Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 442536, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 août 2020 et 10 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Restalliance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-681 du 5 juin 2020 modifiant les modalités particulières de financement applicables aux établissements mentionnés à l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles en tant qu'il ne prévoit pas que les financements complémentaires prévus à titre exceptionnel en 2020 au titre de l'article R. 314 163 du code de l'action sociale et des familles puissent couvrir des éléments de rémunération supplémentaires des prestataires auxquels sont susceptibles de faire appel les établissements mentionnés à l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles, afin de permettre à ces prestataires de verser une prime aux membres de leur personnel mobilisés au sein de ces établissements pendant la pandémie de covid 19 ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir ce décret dans sa totalité ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de prendre les mesures nécessaires assurant le financement et prévoyant les modalités de versement d'une prime exceptionnelle à destination des salariés des prestataires des établissements sociaux et médico-sociaux présents dans ces établissements lors de la pandémie de covid-19 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 442537, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 août 2020 et 10 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Restalliance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes 1.2.1 et 4.2 ainsi que l'annexe 10 de l'instruction ministérielle DGCS/SD5C/DSS/SD1A/CNSA/DESMS/2020/87 du 5 juin 2020 relative aux orientations de l'exercice 2020 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap et des personnes âgées ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir cette instruction dans sa totalité ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de prendre les mesures nécessaires assurant le financement et prévoyant les modalités de versement d'une prime exceptionnelle à destination des salariés des prestataires des établissements sociaux et médico-sociaux présents dans ces établissements lors de l'épidémie de covid-19 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 ;
- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ;
- la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 17 septembre 2021, présentées par la société Restalliance ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d'état d'urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020.
2. Par l'article 11 de la loi du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, dans sa rédaction issue de la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, le législateur a institué une prime exceptionnelle exonérée de charges fiscales et de cotisations sociales. Cette prime, payable par l'employeur, est destinée aux agents et salariés particulièrement mobilisés pendant l'état d'urgence sanitaire, appartenant à certaines administrations publiques, aux établissements privés de santé ou aux établissements sociaux et médico-sociaux " afin à tenir compte d'un surcroît de travail significatif " résultant, dans les services en question, pendant cette période, de l'épidémie de covid 19.
3. Pour mettre en œuvre ces dispositions, l'article 1er du décret du 5 juin 2020 modifiant les modalités particulières de financement applicables aux établissements mentionnés à l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que : " (...) par dérogation à l'article R. 314-166 du code de l'action sociale et des familles, les financements complémentaires prévus au titre de l'article R. 314-163 du même code pour couvrir les dépenses relatives à la prévention et à la gestion des situations sanitaires exceptionnelles peuvent couvrir, le cas échéant, des éléments de rémunérations supplémentaires des personnels de toutes catégories mobilisés afin de faire face aux conséquences de l'épidémie ". L'instruction du 5 juin 2020 relative aux orientations de l'exercice 2020 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap et des personnes âgées, présente en ses points 1.2.1 et 4.2 ainsi que dans sa fiche n° 10 le dispositif de prime exceptionnelle pour les personnels mobilisés pour faire face à l'épidémie, en indiquant notamment qu'une compensation de l'assurance-maladie sera prévue pour les établissements et services médico-sociaux financés ou cofinancés par elle, quel que soit leur statut public ou privé, sous réserve d'un versement effectif de la prime.
4. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre, la société Restalliance demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret et de cette instruction, en tant qu'ils ne prévoient pas que les financements complémentaires de l'assurance maladie puissent également couvrir des éléments de rémunérations supplémentaires que les sociétés prestataires des établissements mentionnés à l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles pourraient verser à leurs salariés.
5. Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées sont des établissements et services sociaux et médicaux-sociaux en vertu du 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et sont financés, pour ce qui relève de l'assurance maladie, selon l'article L. 314-2 du même code, par un forfait global relatif aux soins comprenant des financements complémentaires qui ne peuvent couvrir, aux termes de l'article R. 314-159, que des charges limitativement énumérées, incluant, en vertu du 1° du II de l'article R. 314-163, les dépenses relatives à "des actions mises en œuvre dans le cadre de la prévention et de la gestion des situations sanitaires exceptionnelles ". Les actes attaqués ont pour seul objet d'organiser le financement dans ces établissements, par l'utilisation des financements complémentaires qu'ils peuvent recevoir de l'assurance maladie, de la prime exceptionnelle instituée par le législateur. Ils ne sauraient dès lors faire grief aux prestataires de services de ces établissements, y compris en tant qu'ils ne s'appliquent pas à ces prestataires et alors même que les salariés de ces derniers interviendraient au sein de ces établissements, dès lors que ces prestataires ne relèvent pas du financement par l'assurance maladie prévu par l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles.
6. Par suite, la société Restalliance, qui se prévaut de sa qualité de prestataire de services pour des établissements et services accueillant des personnes âgées, n'est pas recevable à demander l'annulation du décret et de l'instruction qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la société Restalliance sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Restalliance et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre.