La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/12/2021 | FRANCE | N°448868

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 23 décembre 2021, 448868


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 janvier et 6 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Normandie, l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Bourgogne Franche-Comté demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° DGOS/R2/2020/129 du 24 juillet 2020 relative aux

attendus pour la désignation de projets pilotes expérimentateurs du service d'accè...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 janvier et 6 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Normandie, l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Bourgogne Franche-Comté demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° DGOS/R2/2020/129 du 24 juillet 2020 relative aux attendus pour la désignation de projets pilotes expérimentateurs du service d'accès aux soins, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a rejeté leur recours gracieux du 25 septembre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2013-727 du 12 août 2013 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 décembre 2021, présentée par l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Normandie, l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Bourgogne Franche-Comté ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que le ministre des solidarités et de la santé a demandé aux directeurs généraux des agences régionales de santé, par son instruction du 24 juillet 2020 relative aux attendus pour la désignation de projets pilotes expérimentateurs du service d'accès aux soins (SAS), défini comme un " service universel accessible à tous sur tous les territoires, quel que soit le lieu d'appel, qui doit permettre à chacun d'accéder rapidement aux soins dont il a besoin ", d'" identifier des territoires pilotes, préfigurateurs du SAS, qui devront être opérationnels dès l'automne 2020 ". L'instruction se présente comme un " appel à faire remonter des projets pilotes pour expérimenter le service d'accès aux soins, selon des principes indispensables et des attendus en termes d'organisation, de fonctionnement, d'outils techniques et de prestations ". Elle décrit les " modalités et étapes pour la sélection des pilotes ", précisées par cinq annexes, et indique que " Le SAS repose sur deux volets de base : - une plateforme digitale (comprenant un site Internet, une application) permettant d'accéder à une information précise sur l'offre de soins sur le territoire et de prendre rendez-vous rapidement chez un professionnel de santé ; / - la prise en charge unique des appels pour toute situation d'urgence ou pour tout besoin de soins non programmés, lorsque l'accès au médecin traitant n'est pas possible en première intention. / Il se traduit notamment par une plateforme téléphonique de régulation médicale, opérationnelle 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ". L'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Normandie, l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Bourgogne Franche-Comté demandent au Conseil d'Etat d'annuler cette instruction pour excès de pouvoir, ainsi que le rejet de leur recours gracieux.

2. En premier lieu, le premier alinéa du II de l'article 2 du décret du 12 août 2013 portant création, organisation et attributions d'un secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales dispose que le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales : " assiste les ministres pour le pilotage et la coordination de l'organisation du système de santé et de prise en charge médico-sociale, en exerçant les attributions qui lui sont assignées, au titre du pilotage national des agences régionales de santé, par les articles D. 1433-1 et D. 1433-8 du code de la santé publique pour veiller notamment à la cohérence de la mise en œuvre territoriale des politiques publiques sanitaires et sociales." Aux termes de l'article D. 1433-1 du code de la santé publique : " Les ministres chargés de la santé, de l'assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées président le Conseil national de pilotage des agences régionales de santé (...). / Le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales préside le conseil national de pilotage des agences régionales de santé en l'absence des ministres (...) ". Il résulte de ces dispositions que tant le ministre des solidarités et de la santé que la secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales, qui l'assiste pour le pilotage des agences régionales de santé, avaient, contrairement à ce qui est soutenu, compétence pour signer l'instruction attaquée, adressée aux directeurs généraux des agences régionales de santé en vue qu'ils identifient des sites pilotes pour une expérimentation du service d'accès aux soins.

3. En deuxième lieu, le ministre des solidarités et de la santé était compétent et pouvait légalement, même sans texte, définir les principes à remplir par ces sites pilotes pour pouvoir être sélectionnés pour participer à l'expérimentation et émettre des recommandations sur l'organisation à retenir.

