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04/02/2022 | FRANCE | N°448315

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 04 février 2022, 448315


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 3 janvier et 17 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. R... AG..., Mme A... D..., M. Y... F..., Mme V... AF..., M. U... S..., M. G... AB..., Mme X... AE..., M. U... K..., M. E... L..., Mme AD... N... et M. B... Q... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Premier ministre du 30 octobre 2020 portant nomination au collège du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) ;

2°) d'an

nuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République du 30 octo...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 3 janvier et 17 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. R... AG..., Mme A... D..., M. Y... F..., Mme V... AF..., M. U... S..., M. G... AB..., Mme X... AE..., M. U... K..., M. E... L..., Mme AD... N... et M. B... Q... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Premier ministre du 30 octobre 2020 portant nomination au collège du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du Président de la République du 30 octobre 2020 portant nomination du président du collège du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

- la Constitution ;

- le code de la recherche ;

- la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;

- la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-1365 du 14 novembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 114-3-1 du code de la recherche, dans sa version applicable au litige : " Le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur est une autorité administrative indépendante. / (...) Il est chargé : / 1° D'évaluer les établissements d'enseignement supérieur et leurs regroupements, définis à l'article L. 718-3 du code de l'éducation, les organismes de recherche, les fondations de coopération scientifique et l'Agence nationale de la recherche ou, le cas échéant, de s'assurer de la qualité des évaluations conduites par d'autres instances ; (...) ". Aux termes des quatre premiers alinéas de l'article L. 114-3-3 du même code, dans sa version applicable au litige : " I.- Le Haut Conseil est administré par un collège garant de la qualité de ses travaux. / II.- Le collège arrête le programme annuel d'évaluation du Haut Conseil. Il définit les mesures propres à garantir la qualité, la transparence et la publicité des procédures d'évaluation. / Le président est nommé par décret du Président de la République parmi les membres du collège. (...) / Le collège est composé de trente membres nommés par décret (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier qu'après l'expiration du mandat du président du collège du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) le 29 octobre 2019, des entretiens ont eu lieu entre cinq personnes candidates à ces fonctions et des membres du cabinet de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, et, dans certains cas, avec M. BA... BB..., conseiller du président de la République pour l'enseignement supérieur et la recherche. Un appel à candidatures a ensuite été publié au Journal officiel le 26 décembre 2019 afin de " pourvoir la fonction de membre du collège du HCERES appelé à exercer la fonction de président ". A la suite d'un avis du 29 mai 2020 du collège de déontologie du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, recommandant de reprendre la procédure, facultative, permettant de proposer au Président de la République la nomination d'un membre du collège en tant que président du HCERES, un second appel à candidature a été publié au Journal officiel le 16 juin 2020, à l'issue duquel quatre personnes, parmi lesquelles M. BB..., ont été auditionnées par une commission d'audition mise en place à cet effet, puis M. BB... a été auditionné par les commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat le 21 octobre 2020 en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Par un décret du 30 octobre 2020, le Premier ministre a nommé l'ensemble des membres du collège du HCERES. Par un décret du même jour, le président de la République a nommé M. BB... président de ce collège. M. AG... et d'autres requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décrets.

Sur la légalité externe des décrets litigieux :

3. En premier lieu, si les requérants soutiennent que les décrets qu'ils attaquent sont entachés d'irrégularité, en ce que M. BB... aurait été nommé président du collège du HCERES par décret du Président de la République du 30 octobre 2020, numéroté 64 au Journal officiel de la République française du 1er novembre 2020, avant que le Premier ministre nomme les membres du collège du HCERES, parmi lesquels le président de ce collège est nommé, par décret du 30 octobre 2020, numéroté 65 au Journal officiel du 1er novembre 2020, ces deux décrets sont entrés en vigueur à la même date. Par suite, le moyen tiré de ce que ces décrets seraient entachés d'irrégularité au regard des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 114-3-3 du code de la recherche cités au point 1, en ce que celui du Président de la République aurait été pris antérieurement à celui du Premier ministre, doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes des cinquième à dixième alinéas de l'article L. 114-3-3 du code de la recherche, dans sa version applicable au litige : " Le collège comprend : / 1° Neuf membres ayant la qualité de chercheur, d'ingénieur ou d'enseignant-chercheur, dont au moins l'un d'entre eux a été autorisé à participer à la création d'une entreprise en application des articles L. 531-1, L. 531-2, L. 531-4, L. 531-5, L. 531-12, L. 531-14, L. 531-15 et L. 531-16, nommés sur proposition des instances d'évaluation compétentes en matière d'enseignement supérieur et de recherche parmi leurs membres élus, dont au moins trois sur proposition de l'instance nationale mentionnée à l'article L. 952-6 du code de l'éducation et au moins trois sur proposition des instances d'évaluation mentionnées à l'article L. 321-2 du présent code ; / 2° Huit membres ayant la qualité de chercheur, d'ingénieur ou d'enseignant-chercheur, dont trois sur proposition des présidents ou directeurs d'organismes de recherche et trois sur proposition des conférences des chefs d'établissements mentionnées à l'article L. 233-1 du code de l'éducation ; / 3° Deux membres représentant les étudiants, sur proposition des associations d'étudiants en fonction du nombre de voix obtenues par ces associations lors de l'élection des représentants des étudiants au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche ; / 4° Neuf personnalités qualifiées, françaises et étrangères, dont au moins trois issues du secteur de la recherche privée et trois appartenant à des agences d'accréditation ou d'évaluation étrangères ; / 5° Un député et un sénateur désignés par la commission permanente compétente en matière d'enseignement supérieur et de recherche de chaque assemblée ". Aux termes de l'article 3 du décret du 14 novembre 2014 relatif à l'organisation et au fonctionnement du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, alors en vigueur : " I.- Les membres du collège, dont son président, sont nommés par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la recherche et du ministre chargé de l'enseignement supérieur (...) ".

5. Aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, ne faisait obstacle à ce que la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur le rapport de laquelle est pris le décret nommant les membres du collège du HCERES, publie un appel à candidatures au Journal officiel de la République française, afin de " pourvoir la fonction de membre du collège du HCERES appelé à exercer la fonction de président " et qu'à la suite de cet appel à candidatures, une commission procède à l'audition des candidats et émette un avis sur leurs candidatures, dès lors qu'une telle procédure, d'ailleurs recommandée par le collège de déontologie du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation dans son avis du 29 mai 2020 mentionné au point 2, ne liait pas, en tout état de cause, le Président de la République dans son choix du président du collège du HCERES parmi l'ensemble de ses membres. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appel à candidatures publié au Journal officiel le 16 juin 2020 aurait eu pour effet de limiter le choix du président du collège du HCERES aux seules personnalités qualifiées mentionnées au 4° de l'article L. 114-3-3 du code de la recherche. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décrets attaqués auraient été pris pour ces motifs à l'issue d'une procédure irrégulière.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes : " La durée du mandat des membres d'une autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante est comprise entre trois et six ans. (...) / Il est pourvu au remplacement des membres huit jours au moins avant l'expiration de leur mandat ". L'observation de ce délai de huit jours n'est pas prescrite à peine de nullité. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret litigieux du Premier ministre serait illégal en ce qu'il a été publié plus d'un an après la fin du mandat des précédents membres du collège du HCERES ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme Clérici, présidente d'université et présidente de la Coordination des universités de recherche intensive françaises, et M. O..., directeur général délégué à la science du Centre national de la recherche scientifique, tous deux membres de la commission ayant auditionné les candidats aux fonctions de président du collège du HCERES, aient entretenu avec M. BB... des liens tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles qui auraient été de nature à influer sur leur appréciation de sa candidature. En outre, la circonstance que Mme Clérici faisait partie du collège de déontologie du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, qui avait recommandé de reprendre la procédure permettant de proposer au Président de la République la nomination d'un membre du collège en tant que président du collège du HCERES dans un avis du 29 mai 2020 en mettant notamment en place une commission d'audition, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie. Enfin, la participation à cette commission de représentants de l'enseignement supérieur et de la recherche, y compris de responsables d'organismes appelés à être évalués par le HCERES, tels Mme Clérici et M. O..., n'est davantage pas contraire, par elle-même, au principe d'impartialité. M. AG... et autres ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que la présence de Mme Clérici et de M. O... au sein de la commission chargée de procéder à l'audition des candidats aux fonctions de président du collège du HCERES caractériserait un défaut d'impartialité de cette commission.

8. En dernier lieu, la seule circonstance que les comptes rendus des auditions de M. BB... par les commissions parlementaires compétentes ont mentionné le poste de " président du HCERES " au lieu de celui de " président du collège du HCERES " n'est en tout état de cause pas de nature à entacher la procédure d'édiction des décrets attaqués d'irrégularité.

Sur la légalité interne des décrets litigieux :

9. Aux termes de l'article 9 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes : " Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts, au sens de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. / Dans l'exercice de leurs attributions, les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne reçoivent ni ne sollicitent d'instruction d'aucune autorité. / Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne prennent, à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de l'autorité à laquelle ils appartiennent (...) ". Aux termes de l'article 12 de cette même loi : " Aucun membre de l'autorité administrative indépendante ou de l'autorité publique indépendante ne peut siéger ou, le cas échéant, ne peut participer à une délibération, une vérification ou un contrôle si : / 1° Il y a un intérêt, au sens de l'article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 précitée, ou il y a eu un tel intérêt au cours des trois années précédant la délibération, la vérification ou le contrôle ; / 2° Il exerce des fonctions ou détient des mandats ou, si au cours de la même période, il a exercé des fonctions ou détenu des mandats au sein d'une personne morale concernée par la délibération, la vérification ou le contrôle ; / 3° Il représente ou, au cours de la même période, a représenté une des parties intéressées ".

10. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la circonstance que M. BB... était conseiller pour l'enseignement supérieur et la recherche au cabinet du Président de la République jusqu'au 1er novembre 2020 était, en l'espèce, susceptible de faire obstacle à sa nomination en tant que président du collège du HCERES.

11. En second lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées, que M. AG... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation des décrets qu'ils attaquent.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. AG... et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. R... AG..., représentant désigné pour tous ses cosignataires, au Premier ministre, à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et à M. BA... BB....

Délibéré à l'issue de la séance du 21 janvier 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Fabienne Lambolez, Mme Carine Soulay, M. Damien Botteghi conseillers d'Etat ; Mme Dorothée Pradines, maître des requêtes et M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 4 février 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Sylvain Monteillet

La secrétaire :

Signé : Mme Edwige Pluche


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 448315
Date de la décision : 04/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2022, n° 448315
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Monteillet
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:448315.20220204
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