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25/10/2021 | FRANCE | N°446498

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 25 octobre 2021, 446498


Vu la procédure suivante :

La société Egis Rail a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à la suite de la résiliation du marché de mandat de maîtrise d'ouvrage pour la réalisation de la première ligne de tramway de l'agglomération amiénoise qu'elle avait conclu avec la communauté d'agglomération Amiens Métropole, de fixer le décompte de résiliation à la somme de 648 795,15 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires capitalisés. Par un jugement n° 1602141 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.
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Vu la procédure suivante :

La société Egis Rail a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à la suite de la résiliation du marché de mandat de maîtrise d'ouvrage pour la réalisation de la première ligne de tramway de l'agglomération amiénoise qu'elle avait conclu avec la communauté d'agglomération Amiens Métropole, de fixer le décompte de résiliation à la somme de 648 795,15 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires capitalisés. Par un jugement n° 1602141 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19DA00363 du 15 septembre 2020, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la société Egis Rail contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 novembre 2020, 10 février et 25 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Egis Rail demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Amiens Métropole la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Egis Rail et au Cabinet Briard, avocat de la communauté d'agglomération Amiens Métropole ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le 27 septembre 2013, la communauté d'agglomération Amiens Métropole a confié à la société Egis Rail un mandat de maîtrise d'ouvrage afin d'assurer le suivi administratif, financier et technique des études et de la réalisation de la première ligne de tramway de l'agglomération amiénoise. Le marché, d'un montant global et forfaitaire de 10 173 880,44 euros toutes taxes comprises, était décomposé en cinq phases. Après l'exécution de la première phase relative à la finalisation des études préalables et à la désignation de la maîtrise d'œuvre, la communauté d'agglomération Amiens Métropole a informé la société Egis Rail, le 6 mai 2014, de sa décision d'arrêter la mission et de ne pas engager les phases suivantes du marché, comme le lui permettait l'article 2.4 du cahier des clauses administratives particulières du marché. Le 30 juin 2014, la société Egis Rail a transmis au maître d'ouvrage un projet de décompte de résiliation faisant apparaître un solde positif de 540 662,63 euros hors taxes intégrant des prestations demandées par le maître d'ouvrage et non prévues au contrat ainsi que des dépenses ayant résulté de la résiliation du marché. La communauté d'agglomération Amiens Métropole a rejeté ce projet de décompte. Par un jugement du 14 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de la société Egis Rail tendant à la fixation du décompte de résiliation à la somme de 648 795,15 euros. La société Egis Rail se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 septembre 2020 par lequel la cour administrative d'appel a rejeté son appel contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles approuvé par arrêté du 16 septembre 2009 auquel renvoie l'article 2.4. du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Lorsque les prestations sont scindées en plusieurs parties techniques à exécuter distinctement, le pouvoir adjudicateur peut décider, au terme de chacune de ces parties, soit de sa propre initiative, soit à la demande du titulaire, de ne pas poursuivre l'exécution des prestations, dès lors que les deux conditions suivantes sont remplies : / - les documents particuliers du marché prévoient expressément cette possibilité ; / - chacune de ces parties techniques est clairement identifiée et assortie d'un montant. / La décision d'arrêter l'exécution des prestations ne donne lieu à aucune indemnité. / L'arrêt de l'exécution des prestations entraîne la résiliation du marché. ". Aux termes de l'article 31.3 du même cahier : " Arrêt de l'exécution des prestations : Lorsque l'arrêt de l'exécution des prestations est prononcé en application de l'article 20, le pouvoir adjudicateur résilie le marché. La résiliation n'ouvre droit pour le titulaire à aucune indemnité. ". Aux termes de l'article 34.1 de ce cahier : " La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. (...) ". Aux termes de l'article 34.2 : " Le décompte de résiliation qui fait suite à une décision de résiliation prise en application des articles 31 et 33 comprend : / 34.2.1. Au débit du titulaire : / - le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de règlement partiel définitif et de solde ; / - la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer, ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ; / - le montant des pénalités. / 34.2.2. Au crédit du titulaire : / 34.2.2.1. La valeur des prestations fournies au pouvoir adjudicateur, à savoir :/ - la valeur contractuelle des prestations reçues, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; / - la valeur des prestations fournies éventuellement à la demande du pouvoir adjudicateur telles que le stockage des fournitures. / 34.2.2.2. Les dépenses engagées par le titulaire en vue de l'exécution des prestations qui n'ont pas été fournies au pouvoir adjudicateur, dans la mesure où ces dépenses n'ont pas été amorties antérieurement ou ne peuvent pas l'être ultérieurement, à savoir : /- le coût des matières et objets approvisionnés en vue de l'exécution du marché ; / - le coût des installations, matériels et outillages réalisés en vue de l'exécution du marché ; / - les autres frais du titulaire se rapportant directement à l'exécution du marché. / 34.2.2.3. Les dépenses de personnel dont le titulaire apporte la preuve qu'elles résultent directement et nécessairement de la résiliation du marché. / 34.2.2.4. Si la résiliation est prise en application de l'article 33, une somme forfaitaire calculée en appliquant un pourcentage à la différence entre le montant hors TVA non révisé du marché et le montant hors TVA non révisé des prestations réceptionnées. Dans le silence du marché, ce pourcentage est de 5 %. Le montant ainsi calculé sera révisé à la date d'effet de la résiliation conformément aux dispositions du marché. / 34.2.2.5. Plus généralement tous préjudices subis du fait de la résiliation par le titulaire et éventuellement ses sous-traitants et fournisseurs ".

3. Il résulte de ces dispositions que si la décision du pouvoir adjudicateur d'arrêter l'exécution des prestations et de résilier le marché n'ouvre aucun droit, sauf stipulation contraire du marché, au titulaire à être indemnisé des dépenses engagées pour des prestations qui n'auraient pas été fournies à l'acheteur ou des dépenses et préjudices liés à la résiliation du marché, cette décision est, en application des articles 34.1. et 34.2., au nombre des décisions de résiliation qui doivent faire l'objet d'un décompte de résiliation. Il suit de là qu'en jugeant qu'aucune des dispositions de l'article 34.2. du cahier des clauses administratives générales n'était applicable dès lors que la communauté d'agglomération Amiens Métropole avait décidé de mettre fin à l'exécution des travaux à l'issue de la première phase, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, que la société Egis Rail est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Egis Rail qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Amiens Métropole la somme de 3 000 euros à verser à la société Egis Rail au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 15 septembre 2020 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : La communauté d'agglomération Amiens Métropole versera la somme de 3 000 euros à la société Egis Rail au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par la communauté d'agglomération Amiens Métropole sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Egis Rail et à la communauté d'agglomération Amiens Métropole.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2021 où siégeaient : M. Gilles Pellissier, assesseur, présidant ; M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat et Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 25 octobre 2021.

Le président :

Signé : M. Gilles Pellissier

La rapporteure :

Signé : Mme Mélanie Villiers

La secrétaire :

Signé : Mme A... B...


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 446498
Date de la décision : 25/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2021, n° 446498
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mélanie Villiers
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:446498.20211025
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