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30/12/2021 | FRANCE | N°443181

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 30 décembre 2021, 443181


Vu la procédure suivante :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commune de Matoury a rejeté sa demande du 12 novembre 2015 tendant à ce qu'elle régularise sa situation administrative auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et de condamner cette commune à lui verser la somme de 40 881,14 euros au titre de pensions non perçues du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 ainsi que la somme mensuelle de 1 703,41 euros à compter du 1er janvier

2017 au titre de sa pension de retraite, jusqu'à la régularisation...

Vu la procédure suivante :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commune de Matoury a rejeté sa demande du 12 novembre 2015 tendant à ce qu'elle régularise sa situation administrative auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et de condamner cette commune à lui verser la somme de 40 881,14 euros au titre de pensions non perçues du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 ainsi que la somme mensuelle de 1 703,41 euros à compter du 1er janvier 2017 au titre de sa pension de retraite, jusqu'à la régularisation de sa situation par la CNRACL. Par un jugement n° 1600170 du 20 mars 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA21963 du 20 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. C..., annulé ce jugement, annulé la décision implicite de refus de la commune de Matoury et enjoint à cette commune, d'une part, de procéder dans un délai de trois mois au réexamen de la situation de M. C... au regard de ses droits à pension ainsi que des obligations réciproques de la commune et de son agent quant à la constitution de ces droits et au versement des cotisations de retraite correspondantes, d'autre part, de procéder dans un délai de deux mois à la suite de cet examen, dans la mesure de ces droits et de ces obligations, à la régularisation de la situation administrative de M. C... auprès de la CNRACL.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 7 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Matoury demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des communes ;

- le code électoral ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP piwnica, Molinié, avocat de la commune de Matoury et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C..., rédacteur territorial en fonction dans la commune de Matoury, a été placé à sa demande en disponibilité pour se présenter aux élections municipales de mars 1989, à la suite desquelles il a été élu conseiller municipal, puis maire de cette commune. Il a ensuite demandé à la commune de le placer en position de détachement auprès d'elle pour exercer ses fonctions électives. Ce détachement prononcé par arrêté du 3 janvier 1991 a été renouvelé par quatre arrêtés des 16 février 1996, 20 mars 2001, 13 mars 2006 et 17 mars 2011. Un nouveau maire ayant été élu le 30 mars 2014, M. C... a décidé de faire valoir ses droits à la retraite. Il a alors vainement demandé à la commune de verser les cotisations de retraite correspondant à sa période de détachement aux fins de régulariser son dossier auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et de constituer les droits à pension correspondants. Il a demandé au tribunal administratif de Cayenne, d'une part, d'annuler la décision de rejet de sa demande et, d'autre part, de condamner la commune de Matoury à réparer la perte de ses droits à pension du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et à lui verser une somme mensuelle correspondant au montant estimé de sa pension de retraite jusqu'à régularisation de sa situation. Le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 20 mars 2017. Par un arrêt du 20 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. C..., annulé ce jugement, enjoint à la commune de réexaminer ses droits et rejeté le surplus de ses conclusions. La commune de Matoury se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il lui fait grief.

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) / 7° Sur les litiges en matière de pensions ;(...) ". Le litige introduit par M. C... présente le caractère d'un litige en matière de pension au sens de ces dispositions. Par son jugement du 20 mars 2017, le tribunal administratif de Cayenne a, ainsi, statué en premier et dernier ressort et la cour administrative d'appel de Paris n'était par suite pas compétente pour statuer sur la requête de M. C... dirigée contre ce jugement, qui revêtait le caractère d'un pourvoi en cassation. Il est ainsi alors même que la requête de M. C..., initialement enregistrée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, a été transmise à la cour administrative d'appel de Paris par une ordonnance du 1er mars 2019 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative.

3. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, il y a lieu d'annuler l'arrêt du 20 décembre 2020 dans la mesure demandée par la commune de Matoury, c'est-à-dire en tant que cet arrêt statue sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de M. C... et en tant qu'il met à la charge de la commune une somme à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4. Dans la mesure de la cassation prononcée, il appartient au Conseil d'Etat de statuer, en tant que juge de cassation, sur les conclusions présentées par M. C... devant la cour administrative d'appel de Paris.

5. Aux termes de l'article L. 231 du code électoral : " Les agents salariés communaux ne peuvent être élus au conseil municipal de la commune qui les emploie ". Il résulte des termes du jugement attaqué que, pour rejeter les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de M. C..., le tribunal administratif de Cayenne a jugé que le placement de M. C... en position de détachement était contraire aux dispositions de l'article L.231 du code électoral et qu'en conséquence, les arrêtés de détachement des 3 janvier 1991, 16 février 1996, 20 mars 2001, 13 mars 2006 et 17 mars 2011 devaient être regardés comme nuls et non avenus.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis qu'au cours de la période en cause, M. C... a effectivement occupé les fonctions de maire pour lesquelles il était détaché, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

8. M. C... est, par suite, fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement du 20 mars 2017 du tribunal administratif de la Guyane, en tant qu'il rejette ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Matoury le versement de la somme de 3 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 20 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de M. C... et en tant qu'il met à la charge de la commune de Matoury une somme à verser à celui-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : Le jugement du 20 mars 2017 du tribunal administratif de Cayenne est annulé en tant qu'il rejette les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de M. C....

Article 3 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Cayenne dans la limite de la cassation prononcée.

Article 4 : La commune de Matoury versera la somme de 3 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par la commune de Matoury sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Matoury et à M. D... C....

Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2021 où siégeaient : M. Denis Piveteau, président de chambre, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 30 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Denis Piveteau

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Dominique Langlais

La secrétaire :

Signé : Mme B... A...


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 443181
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2021, n° 443181
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:443181.20211230
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