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20/10/2021 | FRANCE | N°443306

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 20 octobre 2021, 443306


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 29 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1902688 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 20NT00027 du 26 juin 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement et l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 29 octobre 2019 port

ant son transfert auprès des autorités allemandes.

Par un pourvoi et un mémoire...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 29 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1902688 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 20NT00027 du 26 juin 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement et l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 29 octobre 2019 portant son transfert auprès des autorités allemandes.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 août et le 21 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., ressortissant afghan, s'est présenté à la préfecture de la Seine-Maritime afin d'y déposer une demande d'asile qui a été enregistrée le 16 septembre 2019. La consultation du fichier " Eurodac " ayant révélé qu'il avait précédemment sollicité l'asile auprès des autorités allemandes, ces dernières ont été sollicitées, sur le fondement de l'article 18.1 d) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, pour la reprise en charge de l'intéressé. À la suite de l'accord des autorités allemandes, le préfet de la Seine-Maritime a, par un arrêté du 29 octobre 2019, décidé de transférer M. A... aux autorités allemandes Le ministre de l'intérieur se pourvoit contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 12 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen avait rejeté la demande d'annulation de M. A... contre cet arrêté et annulé cet arrêté.

2. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". L'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu les articles L. 571-1 et 573-1, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".

3. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

5. Pour estimer que le préfet de Seine-Maritime ne pouvait, sans méconnaître l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de procéder à l'examen de la demande d'asile de M. A... sur le fondement de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et remettre l'intéressé aux autorités allemandes, les juges d'appel ont estimé qu'il lui appartenait de s'assurer auprès des autorités allemandes que l'intéressé ne courrait aucun risque de renvoi en Afghanistan. En annulant pour ce motif, l'arrêté de transfert en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Allemagne des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile et alors que l'intéressé ne faisait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis en Allemagne à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit.

6. Il en résulte que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce qui est soutenu, le préfet a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. A..., la circonstance que l'arrêté ne mentionne pas certains faits ou dates n'étant pas, en l'espèce, de nature à l'établir.

8. En second lieu, en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Allemagne des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile et alors que l'intéressé ne faisait état d'aucun élément particulier susceptible d'établir qu'il serait soumis en Allemagne à traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces stipulations et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement précité du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen du 29 octobre 2019 a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet de Seine-Maritime le transférant aux autorités allemandes aux fins d'examen de sa demande d'asile. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 juin 2020 est annulé.

Article 2 : La requête de M. A... devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 443306
Date de la décision : 20/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2021, n° 443306
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: M. Philippe Ranquet

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:443306.20211020
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