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10/11/2021 | FRANCE | N°455115

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 10 novembre 2021, 455115


Vu la procédure suivante :

Mme C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 16 avril 2021 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire. Par une ordonnance n° 2106084 du 16 juillet 2021, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, deux mémoires complémentaires et un mémoire

en réplique, enregistrés les 31 juillet, 24 septembre, 29 septembre et 12 oct...

Vu la procédure suivante :

Mme C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 16 avril 2021 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire. Par une ordonnance n° 2106084 du 16 juillet 2021, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 juillet, 24 septembre, 29 septembre et 12 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges de réexaminer, sans délai, sa situation aux fins de la placer dans une position régulière, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme B... et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve Saint Georges.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 octobre 2021, présentée par Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme B..., praticien hospitalier recrutée en 2009 par le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges pour accomplir des fonctions de biologiste des hôpitaux au sein du laboratoire de biologie médicale de l'établissement, a fait l'objet, à la suite d'une décision de réintégration dans le service, d'une décision du 16 avril 2021 de la directrice générale du centre hospitalier la suspendant de ses fonctions à titre provisoire, estimant que cette réintégration effective était de nature à perturber gravement le fonctionnement du service. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 16 juillet 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de la décision du 16 avril 2021.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. En premier lieu, en vertu de l'article R. 522-11 du code de justice administrative, l'ordonnance du juge des référés porte les mentions définies au chapitre 2 du titre IV du livre VII du même code. Aux termes des dispositions de l'article R. 742-2 du code de justice administrative : " Les ordonnances mentionnent le nom des parties, l'analyse des conclusions ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application. / Elles font apparaître la date à laquelle elles ont été signées (...) ". Aucune règle ni aucune disposition propre aux ordonnances n'impose que soient mentionnées de façon détaillée les pièces produites, même celles enregistrées après la clôture d'instruction. Par suite, Mme B... ne peut utilement soutenir que l'ordonnance attaquée serait irrégulière en ce qu'elle ne vise pas de manière distincte la pièce qu'elle a produite après la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience publique du 7 juillet 2021.

3. En second lieu, dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge des référés a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre son ordonnance. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge des référés doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de son ordonnance.

4. La requérante soutient que l'ordonnance qu'elle attaque serait entachée d'irrégularité faute pour le juge des référés d'avoir rouvert l'instruction à la suite de la pièce et du mémoire qu'elle a produits les 15 et 16 juillet 2021, soit après la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience publique, faisant notamment état, au soutien de son argumentation, de l'ordonnance du 6 juillet 2021 du président de la 5ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat ayant rejeté la requête du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qui a prononcé une astreinte de 200 euros par jour de retard à l'encontre du centre hospitalier en l'absence d'exécution, dans le délai d'un mois, de l'injonction retenue par le jugement du 25 janvier 2018 du tribunal administratif de Melun. Toutefois, cette ordonnance ne peut être regardée ni comme une circonstance de fait ni comme un élément de droit dont l'intéressée n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui aurait été susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Par suite, ce moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée, sur ce point, doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

6. La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

7. En premier lieu, l'abstention d'une autorité administrative de satisfaire aux obligations résultant d'une décision juridictionnelle ne crée pas, par elle-même, une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Par suite, le juge des référés, en appréciant concrètement si les effets de la décision contestée du 16 avril 2021 étaient de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête de Mme B... au fond, l'exécution de la décision soit suspendue, sans présumer satisfaite la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative, n'a pas, contrairement à ce que soutient la requérante, commis d'erreur de droit.

8. En second lieu, en estimant que, bien que la suspension de Mme B... ait pu l'affecter psychologiquement, cette mesure, ayant un caractère conservatoire et ne la privant pas du versement de son traitement, était de nature, compte tenu notamment des tensions que sa réintégration serait susceptible d'entraîner, à faire regarder la condition d'urgence, laquelle doit s'apprécier objectivement et globalement, comme n'étant pas remplie, le juge des référés, qui a suffisamment motivé son ordonnance sur ce point, a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et n'a pas commis d'erreur de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque. Son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande, au même titre, le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B... et au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 octobre 2021 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, assesseur, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d'Etat et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur.

Rendu le 10 novembre 2021.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. A... D...


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 455115
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2021, n° 455115
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:455115.20211110
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