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03/02/2022 | FRANCE | N°442354

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 03 février 2022, 442354


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 4 juin 2020, M. F... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 17 mars 2020 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de La Réunion a retiré l'arrêté du 10 mars 2017 lui ayant accordé un recul de limite d'âge et a prononcé sa radiation des c

adres à compter du 6 avril 2017.

Par une ordonnance n° 2000410 du 24 juin 2...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2020 et un mémoire complémentaire enregistré le 4 juin 2020, M. F... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 17 mars 2020 par lequel le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de La Réunion a retiré l'arrêté du 10 mars 2017 lui ayant accordé un recul de limite d'âge et a prononcé sa radiation des cadres à compter du 6 avril 2017.

Par une ordonnance n° 2000410 du 24 juin 2020, le juge des référés a suspendu l'arrêté du 17 mars 2020, enjoint au SDIS de La Réunion de procéder, à titre provisoire, à la réintégration de M. C... dans ses fonctions et au versement de ses traitements depuis janvier 2020, et mis à la charge du SDIS de La Réunion la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un pourvoi, enregistré le 31 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le SDIS de La Réunion demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de rejeter la demande de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 18 août 1936 ;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;

- le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 ;

- le décret n° 90-851 du 25 septembre 1990 ;

- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 ;

- le décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011 ;

- le décret n° 2012-520 du 20 avril 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Barbat, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Brouchot, avocat du service départemental d'incendie et de secours de la Réunion et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. M. F... C..., sapeur-pompier professionnel au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de La Réunion, a demandé, sur le fondement de ces dispositions, au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion de suspendre l'exécution de l'arrêté du 17 mars 2020 par lequel le président du conseil d'administration du SDIS de La Réunion a retiré l'arrêté du 10 mars 2017 lui ayant accordé un recul de limite d'âge et a prononcé sa radiation des cadres à compter du 6 avril 2017. Par une ordonnance du 24 juin 2020, le juge des référés a, d'une part, suspendu l'exécution de l'arrêté du 17 mars 2020 et, d'autre part, enjoint au SDIS de La Réunion de procéder, à titre provisoire, à la réintégration de M. C... dans ses fonctions et au versement des traitements de celui-ci depuis janvier 2020. Le SDIS de La Réunion se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

Sur le moyen relatif à l'urgence :

3. La circonstance, à la supposer remplie, que le SDIS de La Réunion aurait été tenu de retirer, par l'arrêté du 17 mars 2020, l'arrêté du 10 mars 2017 autorisant M. C... à poursuivre son activité au-delà de la limite d'âge est par elle-même sans incidence sur l'appréciation par le juge des référés de la condition d'urgence. Par suite, le moyen tiré de ce que le juge des référés du tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de cette circonstance pour statuer sur la condition d'urgence ne peut être qu'écarté.

Sur le moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision

4. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. " Aux termes du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté : " Les limites d'âge seront (...) reculées d'une année pour tout fonctionnaire et employé civil qui, au moment où il atteignait sa cinquantième année, était parent d'au moins trois enfants vivants, à la condition qu'il soit en état de continuer à exercer son emploi ".

5. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. C..., qui était atteint par la limite d'âge le 5 avril 2017, a demandé le 30 novembre 2016 la prolongation de son activité au SDIS de La Réunion, son employeur. Sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 18 août 1936, la présidente du conseil d'administration du SDIS de La Réunion lui a accordé, par l'arrêté du 10 mars 2017, soit avant que M. C... ait atteint la limite d'âge et alors qu'il conservait un lien avec le service, la prolongation demandée jusqu'au 5 décembre 2018. Cet arrêté a toutefois été retiré par l'arrêté du 17 mars 2020, intervenu au-delà du délai de quatre mois prévu par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration cité au point 4. Si le SDIS de La Réunion soutient que cette disposition ne faisait pas obstacle au retrait de l'arrêté du 10 mars 2017 dès lors que celui-ci, qui avait maintenu illégalement M. C... en activité au-delà de la limite d'âge, était nul et non avenu et pouvait donc être retiré à tout moment, le juge des référés, après avoir relevé qu'il n'apparaissait pas que l'arrêté du 10 mars 2017 ait été obtenu par fraude et qu'il était créateur de droits, a pu, sans commettre d'erreur de droit dès lors que cet arrêté avait été pris sur le fondement de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, faire droit au moyen soulevé devant lui par M. C... et tiré de ce que le retrait de cet arrêté au-delà du délai de quatre mois prévu par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 17 mars 2020.

