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15/11/2021 | FRANCE | N°431323

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 15 novembre 2021, 431323


Vu la procédure suivante :

La société civile de construction vente (SCCV) Ilot de Vigny a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la réduction de la taxe locale d'équipement, de la taxe départementale pour le financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement et de la taxe départementale des espaces naturels sensibles, ainsi que la décharge de la redevance d'archéologie préventive, auxquelles elle a été assujettie à raison d'un permis de construire délivré le 5 juin 2012 par le maire de la commune de Divonne-les-Bains. Par un jugement

n° 1704164 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon lui a d...

Vu la procédure suivante :

La société civile de construction vente (SCCV) Ilot de Vigny a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la réduction de la taxe locale d'équipement, de la taxe départementale pour le financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement et de la taxe départementale des espaces naturels sensibles, ainsi que la décharge de la redevance d'archéologie préventive, auxquelles elle a été assujettie à raison d'un permis de construire délivré le 5 juin 2012 par le maire de la commune de Divonne-les-Bains. Par un jugement n° 1704164 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon lui a donné acte du désistement de ses conclusions relatives à la redevance d'archéologie préventive et a rejeté le surplus de sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juin et 29 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCCV Ilot de Vigny demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit au surplus de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Divonne-les-Bains la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 29 octobre 2021, présentée pour la SCCV Ilot de Vigny.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SCCV Ilot De Vigny et à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la commune de Divonne-les-Bains ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 29 octobre 2021, présentée pour la SCCV Ilot de Vigny.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 5 juin 2012, le maire de la commune de Divonne-les-Bains (Ain) a délivré à la société Integrande un permis de construire en vue de l'édification d'un ensemble immobilier et un parking public souterrain, d'une surface hors œuvre nette autorisée de 2 804 m². Par un arrêté du maire en date du 6 novembre 2012, ce permis de construire a été transféré à la société civile de construction vente (SCCV) Ilot de Vigny. Le 9 octobre 2013, la société a cédé à la société d'économie mixte de construction du département de l'Ain, en vue de la création de logements sociaux, de quinze lots à usage d'habitation et de douze lots à usage de parking au sein de l'ensemble immobilier en cours de construction, représentant une surface hors œuvre nette de 1 144 m². La SCCV Ilot de Vigny se pourvoit en cassation contre le jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après lui avoir donné acte de son désistement en ce qui concerne les conclusions de sa demande relatives à la redevance d'archéologie préventive, a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe locale d'équipement, de taxe départementale pour le financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement et de taxe départementale des espaces naturels sensibles auxquelles elle a été assujettie à raison du permis de construire délivré le 5 juin 2012.

Sur la fraction des impositions en litige se rattachant aux logements autres que les logements sociaux :

2. Aux termes de l'article 1585 D du code général des impôts relatif à la taxe locale d'équipement, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande de permis de construire : " I. - L'assiette de la taxe est constituée par la valeur de l'ensemble immobilier comprenant les terrains nécessaires à la construction et les bâtiments dont l'édification doit faire l'objet de l'autorisation de construire. / Cette valeur est déterminée forfaitairement en appliquant à la surface de plancher développée hors œuvre une valeur au mètre carré variable selon la catégorie des immeubles. / A compter du 1er janvier 2007, cette valeur est la suivante : / (...) 5° Locaux d'habitation à usage de résidence principale et leurs annexes, par logement : / a) Pour les 80 premiers mètres carrés de surface hors œuvre nette : 333 euros / b) De 81 à 170 mètres carrés : 487 euros (...) " (...) ; / 7° Parties des locaux à usage d'habitation principale et leurs annexes, autres que ceux entrant dans les 2e et 4e catégories et dont la surface hors œuvre nette excède 170 mètres carrés : 640 euros (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'assiette de la taxe locale d'équipement applicable aux locaux d'un immeuble collectif et à ses annexes doit être déterminée en appliquant à la surface moyenne des logements composant l'immeuble les tranches du barème définies respectivement aux a et b du 5° et au 7°, puis en multipliant le résultat obtenu par le nombre de logements.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société requérante soutenait que l'assiette de la taxe locale d'équipement devait être calculée en faisant uniquement application de la première tranche du barème définie au a du 5° du I de l'article 1585 D du code général des impôts, dès lors que la surface moyenne des 38 logements était inférieure à 81 mètres carrés. Le tribunal administratif de Lyon a écarté ce moyen en jugeant que les valeurs forfaitaires applicables en application de ces dispositions devaient être déterminées en fonction de la surface de chacun des logements pris individuellement. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en statuant par ces motifs, le tribunal a commis une erreur de droit.

