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17/12/2021 | FRANCE | N°451520

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 17 décembre 2021, 451520


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de sa décision du 9 novembre 2020 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de M. A... B..., candidat tête de liste aux élections municipales et communautaires qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Basse-Terre. Par un jugement n° 2001183 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette

saisine et fixé à 2 500 euros le montant du remboursement dû pa...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de la Guadeloupe, sur le fondement de sa décision du 9 novembre 2020 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de M. A... B..., candidat tête de liste aux élections municipales et communautaires qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Basse-Terre. Par un jugement n° 2001183 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette saisine et fixé à 2 500 euros le montant du remboursement dû par l'Etat à M. B....

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 8 avril et le 17 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) dès lors que les irrégularités commises justifient le rejet du compte, de ramener le remboursement forfaitaire de l'Etat à 0 euro ;

3°) de procéder à une dévolution du solde à l'une des institutions prévues par le code électoral.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. (...) / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection ".

2. Il résulte de l'instruction que par une décision du 9 novembre 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. A... B..., candidat tête de liste aux élections qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 en vue de la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Basse-Terrre (Guadeloupe). En application de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe qui, par un jugement du 18 mars 2021, a rejeté cette saisine et fixé à 2 500 euros le montant du remboursement dû par l'Etat à M. B... en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques fait appel de ce jugement.

Sur le jugement attaqué :

En ce qui concerne le rejet du compte de campagne :

3. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l'obtention de prêts. ".

4. Il résulte de l'instruction que pour rejeter le compte de campagne de M. B..., la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a retenu que l'intéressé a reçu un don d'un montant de 1 000 euros sous la forme d'un chèque émis par une personne morale constituée sous la forme d'une société par actions simplifiée, et constaté que ce don était prohibé par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 52-8 du code électoral. Toutefois, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, ce don prohibé de 1 000 euros ne représentait que 4% du montant du plafond des dépenses électorales et 3,74% des recettes de la campagne du candidat. Il a pu, par suite, estimer que le montant limité de ce don n'était pas à lui seul de nature à justifier le rejet du compte de campagne de l'intéressé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, laquelle n'était dès lors pas fondée à saisir le juge de l'élection en application de l'article L. 52-15 du code électoral.

En ce qui concerne le montant du remboursement forfaitaire de l'Etat dû en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral :

5. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 52-6 du code électoral : " Au terme de son mandat, le mandataire remet au candidat un bilan comptable de son activité. Lorsqu'un solde positif ne provenant pas de l'apport du candidat apparaît, il est dévolu, sur décision du candidat, soit à une association de financement ou à un mandataire financier d'un parti politique, soit à un ou plusieurs établissements reconnus d'utilité publique. A défaut de décision de dévolution dans les conditions et délais prévus ci-dessus, à la demande du préfet du département de la circonscription électorale dans laquelle se présente le candidat ou le binôme, le procureur de la République saisit le président du tribunal judiciaire qui détermine le ou les établissements reconnus d'utilité publique attributaires de l'actif net. Il en va de même lorsque la dévolution n'est pas acceptée ". Aux termes de l'article L. 52-11-1 du même code : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne./ Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de l'article L. 52-11, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne dans le délai prévu au II de l'article L. 52-12 ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs ou qui n'ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale dans le délai légal et pour le scrutin concerné, s'ils sont astreints à cette obligation./ Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités ".

6. Il résulte de ces dispositions que le remboursement forfaitaire de 47,5% du plafond légal des dépenses électorales est accordé aux candidats aux élections auxquels l'article L. 52-4 du code électoral est applicable d'une part lorsqu'ils ont obtenu plus de 5% des suffrages exprimés, et d'autre part lorsque le solde de leur compte, s'il est positif, n'est pas supérieur au montant de leur apport personnel. Après avoir constaté que le compte de campagne déposé par M. B... faisait apparaître un montant de dépenses de 22 263 euros et que les dépenses réglées sur son apport personnel et retracées au compte de campagne s'élevaient à un montant de 2 500 euros, le tribunal administratif a estimé que c'est à cette somme que devait être fixé le montant du remboursement forfaitaire auquel il a droit.

7. Toutefois, le compte fait apparaître un solde positif de 4 387 euros résultant de la différence entre le total des recettes égal à 26 750 euros et le total des dépenses égal à 22 363 euros. Ce solde est supérieur de 1 887 euros au montant de l'apport du candidat. Il résulte des dispositions de l'article L. 52-6 du code électoral que, dans ces conditions, aucun remboursement forfaitaire ne devait être accordé à M. B....

8. Il résulte de ce qui précède que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fixé le montant du remboursement forfaitaire dû par l'Etat à M. B... à la somme de 2 500 euros.

9. Par ailleurs, il y a lieu pour M. B..., en application de l'article L. 52-6 du code électoral, de procéder à une dévolution de l'excédent de son compte de campagne qui, après soustraction du montant de son apport personnel de 2 500 euros, s'élève à 1 887 euros, dans les conditions prévues par cet article.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 18 mars 2021 est annulé en tant qu'il fixe à 2 500 euros le montant du remboursement dû par l'Etat à M. B... en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral.

Article 2 : Il y a lieu pour M. B... de procéder à la dévolution de l'excédent de son compte de campagne pour un montant de 1 887 euros dans les conditions prévues par l'article L. 52-6 du code électoral.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au ministre des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 décembre 2021 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.

Rendu le 17 décembre 2021.

Le président :

Signé : M. Cyril Roger-Lacan

La rapporteure :

Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :

Signé : Mme C... D...


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 451520
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2021, n° 451520
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Hot
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:451520.20211217
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