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22/11/2021 | FRANCE | N°438056

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 22 novembre 2021, 438056


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de Mme A... B... dirigées contre l'arrêt du 28 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant que cet arrêt s'est prononcé sur les indemnités accessoires et l'amende pour recours abusif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, la commune d'Angervilliers conclut au rejet de ces conclusions et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'a

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Vu la procédure suivante :

Par une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de Mme A... B... dirigées contre l'arrêt du 28 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant que cet arrêt s'est prononcé sur les indemnités accessoires et l'amende pour recours abusif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2021, la commune d'Angervilliers conclut au rejet de ces conclusions et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 18 octobre 2021, Mme B... reprend les conclusions de son pourvoi par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de Mme B... et à la SAS Cabinet Boulloche, avocat de la commune d'Angervilliers ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que Mme A... B..., titulaire du grade d'attaché territorial et exerçant les fonctions de secrétaire de mairie de la commune d'Angervilliers, a saisi son employeur le 17 décembre 2012 d'une demande préalable tendant à la réparation des préjudices résultant de son placement en arrêt de travail pour accident de service à compter du 3 février 2004 et des agissements fautifs de son employeur, constitutifs de faits de harcèlement moral et de manquements à son obligation de prévention et de protection, résultant d'une attitude délibérément malveillante à son égard. Le maire d'Angervilliers a rejeté sa demande par une décision du 14 février 2013. Par un jugement du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la requête de Mme B... tendant à la condamnation de la commune d'Angervilliers à lui verser la somme de 175 514 euros au titre de certaines primes, la somme de 208 669 euros au titre du préjudice résultant de la perte de ses indemnités perçues à raison de ses activités accessoires exercées au sein du syndicat intercommunal d'adduction d'eau potable de la région d'Angervilliers (SIAEP) et au Centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune d'Angervilliers, ainsi que la somme de 75 000 euros au titre de la perte de chance et de son préjudice professionnel. Mme B... s'est pourvue en cassation contre l'arrêt du 28 novembre 2018 par lequel la cour administrative de Versailles a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement et l'a condamnée à verser au Trésor public une amende de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 741-12 du code de justice administrative. Par une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission du pourvoi en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur les indemnités accessoires et l'amende pour recours abusif.

Sur l'exception de chose jugée opposée par la commune :

2. Le tribunal administratif de Versailles, par un jugement du 1er juillet 2009, a rejeté la demande de Mme B... tendant à la condamnation de la commune d'Angervilliers à l'indemniser de la perte de ses rémunérations accessoires pour les fonctions qu'elle exerçait au sein du CCAS de la commune et du SIAEP causée par l'éviction illégale de ses fonctions. La cour administrative d'appel de Versailles, par un arrêt du 2 février 2012, devenu définitif, a confirmé ce jugement.

3. La commune d'Angervilliers soutient que l'autorité relative de la chose jugée s'oppose à ce que Mme B... puisse à nouveau demander sa condamnation à l'indemniser pour la perte de ses rémunérations accessoires. Toutefois, le fait générateur du préjudice invoqué par Mme B..., constitué d'agissements fautifs de harcèlement moral et de manquements à l'obligation de prévention et de protection, est distinct de celui invoqué à l'appui de sa précédente demande indemnitaire, qui était fondée sur un motif tiré de l'illégalité de son éviction. Il s'ensuit que l'exception de chose jugée invoquée par la commune d'Angervilliers à l'appui de ses conclusions tendant au rejet du pourvoi de Mme B... ne peut être accueillie.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice lié à la perte des indemnités qui lui étaient versées au titre de ses activités accessoires :

4. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou atteints de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment de sa demande indemnitaire préalable, que Mme B... a demandé l'indemnisation du préjudice de perte des rémunérations accessoires perçues pour les fonctions exercées au sein du CCAS et du SIAEP en raison de son incapacité de travail en soutenant que celle-ci résulte des agissements de harcèlement moral commis par la commune d'Angervilliers.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a regardé les conclusions de Mme B... comme sollicitant la condamnation de la commune d'Angervilliers à l'indemniser des préjudices résultant des décisions prises par les organes dirigeants du CCAS et du SIAEP et les a rejetées comme étant mal dirigées.

7. En ne recherchant pas si les agissements fautifs de la commune d'Angervilliers n'étaient pas de nature à engager sa responsabilité de droit commun ouvrant droit à la réparation intégrale du préjudice subi par Mme B..., y compris la perte des rémunérations accessoires qu'elle percevait pour les fonctions exercées au sein du CCAS et du SIAEP, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'erreur de droit. Dès lors, il y a lieu de l'annuler en tant qu'il a statué sur le préjudice lié à la perte de rémunération liée aux activités accessoires.

Sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel en tant qu'il a infligé à Mme B... une amende pour recours abusif :

8. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

9. Eu égard à l'objet de la requête de Mme B... et aux moyens qui y étaient développés, la cour administrative d'appel de Versailles l'a inexactement qualifiée d'abusive. Son arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il a condamné Mme B... à une amende pour recours abusif.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10 Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Angervillers la somme de 3 000 euros à verser à Mme B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 28 novembre 2019 est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les indemnités accessoires et l'amende pour recours abusif.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : La commune d'Angervilliers versera à Mme B... une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Angervilliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la commune d'Angervilliers.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 octobre 2021 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 22 novembre 2021.

Le Président :

Signé : M. Stéphane Verclytte

La rapporteure :

Signé : Mme Rose-Marie Abel

La secrétaire :

Signé : Mme C... D...


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 438056
Date de la décision : 22/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 nov. 2021, n° 438056
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rose-Marie Abel
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : CABINET BRIARD ; SAS CABINET BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:438056.20211122
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