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17/11/2021 | FRANCE | N°450548

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 17 novembre 2021, 450548


Vu la procédure suivante :

La société Etablissements Garcin Frères a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge partielle des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la commune de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence). Par un jugement n° 1802814 du 15 janvier 2021, le magistrat désigné par le président de ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance concernant la cotisa

tion relative à l'année 2016, a prononcé la décharge partielle des cotisations...

Vu la procédure suivante :

La société Etablissements Garcin Frères a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge partielle des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la commune de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence). Par un jugement n° 1802814 du 15 janvier 2021, le magistrat désigné par le président de ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance concernant la cotisation relative à l'année 2016, a prononcé la décharge partielle des cotisations établies au titre des années 2013 à 2015 pour des montants respectifs de 7 348 euros, 7 410 euros et 7 480 euros.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mars et 17 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Etablissements Garcin Frères ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 octobre 2021, présentée par la société Etablissements Garcin Frères ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Etablissements Garcin Frères a été assujettie à des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la commune de Manosque (Alpes de Haute-Provence). A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la cotisation foncière des entreprises, l'administration fiscale a estimé que valeur locative de l'immeuble en cause devait être déterminée non pas selon les dispositions de l'article 1498 du code général des impôts qui avaient été appliquées, mais selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du même code pour les établissements industriels. L'administration a par ailleurs informé la société par courrier du 14 novembre 2016 de son intention de tirer les conséquences de cette correction du mode d'évaluation sur la taxe foncière sur les propriétés bâties établie au titre des années 2013 à 2016. Elle s'est cependant bornée à émettre un rôle particulier de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de la seule année 2016 pour un montant de 22 654 euros, dont elle a au demeurant prononcé le dégrèvement en cours d'instance contentieuse devant le tribunal administratif de Marseille. L'administration a par ailleurs rejeté comme tardive la réclamation contentieuse formées par la société Etablissements Garcin Frères tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge au titre des années 2013 à 2016. La société a contesté ces impositions devant le tribunal administratif de Marseille. Par un jugement du 15 janvier 2021, le magistrat désigné par le président de ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance pour un montant total de 7 599 euros au titre de la cotisation primitive de l'année 2016, a prononcé la décharge partielle des cotisations afférentes aux années 2013 à 2015 pour des montants respectifs de 7 348 euros, 7 410 euros et 7 480 euros. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre les articles 2 et 3 de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 1406 du code général des impôts : " Les constructions nouvelles, ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties, sont portés par les propriétaires à la connaissance de l'administration, dans les quatre-vingt-dix jours de leur réalisation définitive et selon les modalités fixées par décret. Il en est de même pour les changements d'utilisation des locaux mentionnés au I de l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010. (...) ". L'article L. 175 du livre des procédures fiscales dispose que : " En ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe d'habitation et les taxes annexes établies sur les mêmes bases, les omissions ou les insuffisances d'imposition peuvent être réparées à toute époque lorsqu'elles résultent du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties mentionnées aux articles 1406 et 1502 du code général des impôts ". Selon l'article 1508 du code général des impôts : " Les rectifications pour insuffisances d'évaluation résultant du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties prévues aux articles 1406 et 1502, font l'objet de rôles particuliers jusqu'à ce que les bases rectifiées soient prises en compte dans les rôles généraux. / Les cotisations afférentes à ces rehaussements sont calculées d'après les taux en vigueur pour l'année en cours. Sans pouvoir être plus que quadruplées, elles sont multipliées : / - soit par le nombre d'années écoulées depuis la première application des résultats de la révision ; / - soit par le nombre d'années écoulées depuis le 1er janvier de l'année suivant celle de l'acquisition ou du changement, s'il s'agit d'un immeuble acquis ou ayant fait l'objet de l'un des changements visés à l'article 1517 depuis la première application des résultats de la révision ". Enfin, aux termes de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales, relatif au délai général de réclamation imparti au contribuable : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes, doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant, selon le cas : / a) L'année de mise en recouvrement du rôle (...) ", tandis que l'article R. 196-3 du même livre dispose que : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. "

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a mis en œuvre, au titre de l'année 2016, les dispositions combinées des articles L. 175 du livre des procédures fiscales et 1508 du code général des impôts, et a assujetti la société Etablissements Garcin Frères, au titre de cette seule année, à une cotisation supplémentaire de taxe foncière sur les propriétés bâties dont le montant a été calculé en multipliant par quatre celui résultant de l'application au supplément d'assiette du taux applicable à l'année 2016. En procédant ainsi, l'administration fiscale ne saurait être regardée comme ayant fait usage d'un droit de reprise des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties établies au titre des années 2013 à 2015 dont le contribuable pourrait lui-même se prévaloir au titre de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Il suit de là qu'en déduisant de la circonstance que l'administration a mis en œuvre, au titre de l'année 2016, la procédure de rectification pour insuffisances d'évaluation résultant du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties, que la société Etablissements Garcin Frères devait être regardée comme ayant fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification au sens de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, ouvrant droit pour celle-ci au délai spécial de réclamation prévu par ces dispositions, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit.

4. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance est, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 du jugement qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. En vertu des dispositions précitées de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales, le délai de réclamation court, en ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties, à compter de la date de la mise en recouvrement jusqu'au 31 décembre de l'année suivante.

7. Il résulte de l'instruction que les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles la société Etablissements Garcin Frères a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015 ont été mises en recouvrement respectivement les 31 août 2013, 2014 et 2015. La réclamation tendant à la réduction de ces cotisations introduite le 29 décembre 2017 était ainsi tardive au regard des dispositions de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales.

8. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit, la circonstance que l'administration ait mis en œuvre, au titre de la seule année 2016, le pouvoir qu'elle tient des dispositions combinées des articles L. 175 du livre des procédures fiscales et 1508 du code général des impôts de réparer à toute époque l'omission d'imposition née du défaut de respect par le contribuable de ses obligations déclarative ne saurait être regardée comme la mise en œuvre d'une procédure de reprise des cotisations établies au titre des années antérieures, permettant au contribuable de se prévaloir du délai spécial de réclamation prévu par l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales. Ne saurait davantage lui permettre de s'en prévaloir la seule circonstance que l'administration lui a indiqué, dans le courrier du 14 novembre 2016 par lequel elle l'informait de l'émission d'un rôle particulier au titre de l'année 2016, qu'elle entendait tirer les conséquences " sur la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties relative aux années 2013, 2014, 2015 et 2016 " des rectifications intervenue en matière de cotisation foncière des entreprises, ces indications ne pouvant être regardées comme traduisant la mise en œuvre d'une procédure de reprise des impositions relatives aux années 2013 à 2015.

9. Il résulte de ce qui précède que la demande de la société Etablissements Garcin Frères ne peut qu'être rejetée. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du 15 janvier 2021 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.

Article 2 : La demande de la société Etablissements Garcin Frères et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre l'économie, des finances et de la relance et à la société Etablissements Garcin Frères.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 septembre 2021 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat et Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 17 novembre 2021.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Ophélie Champeaux

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 450548
Date de la décision : 17/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 nov. 2021, n° 450548
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:450548.20211117
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