Vu la procédure suivante :
Par deux requêtes distinctes, Mme O... S... C... d'une part, et Mme A... C... d'autre part, ont demandé à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) d'annuler les décisions du 31 octobre 2019 par lesquelles le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leur demande d'asile, de leur reconnaître la qualité de réfugiée ou, à défaut, de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et de mettre à la charge de l'OFPRA, dans chacune de ces instances, la somme de 1 500 euros à verser à Me Judith R..., leur avocate, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Par une décision nos 20003461 et 20003463 du 2 juin 2020, la Cour nationale du droit d'asile a annulé ces décisions, reconnu la qualité de réfugiée à Mme O... S... C... et à Mme A... C... et, en son article 3, mis à la charge de l'OFPRA le versement de la somme de 1 000 euros à Me R... en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Coronel-Kissous renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 3 juillet 2020 et le 12 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme R... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 3 de cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de mettre à la charge de l'OFPRA la somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) au titre de la procédure engagée devant le Conseil d'Etat, de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 96-887 du 10 octobre 1996 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de Mme R... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 2 juin 2020, la Cour nationale du droit d'asile, après avoir joint les recours formés, d'une part, par Mme O... C..., d'autre part, par Mme A... C..., a jugé que la qualité de réfugiée devait être reconnue aux deux requérantes et alloué, en son article 3, à Me R..., leur avocate, la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat. Mme R... se pourvoit en cassation contre cette décision en tant qu'elle lui accorde une somme qu'elle estime inférieure à la part contributive de l'Etat après paiement de la taxe sur la valeur ajoutée.
2. De première part, aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction applicable au litige : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. / Si, à l'issue du délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci. / Un décret en Conseil d'Etat fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article ".
3. De deuxième part, aux termes de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991, dans sa rédaction applicable au litige : " L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle perçoit une rétribution. / L'Etat affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau. / Le montant de cette dotation résulte, d'une part, du nombre de missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau et, d'autre part, du produit d'un coefficient par type de procédure et d'une unité de valeur de référence. / Le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de l'unité de valeur de référence est fixé, pour les missions dont l'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée à compter du 1er janvier 2017, à 32 € ". En vertu de l'article 90 du décret du 19 décembre 1991 portant application de cette loi, dans sa rédaction applicable au litige, la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale est déterminée en fonction du produit de l'unité de valeur et de coefficients qu'il fixe, le coefficient pour les procédures en audiences publiques relevant de la Cour nationale du droit d'asile étant fixé à seize. Aux termes de l'article 16 du règlement-type annexé au décret du 10 octobre 1996 portant règlement type relatif aux règles de gestion financière et comptable des fonds versés par l'Etat aux caisses des règlements pécuniaires des avocats pour les missions d'aide juridictionnelle et pour l'aide à l'intervention de l'avocat prévue par les dispositions de la troisième partie de la loi du 10 juillet 1991 : " Le montant de la rétribution due à l'avocat pour les missions d'aide juridictionnelle totale est fixé sur la base de l'une ou plusieurs des options suivantes : / 1° Rétribution égale à la contribution de l'Etat (renvoi aux dispositions législatives et réglementaires applicables (...) / Dans tous les cas, il prend en compte la situation fiscale de l'avocat au regard des dispositions législatives et réglementaires relatives à la T. V. A. ". Aux termes de l'article 21 du même règlement-type : " Chaque avocat fait connaître immédiatement à la Carpa tout changement de sa situation au regard de la T.V.A. et de son mode d'exercice ".
4. De troisième part, en vertu de l'article 256 A du code général des impôts, sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités énumérées par cet article, au nombre desquelles figurent celles des professions libérales ou assimilées. Il résulte de l'article 293 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, que pour les opérations réalisées par les avocats et les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, dans le cadre de l'activité définie par la réglementation applicable à leurs professions, ceux-ci bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'ils n'ont pas réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 42 900 euros l'année civile précédente.
5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si le montant de la rétribution due à l'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, qui est versée pour le compte de l'Etat par la caisse des règlements pécuniaires des avocats, prend en compte la situation fiscale de l'avocat au regard des dispositions législatives et réglementaires relatives à la taxe sur la valeur ajoutée, le montant de l'unité de valeur de référence pour la détermination de la part contributive de l'Etat au financement des missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, en ce qu'elles prévoient que la somme que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, doivent s'entendre comme faisant référence au montant de la part contributive de l'Etat tel qu'il est exprimé hors taxe sur la valeur ajoutée.
6. Par suite, Mme R... n'est pas fondée à soutenir que la Cour nationale du droit d'asile, dont la décision est suffisamment motivée, a commis une erreur de droit en lui allouant, sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme qui, si elle est supérieure au montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de la part contributive de l'Etat, est inférieure au montant de cette même part incluant la taxe sur la valeur ajoutée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme R... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme R... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme G... R... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2021 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président adjoint de la section du Contentieux, présidant ; Mme B... Q..., Mme F... P..., présidentes de chambre ; M. M... J..., Mme L... N..., Mme D... I..., Mme D... K..., M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 29 décembre 2021.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
La rapporteure :
Signé : Mme Catherine Brouard-Gallet
La secrétaire :
Signé : Mme E... H...