Sur l'injonction prononcée :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

7. Aux termes de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et dans le secteur public : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité./ La prolongation d'activité prévue à l'alinéa précédent ne peut avoir pour effet de maintenir le fonctionnaire concerné en activité au-delà de la durée des services liquidables prévue à l'article L. 13 du même code ni au-delà d'une durée de dix trimestres. " Aux termes du premier alinéa de l'article 1-3 de cette même loi : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus par l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique. " Aux termes du I de l'article 4 du décret du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et dans le secteur public : " La demande de prolongation d'activité est présentée par le fonctionnaire à l'employeur public au plus tard 6 mois avant la survenance de la limite d'âge. Il en est accusé réception. / La demande est accompagnée d'un certificat médical appréciant, au regard du poste occupé, l'aptitude physique de l'intéressé. Il est délivré par le médecin agréé prévu à l'article 1er du décret du 14 mars 1986 susvisé ou, le cas échéant, lorsque les statuts particuliers le prévoient, par le médecin habilité à apprécier l'aptitude physique du fonctionnaire (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés, d'une part, que l'arrêté du 10 mars 2017 autorisait M. C... à poursuivre son activité jusqu'au 5 décembre 2018 et que ce dernier n'a présenté, à cette échéance, aucune demande respectant les conditions fixées par les dispositions de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 ou par les dispositions combinées du premier alinéa de l'article 1-3 de cette même loi et du I de l'article 4 du décret du 30 décembre 2009 cités au point 7 et, d'autre part, que M. C... ne s'est pas davantage fondé sur d'autres dispositions législatives ou réglementaires pour demander la prolongation de son activité au-delà du terme fixé par l'arrêté du 10 mars 2017. Il en résulte que le lien qui unissait M. C... avec le SDIS était rompu à compter du 6 décembre 2018. Dès lors, en enjoignant au SDIS de procéder, à titre provisoire, à la réintégration de M. C... dans ses fonctions et au versement de ses traitements depuis janvier 2020, alors que le lien de celui-ci avec le SDIS de La Réunion était rompu à cette date, le juge des référés a prononcé une mesure que n'impliquait pas la suspension qu'il prononçait par la même décision. L'ordonnance du 24 juin 2020 doit par suite être annulée en tant qu'elle prononce cette injonction.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

10. Compte-tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir la suspension de l'exécution de l'arrêté du 17 mars 2020 d'une injonction.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le SDIS de La Réunion et par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 24 juin 2020 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion est annulée en tant qu'elle enjoint au SDIS de La Réunion de procéder, à titre provisoire, à la réintégration de M. C... dans ses fonctions et au versement de ses traitements depuis janvier 2020.

Article 2 : Les conclusions de M. C... tendant à ce qu'il soit enjoint au SDIS de La Réunion de procéder, sous astreinte, à sa réintégration, sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du SDIS de La Réunion est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au service départemental d'incendie et de secours de La Réunion et à M. F... C....

Délibéré à l'issue de la séance du 7 janvier 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. K... D..., M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. I... M..., M. J... G..., M. E... L..., M. B... N..., Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Philippe Barbat, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 3 février 2022.

La Présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Philippe Barbat

La secrétaire :

Signé : Mme A... H...


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 03 fév. 2022, n° 442354
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Barbat
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : BROUCHOT ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Date de la décision : 03/02/2022
Date de l'import : 22/02/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 442354
Numéro NOR : CETATEXT000045122240 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-02-03;442354 ?
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