Vu la procédure suivante :
M. D... E..., M. G... C... et Mme J... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du maire de la commune d'Annecy du 24 mai 2019 accordant un permis de construire à M. I... et Mme H... pour la démolition d'une grange existante et la construction d'une maison individuelle ainsi que la décision rejetant leur recours gracieux. Par une ordonnance n° 1907899 du 19 mai 2020, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juillet et 16 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Annecy la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. E... et autres, au cabinet Munier-Apaire, avocat de la commune d'Annecy et à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. I... et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
2. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance et à la localisation du projet de construction.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. E... et autres ont demandé l'annulation du permis de construire délivré le 25 juin 2019 par le maire d'Annecy pour la démolition d'une grange existante et la construction d'une maison individuelle de 109 m² de surface de plancher sur une parcelle située à proximité immédiate de leurs habitations. Le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a, sur le fondement du 4° de l'article R. 22-1 du code de justice administrative, et après les avoir invités à régulariser, rejeté leur demande comme manifestement irrecevable, au motif que les intéressés n'avaient pas suffisamment justifié de leur intérêt pour agir au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.
4. En jugeant que M. E... et autres ne justifiaient pas d'un intérêt pour agir contre le permis de construire attaqué alors qu'ils sont voisins immédiats de la construction et qu'ils faisaient état des nuisances sonores inhérentes au projet consistant à démolir une grange pour y construire une maison d'habitation et de ce qu'il entraînerait, pour eux, " une importante perte d'intimité " en tant, notamment, que les futurs occupants auraient une vue directe sur leurs propres habitations, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a inexactement qualifié les faits de l'espèce.
5. Il résulte de ce qui précède que M. E... et M. et Mme C... sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Annecy la somme de 3 000 euros à verser à M. E... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de ces derniers qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble du 19 mai 2020 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Grenoble.
Article 3 : La commune d'Annecy versera à M. E... et autres une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de présentées par la commune d'Annecy et M. I... au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... E..., à M. G... C..., à Mme J... C..., à la commune d'Annecy, à M. K... I... et à Mme F... H....
Délibéré à l'issue de la séance du 18 novembre 2021 où siégeaient : M. Fabien Raynaud, président de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et M. Bruno Bachini, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 8 décembre 2021.
Le président :
Signé : M. Fabien Raynaud
Le rapporteur :
Signé : M. Bruno Bachini
La secrétaire :
Signé : Mme B... A...