeur locative est déterminée par comparaison. " Aux termes de l'article 324 AK de l'annexe III à ce code, " La date de référence de la première revision quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970. ". Aux termes de l'article 324 C de l'annexe III, les actes de location à retenir pour l'évaluation des propriétés ou fractions de propriétés s'entendent des baux écrits ou locations verbales en cours à la date de référence et conclus librement à des conditions de prix normales.
3. Il résulte de ces dispositions que la seule circonstance qu'un bail soit conclu dans des circonstances de fait particulières ou qu'il comporte des clauses faisant supporter des charges exceptionnelles au locataire ou au propriétaire ne suffit pas à écarter le bail comme ayant été conclu à des conditions de prix anormales. Il incombe au juge, dans un tel cas, de vérifier si ces clauses ou circonstances ont conduit à la fixation d'un loyer anormal au regard des prix pratiqués pour des locaux comparables.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la valeur locative de l'immeuble en litige a été déterminée par l'administration à partir du bail, en cours au 1er janvier 1970, conclu entre la société qui possédait cet immeuble et la société qui l'exploitait. Pour écarter l'argumentation des requérantes tirée de ce que ce mode d'évaluation ne pouvait être retenu dès lors que le loyer résultant de ce bail, conclu entre des parties liées, était très éloigné des conditions de prix normales pratiquées sur le marché locatif, le tribunal administratif s'est fondé sur ce qu'il n'apparaissait pas que les divers hôtels existant à Lille à cette date et dont le loyer était invoqué à titre de comparaison auraient présenté des caractéristiques comparables à celles du local en litige. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier que cet immeuble était situé à proximité immédiate de l'aéroport de Lille-Lesquin et de construction très récente, le tribunal administratif, qui n'a pas méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve et dont le jugement est suffisamment motivé sur ce point, s'est livré à une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation.
5. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Modul et CM-CIC Lease ne sont pas fondées à demander l'annulation du jugement qu'elles attaquent.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi des sociétés Modul et CM-CIC Lease est rejeté.
Article 2: La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Modul, à la société par actions simplifiée CM-CIC Lease et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.