La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2022 | FRANCE | N°451969

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 11 février 2022, 451969


Vu la procédure suivante :

La société SNCF Réseau a demandé au juge des référés au tribunal administratif de Paris d'enjoindre, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à la société anonyme (SA) Groupe TSF de libérer sans délai l'emplacement d'une superficie totale de 18 837 m² qu'elle occupe au 23-33 avenue de la porte d'Aubervilliers, à Paris (75018), de restituer les lieux en bon état et d'évacuer tous les matériels, mobiliers et marchandises entreposés et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance

à intervenir, ou à défaut, de l'autoriser à faire procéder à son expulsi...

Vu la procédure suivante :

La société SNCF Réseau a demandé au juge des référés au tribunal administratif de Paris d'enjoindre, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à la société anonyme (SA) Groupe TSF de libérer sans délai l'emplacement d'une superficie totale de 18 837 m² qu'elle occupe au 23-33 avenue de la porte d'Aubervilliers, à Paris (75018), de restituer les lieux en bon état et d'évacuer tous les matériels, mobiliers et marchandises entreposés et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir, ou à défaut, de l'autoriser à faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, aux frais, risques et périls des intéressés, en recourant à l'intervention d'un huissier et de toute personne dont l'assistance serait utile, au besoin avec le concours de la force publique.

Par une ordonnance n° 2104296 du 8 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a enjoint à la société TSF de libérer sans délai le terrain en cause, de restituer les lieux en bon état, d'évacuer tous les matériels, mobiliers et marchandises entreposés, et à défaut d'exécution immédiate, de faire évacuer, avec le concours de la force publique, l'emplacement irrégulièrement occupé aux frais et risques de l'occupante.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 avril et 10 mai 2021 et 24 janvier 2022, la SA Groupe TSF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la société SNCF Réseau la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des propriétés publiques ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Groupe TSF et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SNCF Réseau ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance rendue le 8 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi par la société SNCF Réseau sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, a enjoint à la société Groupe TSF de libérer sans délai le terrain qu'elle occupe au 23-33 avenue de la porte d'Aubervilliers à Paris (75018), de restituer les lieux en bon état et d'évacuer tous les matériels, mobiliers et marchandises entreposés, et à défaut d'exécution immédiate, de faire évacuer, avec le concours de la force publique, l'emplacement irrégulièrement occupé aux frais et risques de l'occupante. La société Groupe TSF se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Aux termes de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".

3. En vertu de l'article 3 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions administratives, applicable jusqu'à la cession de l'état d'urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020 : " Outre les cas prévus à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, il peut être statué sans audience, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé. Le juge des référés informe les parties de l'absence d'audience et fixe la date à partir de laquelle l'instruction sera close. (...).

4. Lorsque le juge des référés statue, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative qui instaure une procédure de référé pour laquelle la tenue d'une audience publique n'est pas prévue par les dispositions de l'article L. 522-1 du même code, sur une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il doit, eu égard au caractère quasi-irréversible de la mesure qu'il peut être conduit à prendre, aux effets de celle-ci sur la situation des personnes concernées et dès lors qu'il se prononce en dernier ressort, mettre les parties à même de présenter, au cours d'une audience publique, des observations orales à l'appui de leurs observations écrites.

5. Les dispositions de l'article 3 de l'ordonnance du 18 novembre 2020 citées au point 3 ont pour objet de permettre au juge des référés, par dérogation aux dispositions de l'article L. 522-1 du code de justice administrative, de statuer sans audience, alors même qu'il a procédé à une instruction contradictoire, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du même code, pour lesquelles l'article L. 511-1 de ce code prévoit que ne sont prises que des mesures présentant un caractère provisoire, lorsque le juge des référés estime que la nature et les enjeux de l'affaire n'y font pas obstacle. Elles n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de permettre au juge des référés de déroger à l'obligation rappelée au point précédent lui imposant de statuer à l'issue d'une audience publique sur une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public présentée sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative.

6. Il ne résulte ni des mentions de l'ordonnance attaquée, ni d'aucune pièce du dossier que l'ordonnance attaquée aurait été rendue à l'issue d'une audience publique. Ainsi, elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière et la société Groupe TSF est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à en demander l'annulation.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le juge des référés compétent.

8. Aux termes de l'article R. 312-7 du code de justice administrative : " Les litiges relatifs aux déclarations d'utilité publique, au domaine public, aux affectations d'immeubles, au remembrement, à l'urbanisme et à l'habitation, au permis de construire, d'aménager ou de démolir, au classement des monuments et des sites et, de manière générale, aux décisions concernant des immeubles relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouvent les immeubles faisant l'objet du litige ". Il résulte de ces dispositions que le juge compétent pour statuer sur une demande d'expulsion du domaine public présentée sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative est le juge des référés du tribunal dans le ressort duquel se trouve la dépendance du domaine public en cause.

10. Il résulte de l'instruction que, si la demande d'expulsion concerne des parcelles contiguës situées pour partie sur le territoire des communes d'Aubervilliers, de Saint-Denis et de Paris, elle porte sur des terrains situés à l'adresse unique du 23-33 avenue de la porte d'Aubervilliers à Paris (75018). Dans ces conditions, et sans que la société Groupe TSF puisse utilement se prévaloir dans le présent litige de la clause d'attribution de juridiction stipulée par la convention d'occupation du domaine public dont elle avait été titulaire, il y a lieu d'attribuer le jugement de la demande de référé au juge des référés du tribunal administratif de Paris.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Groupe TSF qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 3 000 euros à verser à la société Groupe TSF au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 8 avril 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : SNCF Réseau versera à la société Groupe TSF une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de SNCF Réseau présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Groupe TSF et à la société SNCF Réseau.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 janvier 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. I... C..., M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. G... K..., M. D... J..., M. H... F..., M. A... L..., Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 11 février 2022.

La présidente:

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur

Signé : M. Jean-Marc Vié

La secrétaire:

Signé : Mme B... E...


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 451969
Date de la décision : 11/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2022, n° 451969
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:451969.20220211
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award