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23/12/2021 | FRANCE | N°447138

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 23 décembre 2021, 447138


Vu la procédure suivante :

M. E... A... D... a fait opposition devant le tribunal administratif de Toulouse à la contrainte émise le 6 mai 2016 par la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne pour le recouvrement d'un indu de primes exceptionnelles de fin d'année de deux fois 152,45 euros pour les mois de décembre 2013 et 2014. Par un premier jugement n° 1602559 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a saisi avant dire droit le tribunal de grande instance de Toulouse de la question de la nationalité de M. A... D... puis, par un second jugement du 9 mars

2020, il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... ...

Vu la procédure suivante :

M. E... A... D... a fait opposition devant le tribunal administratif de Toulouse à la contrainte émise le 6 mai 2016 par la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne pour le recouvrement d'un indu de primes exceptionnelles de fin d'année de deux fois 152,45 euros pour les mois de décembre 2013 et 2014. Par un premier jugement n° 1602559 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a saisi avant dire droit le tribunal de grande instance de Toulouse de la question de la nationalité de M. A... D... puis, par un second jugement du 9 mars 2020, il a rejeté les conclusions de la demande de M. A... D....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 1er décembre 2020 et les 2 mars et 6 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne la somme de 3 000 euros, à verser à la SCP Zribi, Texier, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de procédure civile ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2013-1294 du 30 décembre 2013 ;

- le décret n° 2014-1709 du 30 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. A... D..., et à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne a délivré le 6 mai 2016 à M. A... D... une contrainte pour le recouvrement d'un indu correspondant aux deux primes exceptionnelles de fin d'année, d'un montant de 152,45 euros chacune, correspondant aux mois de décembre 2013 et 2014. M. A... D... a formé opposition à cette contrainte devant le tribunal administratif de Toulouse en faisant valoir que cet indu, qui se fondait sur la seule circonstance qu'il n'était pas de nationalité française, n'était pas fondé. Par un premier jugement du 26 juin 2018, ce tribunal a posé avant dire droit au juge judiciaire la question préjudicielle de la nationalité de M. A... D... et, par un jugement du 23 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a constaté l'extranéité du requérant. M. A... D... se pourvoit en cassation contre le jugement du 9 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, il résulte des articles 5 et 6 des décrets des 30 décembre 2013 et 30 décembre 2014 portant attribution d'une aide exceptionnelle de fin d'année à certains allocataires du revenu de solidarité active et aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation équivalent retraite et de l'allocation transitoire de solidarité, d'une part, que ces aides exceptionnelles, qui sont à la charge de l'Etat, sont versées par les organismes débiteurs des prestations dont sont par ailleurs bénéficiaires les allocataires concernés et, d'autre part, que tout paiement indu d'une aide exceptionnelle de fin d'année est récupéré pour le compte de l'Etat par l'organisme chargé du service de celle-ci.

3. Pour le recouvrement des sommes indûment versées au titre des aides exceptionnelles de fin d'année, le directeur d'un organisme de sécurité sociale peut, ainsi que le prévoit l'article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale, délivrer une contrainte, laquelle, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement. L'article R. 133-3 du même code, qui fixe les règles relatives à la signification de la contrainte au débiteur ainsi qu'à l'opposition que ce dernier peut former, prévoit que si la contrainte décernée l'a été pour des sommes indûment versées, le débiteur peut " former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ". Une telle demande ressortit du contentieux du recouvrement.

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales que les recours contre les décisions prises par l'administration sur les contestations relatives au recouvrement des créances non fiscales de l'Etat sont de la compétence du juge de droit commun selon la nature de la créance. En application de ce qui a été dit ci-dessus, le contentieux du recouvrement d'un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année prévue par les décrets des 30 décembre 2013 et 30 décembre 2014, qui constitue une créance non fiscale de l'Etat, est de la compétence du tribunal administratif, également compétent pour se prononcer sur cette créance.

5. Par suite, M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que la juridiction administrative n'était pas compétente pour statuer sur son opposition à la contrainte délivrée par la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne pour le recouvrement d'un indu correspondant aux primes exceptionnelles de fin d'année versées en 2013 et 2014.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1042 du code de procédure civile : " Si une question de nationalité est soulevée devant une juridiction qui estime qu'il y a question préjudicielle, la juridiction renvoie cette partie à se pourvoir devant le tribunal judiciaire compétente dans le délai d'un mois ou, dans le même délai, à présenter au procureur de la République. (...) / Si le délai d'un mois n'est pas respecté, l'instance poursuit son cours. Dans le cas contraire, la juridiction saisie au fond sursoit à statuer jusqu'à ce que la question de nationalité ait été jugée ". Et l'article 1045 du même code précise, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Le jugement qui statue sur la nationalité n'est pas de droit exécutoire à titre provisoire. / Le délai de pourvoi suspend l'exécution de l'arrêt qui statue sur la nationalité ; le pourvoi en cassation exercé dans ce délai est également suspensif ".

7. Comme il a été dit au point 1, le tribunal administratif de Toulouse a posé avant dire droit au juge judiciaire la question préjudicielle de la nationalité de M. A... D... et sursis à statuer par un premier jugement du 26 juin 2018. Le tribunal judiciaire de Bordeaux s'est prononcé sur cette question le 23 janvier 2020 et a notifié ce jugement au tribunal administratif de Toulouse le 27 janvier 2020, qui a statué par un second jugement le 9 mars 2020. Toutefois, il ressort des pièces du dossier du tribunal administratif qu'à cette date, le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux n'était pas devenu définitif, faute d'avoir été notifié à M. D..., ainsi que celui-ci en avait d'ailleurs informé le tribunal administratif au cours de l'audience. La question de la nationalité de M. A... D..., dont le règlement était nécessaire à la solution du litige, n'était dans ces conditions pas tranchée. Ainsi, M. A... D... est fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait dû, conformément aux dispositions rappelées ci-dessus des articles 1042 et 1045 du code de procédure civile, prolonger le sursis à statuer jusqu'à ce que le délai de pourvoi en cassation se soit écoulé ou jusqu'à ce que l'autorité judiciaire ce soit prononcée. Par suite M. A... D... est fondé à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué.

Sur frais de l'instance :

8. M. A... D... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Toutefois, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne, qui, n'ayant été appelée en la cause que pour présenter des observations, n'est pas partie à la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 9 mars 2020 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulouse.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... D... est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. E... A... D....

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé et à la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 décembre 2021 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 23 décembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Pierre Boussaroque

La secrétaire :

Signé : Mme B... C...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 447138
Date de la décision : 23/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2021, n° 447138
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Boussaroque
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER ; SARL DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:447138.20211223
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