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28/10/2021 | FRANCE | N°434676

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 28 octobre 2021, 434676


Vu la procédure suivante :

M. et Mme C... et D... E... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 5 août 2016 déclarant cessible au profit de la commune de Huismes une fraction de la parcelle cadastrée B n° 781 leur appartenant. Par un jugement n° 1603019 du 13 février 2018, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 18NT01457 du 19 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de M. et Mme E..., annulé ce jugement mais, statuant par la voie de l'évocation, rejeté l

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Vu la procédure suivante :

M. et Mme C... et D... E... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 5 août 2016 déclarant cessible au profit de la commune de Huismes une fraction de la parcelle cadastrée B n° 781 leur appartenant. Par un jugement n° 1603019 du 13 février 2018, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 18NT01457 du 19 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de M. et Mme E..., annulé ce jugement mais, statuant par la voie de l'évocation, rejeté leur demande présentée devant le tribunal administratif ainsi que le surplus des conclusions de leur requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 septembre et 28 novembre 2019 et le 16 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Huismes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. et Mme E... et au cabinet Colin - Stoclet, avocat de la commune de Huismes ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet d'Indre-et-Loire a, par un arrêté du 5 août 2016, déclaré cessible au profit de la commune de Huismes une fraction de la parcelle cadastrée B n° 781 appartenant à M. et Mme E..., dont l'acquisition était nécessaire à la réalisation d'une voie piétonne, opération déclarée d'utilité publique par un arrêté du même préfet du 28 octobre 2012. M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans l'annulation de l'arrêté de cessibilité du 5 août 2016. Le tribunal administratif a, par un jugement du 13 février 2018, rejeté cette demande. Par un arrêt du 19 juillet 2019 contre lequel M. et Mme E... se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté leur demande présentée devant le tribunal administratif ainsi que le surplus de leurs conclusions d'appel.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 132-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Les propriétés déclarées cessibles sont désignées conformément aux prescriptions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. L'identité des propriétaires est précisée conformément aux prescriptions du premier alinéa de l'article 5 ou du premier alinéa de l'article 6 de ce décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l'application du décret du 4 janvier 1955. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit indiquer, pour chacun des immeubles qu'il concerne, la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit). Le lieu-dit est remplacé par l'indication de la rue et du numéro pour les immeubles situés dans les parties agglomérées des communes urbaines. Lorsqu'il réalise ou constate une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte ou la décision doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division, sauf en cas de lotissement effectué dans le cadre de la législation sur les lotissements ou s'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre n'est pas rénové. La constitution sur une fraction de parcelle d'un droit d'usufruit, d'un droit de superficie ou d'un bail emphytéotique est considérée comme un changement de limite de propriété. / Lorsque, sans réaliser ou constater une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, il ne concerne qu'une ou plusieurs fractions d'un immeuble, l'acte ou la décision judiciaire doit comporter à la fois la désignation desdites fractions et celle de l'ensemble de l'immeuble. La désignation de la fraction est faite conformément à un état descriptif de division, ou, éventuellement, à un état modificatif, établi dans les conditions fixées par décret, et préalablement publié ; elle doit mentionner le numéro du lot dans lequel la fraction est comprise, et, sous réserve des exceptions prévues audit décret, la quote-part dans la propriété du sol afférente à ce lot. Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables lorsque l'acte ou la décision concerne soit une servitude, soit un droit d'usage ou d'habitation, soit un bail de plus de douze années. Elles sont également sans application lorsque l'acte ou la décision entraîne la suppression de la division de l'immeuble. / Les mêmes indications doivent obligatoirement figurer dans tout bordereau, extrait, expédition ou copie, déposé en vue de l'exécution de la formalité. / S'il s'agit d'immeubles situés dans les communes où le cadastre a été rénové, et faisant l'objet d'une mutation par décès, d'un acte ou d'une décision judiciaire translatif, déclaratif ou constitutif d'un droit réel susceptible d'hypothèque, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral ayant moins de six mois de date au jour de la remise au service chargé de la publicité foncière, et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre. Cet extrait ou ces documents doivent être remis au service chargé de la publicité foncière à l'appui de la réquisition de la formalité ".