Sur la fraction des impositions en litige se rattachant aux logements sociaux :

En ce qui concerne la taxe locale d'équipement et la taxe des espaces naturels sensibles :

4. Aux termes du II de l'article 1585 C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Le conseil municipal peut renoncer à percevoir, en tout ou partie, la taxe locale d'équipement sur les locaux à usage d'habitation édifiés pour leur compte ou à titre de prestataire de services par les organismes mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et par les sociétés d'économie mixte définies par la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 modifiée, par le titre II du livre V de la Première Partie du code général des collectivités territoriales et par les articles L. 2253-2 et L. 2542-28 du code précité ou celles à capitaux publics majoritaires réalisant des locaux à usage d'habitation principale financés à titre prépondérant au moyen de prêts ouvrant droit au bénéfice des dispositions prévues au titre V du livre III du code de la construction et de l'habitation. " Aux termes du vingt-quatrième alinéa de l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le conseil général peut exonérer de la taxe départementale des espaces naturels sensibles, les locaux à usage d'habitation principale édifiés pour leur compte ou à titre de prestation de services par les organismes mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et par les sociétés d'économie mixte définies par la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 ou celles à capitaux publics majoritaires réalisant des locaux à usage d'habitation principale financés à titre prépondérant au moyen de prêts ouvrant droit au bénéfice des dispositions prévues au titre V du livre III du code de la construction et de l'habitation. "

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

6. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif a jugé que la SCCV Ilot de Vigny ne pouvait se prévaloir de l'exonération de taxe locale d'équipement et de taxe départementale des espaces naturels sensibles, applicable aux logements sociaux et définie respectivement au II de l'article 1585 C du code général des impôts et à l'article L. 142-2 du code de l'urbanisme, au motif que la requérante s'était abstenue de produire la délibération de la commune instituant cette exonération. En statuant par ces motifs, alors qu'il incombait au tribunal de recourir à une mesure d'instruction pour obtenir communication, le cas échéant, de cette délibération, et alors au surplus que l'exonération de taxe départementale des espaces naturels sensibles ne pouvait résulter que d'une décision du conseil général, la cour a méconnu son office et commis une erreur de droit.

En ce qui concerne la taxe départementale pour le financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement :

7. D'une part, aux termes du I bis de l'article 1585 D du code général des impôts relatif à la taxe locale d'équipement, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande de permis de construire : " Lorsque des locaux sont acquis par les organismes et sociétés ou au moyen d'un prêt mentionnés au 4° du tableau du I, dans le cadre d'un contrat prévu par l'article 1601-3 du code civil et régi par les articles L. 261-10 à L. 261-22 du code de la construction et de l'habitation, leurs constructions peuvent bénéficier, sur demande du constructeur, du tarif réduit prévu au même 4°. Dans ce cas, la taxe est liquidée à nouveau sur la base de ce tarif et la fraction éventuellement recouvrée en excès est remboursée. La demande du constructeur peut être formulée dès la conclusion d'un contrat prévu à l'article L. 261-10 ou L. 261-15 du même code, sans excéder un délai de trente-six mois à compter de la demande de permis de construire ". Aux termes de l'article 1599 B du même code, dans sa rédaction applicable au litige, la taxe pour le financement des dépenses des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement est assise et recouvrée selon les mêmes modalités et sous les mêmes sanctions que la taxe locale d'équipement.

8. D'autre part, l'article 1585 D du code général des impôts a été abrogé par le 1° du A du III de l'article 28 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010. Aux termes du 2 du H du même III, les dispositions de ce 1° " entrent en vigueur au 1er mars 2012 et sont applicables aux demandes d'autorisations et aux déclarations préalables déposées à compter du 1er mars 2012, y compris aux modifications ultérieures au 1er mars 2012 relatives à une demande ou déclaration préalable déposée avant cette date ". Par suite, les dispositions du I bis de l'article 1585 D qui autorisent le constructeur, sur sa demande et dans les conditions qu'il fixe, à bénéficier du tarif réduit prévu au 4° du I, lorsque les locaux en litige sont acquis par les organismes et sociétés ou au moyen d'un prêt mentionné au même 4°, demeurent applicables aux permis de construire déposés avant le 1er mars 2012.

9. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le permis de construire en litige avait fait l'objet d'une demande d'autorisation déposée le 13 décembre 2011 et complétée le 9 février 2012. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 qu'en jugeant que la société requérante n'était pas fondée à invoquer le bénéfice des dispositions précitées du I bis de l'article 1585 D du code général des impôts au motif qu'elles avaient été abrogées au 1er mars 2012 et n'étaient plus applicables au litige, le tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen du pourvoi tiré de l'invocation de la doctrine administrative, que la SCCV Ilot de Vigny est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SCCV Ilot de Vigny au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette société qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 par la SCCV Ilot de Vigny et par la commune de Divonne-les-Bains sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile de construction vente Ilot de Vigny, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Divonne-les-Bains.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 octobre 2021 où siégeaient : M. Frédéric Aladjidi, président de chambre, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 15 novembre 2021.

Le président :

Signé : M. Frédéric Aladjidi

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Agnoux

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 431323
Date de la décision : 15/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2021, n° 431323
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP BOUTET-HOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:431323.20211115
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