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15/11/2021 | FRANCE | N°443190

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 15 novembre 2021, 443190


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Repass Chic Management a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2011 au 28 février 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos les 30 septembre 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1603423 du 20 février 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n

° 18NT001739 du 31 mars 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'a...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Repass Chic Management a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2011 au 28 février 2015 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos les 30 septembre 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1603423 du 20 février 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT001739 du 31 mars 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Repass Chic Management contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 23 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Repass Chic Management demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Repass Chic Management ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Repass Chic Management exerce une activité de retouches et de blanchisserie à Orléans. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2011 au 28 février 2015 ainsi qu'à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 septembre 2012, 2013 et 2014. Après rejet de sa réclamation préalable, la société a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge de ces rappels et impositions supplémentaires, ainsi que des pénalités correspondantes. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mars 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement du 20 février 2018 rejetant sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Une proposition de rectification doit, pour être régulière, être effectuée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l'administration fiscale. En cas de changement de domicile, il appartient à celui-ci d'établir qu'il a fait les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse.

3. L'article L. 123-9 du code de commerce, relatif à la tenue du registre du commerce et des sociétés, dispose : " La personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s'en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre. / En outre, la personne assujettie à un dépôt d'actes ou de pièces en annexe au registre ne peut les opposer aux tiers ou aux administrations, que si la formalité correspondante a été effectuée. Toutefois, les tiers ou les administrations peuvent se prévaloir de ces actes ou pièces. / Les dispositions des alinéas précédents sont applicables aux faits ou actes sujets à mention ou à dépôt même s'ils ont fait l'objet d'une autre publicité légale. Ne peuvent toutefois s'en prévaloir les tiers et administrations qui avaient personnellement connaissance de ces faits et actes ". Il résulte de ces dispositions que les faits ou actes qui doivent être mentionnés au registre du commerce et des sociétés ou déposés en annexe à ce registre ne sont opposables aux administrations que s'ils ont été régulièrement publiés au registre du commerce et des sociétés, même s'ils ont fait l'objet d'une autre publicité légale. Ces mêmes faits ou actes sont toutefois opposables aux administrations qui en ont eu personnellement connaissance, alors même que les faits ou actes en cause n'auraient pas fait l'objet de la formalité correspondante.

4. Aux termes de l'article R. 123-53 du code de commerce, relatif aux déclarations incombant aux personnes morales tenues à immatriculation au registre du commerce et des sociétés : " Dans sa demande d'immatriculation, la société déclare, en ce qui concerne la personne morale : (...) / 4° L'adresse de son siège social ; ". Aux termes de l'article R. 123-66 du même code : " Toute personne morale immatriculée demande une inscription modificative dans le mois de tout fait ou acte rendant nécessaire la rectification ou le complément des énonciations prévues aux articles R. 123-53 et suivants ". En vertu de l'article R. 123-155 de ce même code, une immatriculation au registre ou sa modification donne lieu à l'insertion d'un avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'administration fiscale a, par lettre recommandée avec accusé de réception, adressé à la société Repass Chic Management le pli contenant la proposition de rectification du 6 novembre 2015 au 4, rue du Faubourg Madeleine à Orléans, qui constituait la dernière adresse que celle-ci lui avait communiquée ainsi que, par ailleurs, celle de son siège social.

6. Pour soutenir qu'elle avait, préalablement à l'envoi de cette proposition, accompli les diligences nécessaires afin d'informer l'administration fiscale de sa nouvelle adresse, située dans la même commune au 98, rue du Faubourg Saint-Vincent, la société s'est notamment prévalue de ce qu'elle y avait transféré son siège social et qu'en application de l'article L. 123-9 du code de commerce, ce transfert était opposable à l'administration dès sa publication, le 30 octobre 2015, au registre du commerce et des sociétés, de sorte que l'administration ne pouvait régulièrement lui notifier la proposition de rectification à l'adresse de son ancien siège social.

7. Pour écarter ce moyen, la cour s'est fondée sur ce que la modification du siège social au registre du commerce et des sociétés n'était pas opposable à l'administration faute d'avoir fait l'objet d'une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de la lettre même de l'article L. 123-9 du code de commerce que l'opposabilité aux tiers de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés et des modifications qu'il prévoit n'est pas subordonnée à leur mention au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, laquelle est seulement prévue à l'article R. 123-155 du même code à des fins de publicité du registre, la cour a commis une erreur de droit.

8. Toutefois, pour être régulière, la notification d'une proposition de rectification à une société doit être effectuée, non pas à l'adresse de son siège social, mais à la dernière adresse communiquée par elle à l'administration fiscale.

9. Par suite, la circonstance qu'une société aurait régulièrement modifié l'adresse de son siège social par une inscription modificative au registre du commerce et des sociétés ne saurait, par elle-même, être regardée comme constituant une diligence de nature à informer l'administration fiscale de ce que la société entendait être contactée à cette nouvelle adresse. Ainsi, l'argumentation mentionnée au point 6 était inopérante au soutien de la contestation de la régularité de la notification de la proposition de rectification. Il y a lieu, sur ce point, de substituer ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, à celui sur lequel la cour s'est fondée.

10. Pour les mêmes motifs, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que la société ne pouvait utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle aurait déposé dès le 30 octobre 2015 le dossier relatif à son changement de siège social auprès du centre de formalités des entreprises et que celui-ci n'aurait procédé qu'avec retard à la transmission, qui lui incombait, de cette information à l'administration fiscale.

11. Enfin, c'est en portant sur les faits une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a estimé que l'adresse du 98, rue du Faubourg Saint-Vincent à Orléans était celle d'un établissement secondaire de la société Repass Chic Management à la date d'envoi par l'administration, à cette adresse, d'un avis d'imposition à la cotisation foncière des entreprises daté du 15 octobre 2015 et reçu le 30 octobre suivant, et que l'utilisation d'une telle adresse par l'administration fiscale n'était pas, à elle seule, suffisante pour établir que la société aurait, ainsi qu'elle le soutenait, adressé le 27 octobre 2015 un courrier à l'administration fiscale pour l'informer de son changement d'adresse.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Repass Chic Management n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par la société Repass Chic Management.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Repass Chic Management est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Repass Chic Management et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 octobre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. I... C..., M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. G... K..., M. H... F..., M. D... J..., M. A... L..., Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur-rapporteur.

Rendu le 15 novembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Charles-Emmanuel Airy

La secrétaire :

Signé : Mme B... E...


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 443190
Date de la décision : 15/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2021, n° 443190
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles-Emmanuel Airy
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:443190.20211115
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