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03/08/2021 | FRANCE | N°440965

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 03 août 2021, 440965


Vu la procédure suivante :

La société Grosfillex a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner, à titre principal, la suspension de l'exécution de la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Haut-Bugey a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) tenant lieu de programme local de l'habitat et, à titre subsidiaire, sa suspension en tant qu'elle classe en zone naturelle les parcelles

situées au lieu-dit " Pré-Dalphin " cadastrées AE 39 et AE 40, celles...

Vu la procédure suivante :

La société Grosfillex a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner, à titre principal, la suspension de l'exécution de la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Haut-Bugey a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) tenant lieu de programme local de l'habitat et, à titre subsidiaire, sa suspension en tant qu'elle classe en zone naturelle les parcelles situées au lieu-dit " Pré-Dalphin " cadastrées AE 39 et AE 40, celles situées au lieu-dit " en Favary " cadastrées AL 17, AL 160, AL 161, AL 157, AL 158, AL 153, AL 152, AL 155, AL 150, AL 151, AL 147, celles situées au lieu-dit " les Combettes " cadastrées AK 121, AK 230, AK 2, AK 235, AK 227, AK 233 et celles situées au lieu-dit " aux Marais Sud " cadastrées AN 230, AN 322, AN 309, AN 225, AN 227 ainsi que les parcelles AL 145, AL 141 et qu'elle classe en zone agricole les parcelles situées au lieu-dit " la Combe " cadastrées AH50, AH 49, AH 48, AH 47, AH 414, AH 421, AH 420 , AH 26, AH 413, AH 415, AH 32, AH 46, AH 221. Par une ordonnance n° 2003303 du 22 mai 2020 prise par application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 juin et 7 juillet 2020 et le 7 janvier 2021, la société Grosfillex demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Haut-Bugey la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka, Prigent, Drusch, avocat de la société Grosfillex et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la communauté d'agglomération du Haut-Bugey ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) tenant lieu de programme local de l'habitat a été approuvé par la communauté d'agglomération du Haut-Bugey par une délibération de son conseil communautaire du 19 décembre 2019. Par une ordonnance du 22 mai 2020 prise par application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande présentée par la société Grosfillex tendant à la suspension de l'exécution de cette délibération sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code. La société Grosfillex se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

3. Aux termes de l'article L. 522-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. ".

4. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés dispose des deux procédures distinctes prévues respectivement aux articles L. 522-1 et L. 522-3 du même code. La procédure prévue à l'article L. 522-1 est caractérisée à la fois par une instruction contradictoire entre les parties, engagée par la communication de la demande au défendeur, et par une audience publique ; la procédure prévue à l'article L. 522-3, qui ne peut être utilisée que s'il apparaît au vu de la demande que celle-ci encourt un rejet pour l'une des raisons énoncées par cet article, ne comporte ni cette communication ni cette audience. Il suit de là que, lorsque, au vu de la demande dont il était saisi, le juge des référés a estimé qu'il y avait lieu, non de la rejeter en l'état pour l'une des raisons mentionnées à l'article L. 522-3, mais d'engager la procédure de l'article L. 522-1, il lui incombe de poursuivre cette procédure et, notamment, de tenir une audience publique.

5. Il ressort des pièces de la procédure devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon que, saisi par la société Grosfillex d'une demande de suspension présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés a, après avoir, dans les conditions prévues à l'article L. 522-1 du même code, communiqué la requête au défendeur, rejeté la demande comme manifestement infondée en faisant application de l'article L. 522-3 du même code. Il s'ensuit que l'ordonnance attaquée a été prise à la suite d'une procédure irrégulière et doit, par suite, être annulée.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Pour demander la suspension du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal ainsi adopté, la société requérante fait valoir le manque d'information du public durant l'enquête publique, l'insuffisante prise en compte des observations et propositions du public, le défaut de motivation de la délibération sur la suite donnée aux réserves de la commission d'enquête, l'incompatibilité du règlement du plan avec les orientations du schéma de cohérence territoriale du Haut-Bugey dès lors, d'une part, que le plan créerait des " dents creuses " sur le territoire de la commune d'Arbent alors que le schéma a notamment défini une orientation tendant à favoriser et privilégier l'urbanisation des dents creuses et la densification dans l'enveloppe urbaine existante, d'autre part, que le plan risque de gêner l'activité de la société Grosfillex alors que le schéma prévoit de tenir compte des besoins spécifiques des activités industrielles et artisanales, et l'erreur manifeste d'appréciation dans le classement de certaines parcelles en zone agricole et en zone naturelle. En l'état de l'instruction et eu égard à l'office du juge des référés, aucun des moyens invoqués n'apparaît de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'urgence, que la société Grosfillex n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de la délibération qu'elle attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté d'agglomération du Haut-Bugey, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Grosfillex les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée, au titre de ces mêmes dispositions, par la communauté d'agglomération du Haut-Bugey.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 22 mai 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : La demande en référé de la société Grosfillex est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Grosfillex et la communauté d'agglomération du Haut-Bugey sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Grosfillex et à la communauté d'agglomération du Haut-Bugey.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 440965
Date de la décision : 03/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 aoû. 2021, n° 440965
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Carine Chevrier
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:440965.20210803
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