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09/11/2021 | FRANCE | N°434288

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 09 novembre 2021, 434288


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée Logis de Berri a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le département de Paris à lui verser la somme de 231 236,42 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité des décisions du président du conseil de Paris refusant de prendre en charge Louise C... en qualité de jeune majeur au titre de l'aide sociale à l'enfance. Par un jugement n° 1719901 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et

un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 4 décembre 2019 au s...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée Logis de Berri a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner le département de Paris à lui verser la somme de 231 236,42 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité des décisions du président du conseil de Paris refusant de prendre en charge Louise C... en qualité de jeune majeur au titre de l'aide sociale à l'enfance. Par un jugement n° 1719901 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 4 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Logis de Berri demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société à responsabilité limitée Logis de Berri et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la ville de Paris ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la jeune D... C... a été confiée à l'aide sociale à l'enfance de Paris à compter du 16 février 2010 par décisions successives du juge des enfants et a été, à ce titre, placée auprès du lieu de vie et d'accueil " Logis de Berri ". Par un jugement du 4 septembre 2012, le juge des enfants a mis fin au placement et à l'assistance éducative de Louise C... à compter du 6 septembre 2012, en raison de sa majorité. Par deux décisions des 1er juin et 1er août 2012, le département a refusé d'accorder à Louise C... un contrat " jeune majeur ". Par un jugement du 13 septembre 2013, le tribunal administratif de Paris a annulé ces deux décisions pour erreur manifeste d'appréciation. Par un arrêt du 25 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le département de Paris contre ce jugement. La société Logis de Berri se pourvoit en cassation contre le jugement du 8 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de condamnation du département de Paris à lui verser la somme totale de 231 236,42 euros en réparation du préjudice économique qu'elle estime voir subi du fait des décisions du département des 1er juin 2012 et 1er août 2012.

2. Pour rejeter la demande indemnitaire de la société Logis de Berri, le tribunal administratif a jugé que les frais d'hébergement de Louise C... et de sa fille, supportés par la société Logis de Berri, au-delà de la majorité de Louise C..., jusqu'au mois de janvier 2013, ne pouvaient être regardés comme étant en lien direct et certain avec les illégalités fautives entachant les décisions du 1er juin 2012 et du 1er août 2012 du département de Paris ayant refusé d'accorder à Louise C... un contrat de jeune majeur, d'abord en raison du refus de cette dernière de quitter le Logis de Berri pour un accueil en centre maternel avec sa fille, puis au motif que Louise C... disposait désormais d'un soutien familial suffisant. Elle a notamment retenu, pour caractériser cette absence de lien de causalité entre les fautes du département et le préjudice dont la réparation était demandée par la société, qu'aucun élément ne permettait d'établir que la société Logis de Berri aurait été désignée par le département comme centre d'accueil de Louise C... si ce dernier avait signé un contrat de jeune majeur. En se fondant sur cette circonstance pour rejeter la demande d'indemnisation dont il était saisi, alors que l'annulation pour erreur manifeste d'appréciation, par l'arrêt du 25 septembre 2014 de la cour administrative d'appel de Paris, du refus du président du conseil général de Paris d'accorder à Louise C... le bénéfice d'un contrat de jeune majeur reposait notamment sur les circonstances, ressortant des pièces du dossier, que la jeune fille avait, à la date de ce refus, déjà passé deux ans au centre de vie Logis de Berri, où elle avait fait l'objet d'un encadrement adapté lui permettant de poursuivre une scolarité tout en bénéficiant d'un soutien et d'un suivi dans l'éducation de sa fille, et qu'elle avait réaffirmé à plusieurs reprises sa volonté de rester dans le même centre de vie, eu égard tant à la stabilité qu'elle avait pu y trouver qu'aux formations qu'elle avait pu y suivre, le tribunal administratif de Paris a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la société Logis de Berri est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 3 000 euros à verser à la société Logis de Berri au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Logis de Berri, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 janvier 2016 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : La ville de Paris versera à la société Logis de Berri une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Logis de Berri et à la ville de Paris.

Délibéré à l'issue de la séance du 14 octobre 2021 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, conseillère d'Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 9 novembre 2021.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Agnès Pic

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 434288
Date de la décision : 09/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2021, n° 434288
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agnès Pic
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU ET TAPIE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:434288.20211109
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