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08/10/2021 | FRANCE | N°445479

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 08 octobre 2021, 445479


Vu la procédure suivante :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Grand-Bourg dans le département de la Guadeloupe. Par un jugement n° 2000431 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa protestation.

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) de réform

er ce jugement ;

2°) d'ordonner, par une mesure avant dire droit, la communicat...

Vu la procédure suivante :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Grand-Bourg dans le département de la Guadeloupe. Par un jugement n° 2000431 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa protestation.

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) d'ordonner, par une mesure avant dire droit, la communication des procès-verbaux des opérations électorales et du registre des procurations ;

3°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Grand-Bourg ;

4°) de mettre à la charge de Mme C... A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-242 du 13 mars 2020 ;

- le décret n°2020-249 du 14 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;

- l'arrêté du 13 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 ;

- l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 ;

- la décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 à Grand-Bourg (Guadeloupe), commune de plus de 1 000 habitants, les vingt-sept sièges de conseillers municipaux ont été pourvus. Vingt-trois des sièges de conseillers municipaux ont été attribués à des candidats de la liste " Ensemble pour réussir Grand-Bourg ", conduite par Mme A..., qui a obtenu 1 482 voix, soit 62,21 % des suffrages exprimés, tandis que les quatre autres sièges de conseillers municipaux ont été attribués à des candidats de la liste " Kap'La ", conduite par M. B..., laquelle a obtenu 900 voix, soit 37,38 % des suffrages exprimés. M. D..., électeur de la commune, relève appel du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la protestation qu'il a formée contre ces opérations électorales.

Sur la campagne et la propagande électorales :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a tenu une réunion publique le 14 mars 2020 dans l'enceinte de la clinique dans laquelle elle exerce, malgré le contexte sanitaire lié à la propagation de l'épidémie de covid-19 sur lequel le Président de la République s'était exprimé le 12 mars 2020. Contrairement à ce qui est soutenu, cette réunion pouvait légalement se tenir puisque l'arrêté du 14 mars 2020 interdisant les rassemblements mettant en présence de manière simultanée plus de cent personnes en milieu clos ou ouvert dans les départements d'outre-mer n'est entré en vigueur que le 15 mars 2020. En tout état de cause, l'initiative de Mme A... ne peut être regardée comme un manquement aux règles régissant la campagne électorale.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. / A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ". Aux termes de l'article L. 48-1 du code électoral : " Les interdictions et restrictions prévues par le présent code en matière de propagande électorale sont applicables à tout message ayant le caractère de propagande électorale diffusé par tout moyen de communication au public par voie électronique ".

4. Il résulte de l'instruction qu'un évènement festif dénommé " les vendredis soir à Grand-Bourg " a été mis en place dans les semaines précédant l'élection par l'office de tourisme de Marie-Galante et par la chambre de commerce et de l'industrie des îles de Guadeloupe. Cet événement nouveau et inhabituel a été soutenu par une campagne radiophonique de promotion sur RCI ayant, dans ses premiers jours, mobilisé une colistière de Mme A..., animatrice régulière de cette antenne, a fait l'objet de la distribution physique de prospectus aux habitants et commerçants de la commune et a été relayé sur la page " Facebook " de la commune. Il résulte par ailleurs de l'instruction que Mme A... a utilisé, dans les six mois qui ont précédé les élections municipales, le profil " Facebook " de la Mairie aux fins de promouvoir sa participation à la pose de la première pierre d'un gymnase le 24 janvier 2020. Par suite, si la méconnaissance des dispositions du code électoral citées précédemment n'est pas caractérisée s'agissant de la pose de la première pierre du gymnase financé par le conseil régional, la communication relative aux " vendredis soirs de Grand-Bourg " doit être regardée comme une campagne de promotion publicitaire prohibée par les articles L. 52-1 et L. 48-1 du code électoral.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 51 du code électoral : " Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l'autorité municipale pour l'apposition des affiches électorales (...) ". Il résulte de l'instruction que des affiches de la candidate élue étaient apposées, les jours précédant le scrutin, sur les murs de la polyclinique dans laquelle elle exerce, ainsi que dans d'autres endroits de la ville, sur des espaces non réservés. M. D... est, dès lors fondé à soutenir que cet affichage méconnaissait l'article L. 51 du code électoral.

6. Toutefois, compte tenu de l'important écart de voix entre les listes candidates, représentant 582 voix sur les 2 382 suffrages exprimés, les manquements constatés aux points 4 et 5 n'ont pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

Sur les opérations électorales :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 68 du code électoral : " Tant au premier tour qu'au second tour de scrutin, les listes d'émargement de chaque bureau de vote, ainsi que les documents qui y sont régulièrement annexés, sont joints aux procès-verbaux des opérations de vote transmis immédiatement après le dépouillement du scrutin à la préfecture ou, pour les élections des conseillers départementaux et des conseillers municipaux, à la sous-préfecture. (...) Sans préjudice des dispositions de l'article LO. 179 du présent code, les listes d'émargement déposées à la préfecture ou à la sous-préfecture sont communiquées à tout électeur requérant pendant un délai de dix jours à compter de l'élection et, éventuellement, durant le dépôt des listes entre les deux tours de scrutin, soit à la préfecture ou à la sous-préfecture, soit à la mairie ". Aux termes de l'article R. 70 du code électoral : " Un exemplaire de tous les procès-verbaux établis dans les différents bureaux de vote de la commune reste déposé au secrétariat de la mairie. / Communication doit en être donnée à tout électeur requérant jusqu'à l'expiration des délais prescrits pour l'exercice des recours contre l'élection ". Si le requérant soutient qu'il a eu des difficultés à consulter les procès-verbaux des opérations électorales et le registre des procurations postérieurement au scrutin, cette seule circonstance, à la supposer établie, n'est pas, en elle-même, de nature à révéler une atteinte à la sincérité des opérations électorales contestées.

8. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., il ne résulte pas de l'instruction qu'il y ait eu d'irrégularités entachant les procurations.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Grand-Bourg en vue de la désignation des conseillers municipaux.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. F... D..., à Mme C... A..., première dénommée pour l'ensemble des autres défendeurs, à la commune de Grand-Bourg et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 445479
Date de la décision : 08/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 oct. 2021, n° 445479
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Rozen Noguellou
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445479.20211008
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