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25/10/2021 | FRANCE | N°446527

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 25 octobre 2021, 446527


Vu les procédures suivantes :

Mme C... A..., épouse D..., et M. F... D... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 11 juin 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n°s 1906015, 1906016 du 21 août 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

1° Par un arrêt n°s 20MA00226, 20MA

00227 du 10 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'...

Vu les procédures suivantes :

Mme C... A..., épouse D..., et M. F... D... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 11 juin 2019 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n°s 1906015, 1906016 du 21 août 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

1° Par un arrêt n°s 20MA00226, 20MA00227 du 10 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par Mme A..., épouse D... contre ce jugement et dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.

Sous le n° 446527, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 novembre 2020, 17 février et 12 août 2021, Mme A..., épouse D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me Didier Bouthors, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2° Par un arrêt n°s 20MA00228, 20MA00229 du 10 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. D... contre ce jugement et dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.

Sous le n° 446 529, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 novembre 2020, 17 février et 12 août 2021, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me Didier Bouthors, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Bouthors, avocat de Mme A..., épouse D..., et de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., épouse D..., et M. D... sont entrés en France le 7 juin 2017 accompagnés de leur fille, Mme G... D.... Par des arrêtés du 11 juin 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement. Par les arrêts attaqués du 10 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leurs appels dirigés contre le jugement du 21 août 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés et dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme G... D..., sourde-muette comme ses parents, a fait l'objet d'une violente agression à l'arme blanche en Ukraine en 2016, alors qu'elle était âgée de 15 ans, agression à la suite de laquelle la protection subsidiaire lui a d'ailleurs été octroyée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile. Si elle a engagé une formation en France, où elle bénéficie également d'un suivi social et psychologique, la fille de Mme A... et M. D... souffrait, à la date de la décision attaquée, de séquelles psychologiques résultant de ces événements, que la présence de ses parents permettait seule d'atténuer. En jugeant, dans ces conditions, que la décision d'éloignement de Mme A... et M. D..., ne portait pas une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour administrative d'appel de Marseille a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille doit être annulé.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, dans les circonstances de l'espèce, les arrêtés contestés du préfet des Bouches-du-Rhône ont porté une atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect leur sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, Mme A..., épouse D..., et M. D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 11 juin 2019.

8. L'exécution de la présente décision implique nécessairement d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la demande de l'intéressée tendant à la délivrance d'un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la présente décision. Il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte.

9. La présente décision statuant sur les demandes à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 août 2019 présentées par Mme A..., épouse D..., et M. D... devant la cour administrative d'appel de Marseille, les demandes qu'ils présentaient devant cette cour tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ces jugements sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

10. Mme A..., épouse D..., et M. D... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Didier Bouthors, leur avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Bouthors pour chacun des requérants.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les arrêts du 10 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille, les jugements du 21 août 2019 du tribunal administratif de Marseille et les arrêtés du 11 juin 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées par Mme A..., épouse D..., et M. D... devant la cour administrative d'appel de Marseille tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution des jugements du 21 août 2019 du tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen des demandes de Mme A..., épouse D..., et M. D... tendant à la délivrance d'un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à Me Didier Bouthors, avocat de Mme A..., épouse D... et M. D... une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C... A..., épouse D..., à M. F... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2021 où siégeaient : M. Gilles Pellissier, assesseur, présidant ; M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.

Rendu le 25 octobre 2021.

Le président :

Signé : M. Gilles Pellissier

Le rapporteur :

Signé : M. Alexis Goin

La secrétaire :

Signé : Mme B... E...


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 446527
Date de la décision : 25/10/2021
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2021, n° 446527
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexis Goin
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : BOUTHORS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:446527.20211025
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