3. Il résulte de l'application combinée de ces dispositions que, lorsqu'un arrêté de cessibilité déclare cessibles des parties de parcelles, ce qui implique de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que l'arrêté de cessibilité désigne les parcelles concernées conformément à leur numérotation issue de ce document. Si le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui constitue alors une garantie pour les propriétaires concernés par la procédure d'expropriation, entache d'irrégularité l'arrêté de cessibilité, il n'en résulte pas que le procès-verbal d'arpentage doive être joint à l'arrêté de cessibilité dès lors que les annexes de cet arrêté, établies d'après un document d'arpentage, délimitent avec précision la fraction expropriée de la parcelle dans sa superficie et indiquent les désignations cadastrales de cette parcelle, ainsi que sa nature, sa contenance et sa situation.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'un état parcellaire mentionnant la situation, la contenance et la désignation cadastrale du terrain initial, de l'emprise à acquérir et du surplus restant, et précisant la superficie de la surface à acquérir ainsi que celle du surplus restant, était annexé à l'arrêté de cessibilité notifié aux propriétaires de la parcelle. En jugeant, après avoir relevé ces éléments par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la circonstance que le procès-verbal d'arpentage n'ait pas été joint à l'arrêté de cessibilité notifié à M. et Mme E... n'était pas de nature à entacher d'irrégularité cet arrêté, la cour n'a, eu égard à ce qui est dit au point 3, pas commis d'erreur de droit.

5. En deuxième lieu, en jugeant souverainement, par une motivation suffisante et sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, que la différence de 8 m² constatée entre la surface à acquérir mentionnée dans le cadre de l'enquête parcellaire et celle mentionnée dans le tableau joint à l'arrêté de cessibilité n'était pas de nature à induire les propriétaires de la parcelle en erreur quant à la nature et aux conséquences de l'opération, compte tenu de la faible différence de métrage et de l'indication exacte des références cadastrales, la cour n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit. .

6. En outre et pour les mêmes motifs, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour a pu juger que cette différence n'était pas de nature à entraîner une méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social, économique ou environnemental que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

8. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'opération projetée a pour objet l'aménagement d'une " liaison douce " destinée aux piétons et aux cyclistes, dans la continuité d'un chemin piétonnier existant entre les lotissements des nouveaux quartiers de la commune et le centre-bourg, afin de permettre aux résidents des lotissements, en particulier aux enfants, d'accéder de façon plus sûre au centre-bourg et au groupe scolaire. Il en ressort également que si les rues des Tourettes et des Fontaines permettent un accès au bourg, elles sont dépourvues de trottoirs ou ont des trottoirs très étroits, sont très passantes et peu adaptées à un cheminement sécurisé des piétons, en particulier des enfants. A... en ressort enfin que l'emprise de l'expropriation porte sur une bande de terrain d'une superficie de 188 m² sur les 1 700 m² que compte la parcelle des propriétaires, et que cette bande de terrain est en friche et présente des murs d'enceintes en partie écroulés. Après avoir relevé ces divers éléments par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant, d'une part, que l'opération projetée répond à une finalité d'intérêt général et, d'autre part, que les atteintes à la propriété privée qu'elle comporte ne sont pas excessives au regard des avantages attendus de l'opération.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Par suite, leur pourvoi doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme E... une somme au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme E... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Huismes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... E..., premier requérant dénommé, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la commune de Huismes.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 septembre 2021 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 28 octobre 2021.

Le président :

Signé : M. Cyril Roger-Lacan

La rapporteure :

Signé : Mme Coralie Albumazard

La secrétaire :

Signé : Mme F... B...


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 434676
Date de la décision : 28/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 2021, n° 434676
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; CABINET COLIN - STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:434676.20211028
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