4. En troisième lieu, la circonstance que l'instruction attaquée aurait été appliquée avant sa publication au Bulletin officiel Santé-Protection sociale-Solidarité du 15 novembre 2020 est sans incidence sur sa légalité.

5. En quatrième lieu, l'instruction attaquée, qui tend seulement, comme il a été dit au point 1, à identifier, sans prévoir aucune règle dérogatoire au droit commun, des sites pilotes pour expérimenter la mise en place d'une " plateforme digitale " et la " prise en charge unique des appels " correspondant à tout besoin de soins urgents ou non programmés, ne peut être regardée comme instituant une expérimentation au sens de l'article 37-1 de la Constitution. Par suite, les requérantes ne peuvent utilement soutenir qu'elle méconnaîtrait ces dispositions faute d'identifier précisément les matières dans le champ desquelles la dérogation qu'elle autoriserait serait possible ou les conditions auxquelles cette dérogation serait soumise.

6. En cinquième lieu, l'article L. 4031-1 du code de la santé publique prévoit que : " Dans chaque région (...), une union régionale de professionnels de santé rassemble, pour chaque profession, les représentants des professionnels de santé exerçant à titre libéral. (...) ". Aux termes de l'article L. 4031-3 du code de la santé publique : " Les unions régionales des professionnels de santé et leurs fédérations contribuent à l'organisation et à l'évolution de l'offre de santé au niveau régional, notamment à la préparation du projet régional de santé et à sa mise en œuvre. Les unions régionales des professionnels de santé peuvent conclure des contrats avec l'agence régionale de santé et assurer des missions particulières impliquant les professionnels de santé libéraux dans les domaines de compétence de l'agence. / Elles assument les missions qui leur sont confiées par les conventions nationales prévues au titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale. " En vertu de l'article R. 4031-2 du même code : " Les unions régionales contribuent à l'organisation de l'offre de santé régionale. Elles participent notamment : 1° A la préparation et à la mise en œuvre du projet régional de santé ; / 2° A l'analyse des besoins de santé et de l'offre de soins, en vue notamment de l'élaboration du schéma régional de santé ; / 3° A l'organisation de l'exercice professionnel, notamment en ce qui concerne la permanence des soins, la continuité des soins et les nouveaux modes d'exercice ; / 4° A des actions dans le domaine des soins, de la prévention, de la veille sanitaire, de la gestion des crises sanitaires, de la promotion de la santé et de l'éducation thérapeutique ; / 5° A la mise en œuvre des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens avec les réseaux de santé, les centres de santé, les maisons de santé et les pôles de santé, ou des contrats ayant pour objet d'améliorer la qualité et la coordination des soins mentionnés à l'article L. 1435-4 ; / 6° Au déploiement et à l'utilisation des systèmes de communication et d'information partagés ; / 7° A la mise en œuvre du développement professionnel continu./ Elles peuvent procéder à l'analyse des données agrégées nationales et régionales issues du système national d'informations interrégimes de l'assurance maladie en rapport avec leurs missions. " Ces dispositions n'imposaient pas, contrairement à ce qui soutenu par les requérantes, que les unions régionales de professionnels de santé fussent associées, au titre de la contribution à l'organisation et à l'évolution de l'offre de santé au niveau régional qu'elles ont pour mission d'apporter, à l'identification des sites pilotes, à la définition des principes de l'expérimentation à venir ou qu'elles figurent dans l'organisation recommandée par l'instruction attaquée.

7. Il résulte de ce tout qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre des solidarités et de la santé, les unions régionales des professionnels de santé requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'instruction qu'elles attaquent.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Normandie et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union régionale des professionnels de santé médecins libéraux de Normandie, première dénommée, pour l'ensemble des unions requérantes, et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 décembre 2021 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et Mme Anne Lazar Sury, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 23 décembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Anne Lazar Sury

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 448868
Date de la décision : 23/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2021, n° 448868
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Lazar Sury
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:448868.20211223
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award