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30/12/2021 | FRANCE | N°453532

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 30 décembre 2021, 453532


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de sa décision du 18 février 2021 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de M. D... A..., candidat tête de liste aux élections municipales et communautaires qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Montmagny (Val d'Oise). Par un jugement n° 2102953 du 17 mai 2021, le tribunal administratif a déclaré

M. A... démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller mu...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de sa décision du 18 février 2021 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de M. D... A..., candidat tête de liste aux élections municipales et communautaires qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Montmagny (Val d'Oise). Par un jugement n° 2102953 du 17 mai 2021, le tribunal administratif a déclaré M. A... démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal et inéligible à toute élection pendant une durée de douze mois.

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 14 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement, de rejeter la saisine de la CNCCFP et de fixer à 16 694,35 euros la somme due par l'Etat au titre de l'article L. 52-11-1 du code électoral ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce à son encontre une inéligibilité pour une durée d'un an ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n°2019-1269 du 2 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté (...), la commission saisit le juge de l'élection (...) ".

2. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 18 février 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne de M. A..., candidat élu à la tête d'une liste ayant recueilli 9,42% des voix au second tour des élections municipales, le 28 juin 2020, dans la commune de Montmagny (Val d'Oise). M. A... fait appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par la CNCCFP en application de l'article L. 52-15 du code électoral cité ci-dessus, l'a déclaré démissionnaire d'office et inéligible pour une période d'un an.

Sur le rejet du compte de campagne :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral : " Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette. Cette présentation n'est pas non plus nécessaire lorsque le candidat ou la liste dont il est tête de liste a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés et qu'il n'a pas bénéficié de dons de personnes physiques selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts (...) ".

4. Contrairement à ce que soutient M. A... et compte tenu du résultat obtenu par sa liste, il était tenu de présenter un compte de campagne conforme aux dispositions citées ci-dessus. Or il résulte de l'instruction que le formulaire de transmission du compte de campagne de M. A... à la CNCCFP, s'il faisait état du nom d'un expert-comptable, ne comportait ni sa signature ni son visa et n'était pas accompagné de l'ensemble des documents exigés. La circonstance que M. A... aurait également transmis à la commission un document établi par lui-même, retraçant des dépenses et des recettes et portant le cachet d'un expert-comptable agréé, ne saurait par ailleurs constituer la présentation d'un compte de campagne au sens des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral cité ci-dessus.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée (...). Le mandataire recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne ". Aux termes de l'article L. 52-6 du même code : " Le mandataire financier est tenu d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant la totalité de ses opérations financières (...) ".

6. Il est constant que M. A... n'a pas procédé ni fait procéder par son mandataire à l'ouverture du compte de dépôt unique exigé par les dispositions citées ci-dessus. S'il invoque à ce titre le refus qui lui aurait été opposé par tous les établissements bancaires sollicités, il n'apporte, en tout état de cause, pas d'éléments de nature à établir l'impossibilité qu'il allègue.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que son compte de campagne avait été rejeté à bon droit.

Sur le remboursement des dépenses électorales :

8. Aux termes du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral, dans sa version applicable : " (...) lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1 ". Il résulte de ces dispositions et de ce qui a été dit ci-dessus que les conclusions de M. A... tendant à ce que soit fixé le montant du remboursement qui lui serait dû ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la sanction d'inéligibilité :

9. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue des dispositions de la loi du 2 décembre 2019 déjà mentionnée : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible :/ 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / 2° Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ; / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit (...) ". En dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

10. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A... a manqué tant à l'obligation de présenter son compte de campagne par un expert-comptable qu'à celle imposée à son mandataire financier d'ouvrir un compte de dépôt unique retraçant la totalité de ses opérations financières. Par ailleurs il résulte de l'instruction qu'il s'est abstenu de procéder aux régularisations demandées par la CNCCFP et n'a jamais sérieusement justifié de l'impossibilité de respecter les dispositions qui s'imposaient à lui. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a déclaré démissionnaire d'office et a prononcé son inéligibilité pour une durée d'un an.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2021 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. F... B...,cConseiller d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 30 décembre 2021.

Le Président :

Signé : M. Denis Piveteau

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

La secrétaire :

Signé : Mme E... C...


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 453532
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2021, n° 453532
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:453532.20211230
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