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29/09/2021 | FRANCE | N°451853

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 29 septembre 2021, 451853


Vu la procédure suivante :

Mme H... E... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune du Tampon (La Réunion), que soit prononcée l'inéligibilité de M. I... A... et que les éléments susceptibles de constituer des infractions pénales soient transmis au procureur de la République.

Par un jugement n° 2000514 du 17 février 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa protestation.>
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Mme H... E... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune du Tampon (La Réunion), que soit prononcée l'inéligibilité de M. I... A... et que les éléments susceptibles de constituer des infractions pénales soient transmis au procureur de la République.

Par un jugement n° 2000514 du 17 février 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa protestation.

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 avril et 19 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces opérations électorales ;

3°) de prononcer l'inéligibilité de M. G... A... ;

4°) de mettre à la charge de M. G... A... la somme d'un euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du premier tour des élections municipales et communautaires qui s'est déroulé le 15 mars 2020 au Tampon, la liste menée par M. G... A... s'est classée en première position en obtenant 14 034 voix, représentant 48,29 % des suffrages exprimés. Les listes conduites par Mme F... C... et par Mme D... B... se sont classées en deuxième et troisième position, en obtenant respectivement 5 533 voix, représentant 19,03 % des suffrages exprimés et 4 991 voix, représentant 17,17 % des suffrages exprimés. Aucun des candidats n'ayant été proclamé élu à l'issue de ce premier tour, un second tour de scrutin a été organisé le 28 juin 2020, à l'issue duquel la liste conduite par M. G... A... a obtenu 20 516 voix, représentant 65,64 % des suffrages exprimés, et celle menée par Mme C..., résultant d'une fusion entre les deux autres listes qualifiées pour ce second tour, a obtenu 10 738 voix, représentant 34,35 % des suffrages exprimés. Mme E... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler ces opérations électorales et de prononcer l'inéligibilité de M. G... A.... Par le jugement attaqué du 17 février 2021, le tribunal administratif a rejeté sa protestation.

Sur la campagne électorale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. / A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre "

3. D'une part, le supplément spécial gratuit " Le Tampon " du 10 septembre 2019, publié par le Quotidien, ne contient aucun élément relevant de la propagande électorale. S'il met en valeur le territoire de la commune et les activités qui y sont offertes, il ne les relie en aucune manière à l'action de la municipalité sortante. Les circonstances que le programme de la liste de M. G... A... mentionne certains thèmes généraux, tels que l'agriculture ou le tourisme, qui sont également évoqués dans le supplément et qu'un chargé de communication de la mairie ait participé à son élaboration ne permettent pas davantage de regarder ce document comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la commune du Tampon. Enfin, s'il est fait une présentation avantageuse de la " brigade de l'environnement " créée par la communauté d'agglomération du Sud (CASUD), à laquelle appartient le Tampon, l'article isolé qui y est consacré ne permet pas, à lui seul, de regarder la diffusion du supplément comme une campagne de promotion publicitaire.

4. D'autre part, les bulletins municipaux d'août 2019 à juin 2020, ainsi que l'édition spéciale consacrée à l'événement " Miel vert ", qui ne comprennent aucun propos relevant de la polémique électorale, se bornent à décrire l'actualité municipale et les réalisations de la commune sur un ton informatif. Les nouveaux événements dont l'appelante soutient qu'ils auraient été organisés à la fin de l'année 2019 et au début de l'année 2020, sans toutefois en préciser l'audience ou la teneur, ne sont pas davantage constitutifs d'une campagne de promotion publicitaire des réalisations de la commune.

5. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l'exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat, ni lui apporter leur garantie pour l'obtention de prêts. "

6. D'une part, les moyens tirés de ce que les fichiers de la mairie et du centre communal d'action sociale auraient été utilisés pour diffuser des messages sur les téléphones des électeurs, que des repas auraient été distribués, que le personnel communal ou intercommunal et les moyens de diverses personnes morales auraient été utilisés, qui ne sont assortis d'aucun commencement de preuve, ne peuvent qu'être écartés. Si Mme E... soutient également qu'un véhicule de marque Peugeot aurait été mis à disposition de M. G... A... par une personne morale pour réaliser sa campagne, elle ne l'établit pas par la seule production de deux photographies du véhicule.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction de la commune du Tampon, qui organisait des " thés dansants " depuis plusieurs années, a souhaité multiplier ces événements destinés aux personnes âgées dès l'année 2019, ainsi que l'a décidé le conseil municipal dans une délibération du 29 septembre 2018. Par une nouvelle délibération du 31 août 2019, le conseil municipal a décidé l'organisation de neuf manifestations supplémentaires, pour un coût unitaire supérieur aux thés dansants décidés lors de la précédente délibération. Ces événements s'inscrivaient dans une politique municipale visant à lutter contre l'isolement des personnes âgées, dont l'appelante ne soutient pas sérieusement qu'ils auraient été organisés dans des circonstances qui leur auraient conféré un caractère électoral, et qu'ils auraient ainsi conféré un avantage à la liste de M. G... A....

8. En troisième lieu, si Mme E... soutient que la distribution de paniers de fruits et légumes et de masques, dans le contexte de la crise sanitaire, et l'attribution de primes exceptionnelles aux agents mobilisés pour faire face à l'épidémie de covid-19 auraient constitué des dons prohibés par l'article L. 106 du code électoral, il ne résulte pas de l'instruction que ces secours et rémunérations auraient eu pour objet d'influencer le vote de leurs bénéficiaires.

Sur les listes électorales, le déroulement des opérations de vote et la proclamation des résultats :

9. En premier lieu, si Mme E... soutient que certains électeurs auraient été radiés à tort de la liste électorale du Tampon, que des véhicules portant des photographies de M. G... A..., ainsi que des véhicules de la commune et du centre communal d'action sociale, auraient circulé à proximité des bureaux de vote, et que les personnes chargées de distribuer du gel hydroalcoolique à l'entrée des bureaux de vote échangeaient avec les électeurs pour les influencer, ces moyens, qui ne sont assortis d'aucun commencement de preuve, ni des précisions suffisantes pour apprécier la portée des manquements allégués, ne peuvent qu'être écartés. De même, les moyens tirés de ce que les listes d'émargement et les " listes de vérification " à l'entrée des bureaux présenteraient des discordances, que ces listes présenteraient des lacunes et que les présidents de la " quasi-totalité " des bureaux de vote auraient refusé d'afficher les résultats du scrutin, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 67 du code électoral, ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. En deuxième lieu, à supposer même que le bureau n° 71 ait été irrégulièrement composé, ainsi que l'allègue Mme E... sans toutefois l'établir, il n'est pas soutenu que le nombre de suffrages émis par les électeurs de ce bureau serait suffisant pour avoir une incidence sur les résultats du scrutin, au regard de l'écart de 9 778 voix séparant les deux listes présentes au second tour.

11. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 42 du code électoral : " Chaque bureau de vote est composé d'un président, d'au moins deux assesseurs et d'un secrétaire choisi par eux parmi les électeurs de la commune ". L'article R. 44 du même code dispose, en son deuxième alinéa, que chaque candidat, binôme de candidat ou liste en présence a le droit de désigner un seul assesseur titulaire par bureau de vote et, en son troisième alinéa, que des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l'ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. Il s'ensuit que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la présence dans chacun des bureaux de vote de la commune du Tampon d'assesseurs supplémentaires désignés par M. G... A..., maire de cette commune, dont il n'est pas soutenu qu'ils auraient cherché à influencer les électeurs, entacherait les opérations de vote d'une irrégularité.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'elle attaque, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa protestation.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. G... A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par ce dernier sur le même fondement.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. G... A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme H... E... et au ministre de l'intérieur et à M. I... A....

Copie en sera adressée au préfet de La Réunion et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 451853
Date de la décision : 29/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 sep. 2021, n° 451853
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:451853.20210929
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