Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Kem One a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016 à raison de deux établissements dont elle est propriétaire à Fos-sur-Mer et à Martigues (Bouches-du-Rhône). Par un jugement nos 1709300, 1709301, 1709302, 1709303 du 8 novembre 2019, ce tribunal a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 6 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de la société Kem One.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 septembre 2021, présentée par la société Kem One.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la sociétés Kem one ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un contrat de cession du 22 mai 2012, le groupe Arkema a convenu de céder au groupe Klesch son activité de production de produits vinyliques. Par un traité d'apport partiel d'actifs du 2 juillet 2012, la société Arkema France a apporté les actifs correspondants à la SAS DIFI 7, qu'elle contrôlait indirectement. Le même jour, la société Klesch Chemicals Limited a acquis les titres de la SAS DIFI 7, qui a été par la suite renommée SAS Kem One. Par deux réclamations datées du 23 décembre 2015 et du 26 octobre 2016, la SAS Kem One a contesté les cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016, dans les rôles des communes de Fos-sur-Mer et de Martigues (Bouches-du-Rhône). A la suite du rejet de ses réclamations, elle a saisi le tribunal administratif de Marseille qui, par un jugement du 8 novembre 2019, a prononcé la réduction des cotisations en litige.
2. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 1518 B du code général des impôts : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux seules immobilisations corporelles directement concernées par l'opération d'apport, de scission, de fusion ou de cession, dont la valeur locative a été retenue au titre de l'année précédant l'opération. (...) / [5ème alinéa] Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération. (...) / [12ème alinéa] Par exception aux cinquième et sixième alinéas, pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011 et mentionnées au premier alinéa ou au sixième alinéa, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure à : 1° 100 % de son montant avant l'opération lorsque, directement ou indirectement, l'entreprise cessionnaire ou bénéficiaire de l'apport contrôle l'entreprise cédante, apportée ou scindée ou est contrôlée par elle, ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise ".
3. Pour juger que l'administration avait à tort fait application du 12ème alinéa de l'article 1518 B du code général des impôts à l'opération d'apport en litige, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille s'est fondée sur l'absence de lien de contrôle et de lien capitalistique entre la SAS Kem One, requérante, et la SAS DIFI 7, bénéficiaire de l'apport partiel d'actifs, et sur ce que la SAS Kem One serait devenue propriétaire des immobilisations dont la valeur locative est en litige en rachetant les titres de la SAS DIFI 7. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que la SAS Kem One et la SAS DIFI 7 constituent une seule et même société, renommée à la suite de l'acquisition de ses titres par Klesch Chemicals Limited, la magistrate désignée a entaché son jugement de dénaturation.
4. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 8 novembre 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2: L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de la société Kem One tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société par actions simplifiée Kem One.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 septembre 2021 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Jean-Claude Hassan, conseiller d'Etat et M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 22 octobre 2021.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Hervé Cassagnabère
La secrétaire :
Signé : Mme B... A...