Vu la procédure suivante :
Par une décision du 9 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de Me Jean-Patrick Funel, agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société à responsabilité (SARL) Paradis, contre l'arrêt n° 17MA02160 de la cour administrative d'appel de Marseille du 22 novembre 2019 en tant seulement que cet arrêt a statué sur les conclusions tendant à la réparation d'un préjudice résultant pour la société Paradis de sa condamnation à verser à la société Le Moorea une indemnité de 1 288 649 euros pour lui avoir consenti un bail commercial sur une dépendance du domaine public.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société Taddei Funel mandataires judiciaires et de Me Funel et à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Yacht club internationale de Saint-Laurent-du-Var ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté préfectoral du 17 avril 1975, l'exploitation du port de plaisance de la commune de Saint-Laurent-du-Var a été concédée à cette commune. Par convention du 28 novembre 1975, la commune a sous-concédé l'exploitation du port à la société anonyme Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var, dont les statuts prévoyaient que ses actions donnaient droit à leurs détenteurs à l'usage du port et à la jouissance à titre privatif d'un local à usage commercial. Le 25 mai 1977, la société à responsabilité limitée (SARL) Paradis, qui avait acquis des actions lui conférant un droit de jouissance sur les cellules n° 50 à 55, a donné à bail commercial ces six cellules à la société Serb, devenue la société Le Makai, laquelle a cédé le 10 avril 1981 son fonds de commerce, avec le droit au bail, à la société Le Moorea qui, le même jour, a conclu avec la société Paradis un avenant au bail commercial d'origine, renouvelé par actes des 20 juin 1986 et 10 octobre 1996. Par courriers des 21 mai 2001 et 30 juillet 2008, la société Paradis a demandé à la société concessionnaire du port d'établir à son profit un contrat d'amodiation au titre de ces cellules. Après rejet de sa demande, elle a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la condamnation de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var à lui verser la somme de 1 941 409 euros, majorée des intérêts de retard, en réparation des différents préjudices qu'elle estimait avoir subi de ce chef. Par un jugement du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande. Par un arrêt du 22 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel de Me Funel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Paradis, a annulé ce jugement et rejeté la demande indemnitaire présentée par la société Paradis. Le pourvoi formé contre cet arrêt par Me Funel a été admis en tant seulement qu'il a statué sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant pour la société Paradis de sa condamnation par la cour d'appel d'Aix-en-Provence à verser à la société Le Moorea une indemnité de 1 288 649 euros en réparation du préjudice résultant de la nullité du bail commercial qu'elle lui avait consenti sur le domaine public. Par la voie d'un pourvoi incident, la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var demande également l'annulation de cet arrêt.
Sur le pourvoi principal de Me Funel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Paradis :
2. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, par un arrêt du 26 février 2009, déclaré le " bail commercial " consenti par la société Paradis à la société Le Moorea nul comme portant sur des biens appartenant au domaine public, et, par un arrêt du 16 septembre 2011, condamné la société Paradis à verser à la société Le Moorea la somme de 1 288 649 € en réparation du préjudice subi par cette dernière de ce chef.
3. En rejetant la demande de la société Paradis tendant à ce que la société anonyme Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var soit condamnée à la garantir des conséquences pécuniaires de la nullité du " bail commercial " qu'elle avait ainsi conclu au seul motif qu'elle ne pouvait se prévaloir de l'existence d'un fonds de commerce dont elle aurait été propriétaire, sans rechercher si, ainsi qu'elle le soutenait, le préjudice dont elle demandait la réparation, qui ne consistait pas en la perte d'un fonds de commerce mais dans sa condamnation à raison de la conclusion d'un bail commercial au profit d'un tiers sur le domaine public, trouvait son origine directe dans la faute commise par la société anonyme Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var en l'induisant en erreur sur l'étendue des droits que la détention de ses actions lui conférait sur les dépendances domaniales qu'elle occupait ainsi que sur la possibilité de faire bénéficier un tiers, sur ces mêmes dépendances, des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, la cour s'est méprise sur les conclusions qui lui étaient soumises et a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation.
4. Il suit de là que Me Funel, agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société Paradis, est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur les conclusions de cette société tendant à la réparation du préjudice résultant de sa condamnation à verser à la société Le Moorea une indemnité de 1 288 649 euros.
Sur le pourvoi incident de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var :
5. La présente décision prononçant l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel dans la limite des conclusions ayant fait l'objet d'une admission partielle en cassation, il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident formé après cette admission partielle par la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var, lequel est au demeurant irrecevable dès lors que le dispositif de l'arrêt, qui rejette les demandes indemnitaires de Me Funel, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Paradis, donne entièrement satisfaction à la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par Me Funel, agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société Paradis, et de mettre à la charge de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var une somme de 2 000 euros. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Me Funel, agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société Paradis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Marseille du 22 novembre 2019 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la société Paradis tendant à la réparation du préjudice résultant de sa condamnation à verser à la société Le Moorea une indemnité de 1 288 649 euros.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var.
Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 4 : La société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var versera à Me Funel, agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société Paradis, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la société Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var tendant à la mise en œuvre des mêmes dispositions sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Me Jean-Patrick Funel, agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société à responsabilité limitée Paradis et à la société anonyme Yacht Club International de Saint-Laurent-du-Var.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 septembre 2021 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Jean-Claude Hassan, conseiller d'Etat et M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 22 octobre 2021.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Hervé Cassagnabère
La secrétaire :
Signé : Mme B... A...