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09/11/2021 | FRANCE | N°441294

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 09 novembre 2021, 441294


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juin et 17 septembre 2020 et le 26 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des syndicats des personnels des affaires culturelles CGT (CGT Culture) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la fiche diffusée par la ministre de la culture le 17 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés au titre de la période d'urgence sanitaire ;

2°) de mettre à la char

ge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de jus...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juin et 17 septembre 2020 et le 26 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des syndicats des personnels des affaires culturelles CGT (CGT Culture) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la fiche diffusée par la ministre de la culture le 17 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés au titre de la période d'urgence sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020 ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2021, présentée par l'Union des syndicats des affaires culturelles CGT-Culture ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseillère d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique;

Considérant ce qui suit :

1. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français à compter du début de l'année 2020 ont conduit les pouvoirs publics à prendre diverses mesures de lutte contre l'épidémie. Par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l'épidémie de covid-19, le Premier ministre a interdit, à compter du lendemain midi, le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d'exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées. Dans le même temps, l'activité de nombreuses administrations a été réduite aux missions les plus essentielles dans le cadre de la mise en œuvre de plans de continuité d'activité, les agents dont la présence sur leur lieu de travail n'était pas nécessaire à cette fin étant invités à télétravailler ou, en cas d'impossibilité, placés en autorisation spéciale d'absence. Par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a été déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national. L'article 11 de la même loi a autorisé le Gouvernement, pendant trois mois, à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, diverses mesures relevant du domaine de la loi afin de faire face aux conséquences de l'épidémie.

2. Sur le fondement de cette habilitation, le Gouvernement a pris l'ordonnance du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale au titre de la période d'urgence sanitaire, qui intervient dans le domaine de la loi en ce qu'elle impose aux agents en autorisation spéciale d'absence, à titre rétroactif, de prendre cinq jours de réduction du temps de travail au titre de la période comprise entre le 16 mars et le 16 avril 2020. L'Union des syndicats des personnels des affaires culturelles CGT demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la fiche prise par la ministre de la culture le 17 avril 2020 pour présenter et expliciter l'application, pour la période postérieure, des dispositions de cette ordonnance aux agents des services placés sous son autorité. Cette fiche est susceptible de produire des effets notables sur l'exercice de leurs droits par les agents. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la ministre de la culture, elle peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

3. En premier lieu, la fiche attaquée ne peut être regardée comme un texte qui, emportant des conséquences directes et significatives sur l'organisation ou le fonctionnement des services, aurait dû être soumis au comité technique du ministère de la culture en application de l'article 34 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce que la fiche attaquée aurait été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'une consultation préalable de ce comité, ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, l'ordonnance du 15 avril 2020 présentée par la fiche attaquée intervient dans le domaine réglementaire en ce qui concerne la période, seule couverte par la fiche, allant du 17 avril 2020 au terme de l'état d'urgence sanitaire ou à la date, si elle est antérieure, de reprise du service dans des conditions normales. Cette ordonnance ne modifie pas le nombre de jours de réduction du temps de travail et de congés annuels auxquels ont droit les agents concernés mais se borne à leur imposer de prendre un congé au cours de la période d'état d'urgence sanitaire. Si la requérante fait valoir que cette mesure n'est pas nécessaire pour garantir la disponibilité des agents lors de la reprise d'activité dans des conditions normales, dès lors que l'autorité administrative peut toujours refuser des congés dans l'intérêt du service, l'ordonnance vise à tenir compte des besoins du service au cours de la période d'état d'urgence sanitaire et à diminuer le nombre de jours susceptibles d'être pris au moment de la reprise. Ainsi, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que l'ordonnance présentée serait pour ce motif entachée d'illégalité doit être écarté.

5. En troisième lieu, les différences faites par l'ordonnance du 15 avril 2020 entre les agents en télétravail et ceux présents sur leur lieu de travail sont en rapport direct avec l'objectif poursuivi, consistant à adapter le calendrier des congés des agents aux conditions dans lesquelles ils ont exercé leurs fonctions au cours de la période d'état d'urgence sanitaire, et ne sont pas manifestement disproportionnées au regard des différences de situation susceptibles de les justifier. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que l'ordonnance présentée méconnaîtrait le principe d'égalité doit être écarté.

6. En quatrième lieu, la fiche attaquée, après avoir rappelé le contenu des dispositions de l'ordonnance du 15 avril 2020, demande, compte tenu de la " doctrine bienveillante dans le cadre de la définition de la situation des agents pendant la période d'urgence sanitaire " ayant conduit à considérer " en travail à distance les agents en situation de répondre à des commandes de la hiérarchie, même lorsque leur capacité effective à y répondre était bien moindre par rapport à une situation normale (...), à l'ensemble des agents en travail à distance de poser 5 jours de congé ou de RTT au titre de la période allant du 17 avril à la fin de l'urgence sanitaire, soit à ce stade le 24 mai ". Ce faisant, elle n'a ni pour objet ni pour effet de priver le chef de service de son pouvoir d'apprécier les nécessités de service pour prendre la décision d'imposer aux agents concernés de prendre cinq jours de réduction du temps de travail ou, à défaut, de congés annuels au cours de la période considérée, ainsi que le prévoit l'article 2 de l'ordonnance du 15 avril 2020. Par suite, elle ne méconnaît ni le sens ni la portée des dispositions de cette ordonnance et la ministre, qui n'avait pas, contrairement à ce qui est soutenu, à définir les conditions de prise en compte des nécessités de service et qui n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, était compétente pour la prendre.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de l'Union des syndicats requérant, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'Union des syndicats des personnels des affaires culturelles (CGT Culture) est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union des syndicats des personnels des affaires culturelles CGT (CGT Culture) et à la ministre de la culture.

Copie en sera adressée à la ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 octobre 2021 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseillère d'Etat-rapporteure et M. Damien Botteghi, conseiller d'Etat.

Rendu le 9 novembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 441294
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2021, n° 441294
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli

Origine de la décision
Date de l'import : 11/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:441294.20211109
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