La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/08/2021 | FRANCE | N°446762

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 02 août 2021, 446762


Vu la procédure suivante :

M. C... N... et vingt-trois colistiers ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Mauléon-Licharre. Par un jugement n° 2001231 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif a rejeté leur protestation.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 23 novembre 2020 et le 22 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. N... et autres demandent au Conseil d'Et

at :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

M. C... N... et vingt-trois colistiers ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Mauléon-Licharre. Par un jugement n° 2001231 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif a rejeté leur protestation.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 23 novembre 2020 et le 22 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. N... et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) d'annuler les opérations électorales du second tour des élections municipales de la commune de Mauléon-Licharre du 28 juin 2020 ;

3°) de déclarer inéligibles MM. Claude F..., Clément H... et Jean-Patrice D... ;

4°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. N... et autres et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. F... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques), les vingt-trois sièges de conseillers municipaux et le siège de conseiller communautaire ont été pourvus. Dix-sept des sièges de conseillers municipaux et le siège de conseiller communautaire ont été attribués à la liste " Liste d'union citoyenne ", menée par M. F..., qui a obtenu 40,34 % des suffrages exprimés, quatre autres sièges de conseillers municipaux ont été attribués à des candidats de la liste " Agir ensemble pour Mauléon ", menée par M. N..., maire sortant, qui a obtenu 38,24 % des suffrages exprimés, et les deux derniers sièges de conseillers municipaux ont été attribués à la liste " Aitzina Maule ", menée par M. M..., qui a obtenu 21,41 % des suffrages exprimés. M. N... et autres relèvent appel du jugement du 20 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales.

Sur le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 48-2 du code électoral :

2. Aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ".

3. Il résulte de l'instruction qu'un tract de la liste Union citoyenne intitulé " Le maire sortant perd son sang-froid " a été diffusé le 21 juin 2020. Ce tract indiquait notamment que M. N... et l'un de ses adjoints avaient " en tant que personnes morales ... l'un comme responsable de l'association du Château de Libarrenx et l'autre en tant que Maire de Mauléon et Président de la S.E.M I..." fait l'objet d'au moins cinq condamnations judiciaires lors des six dernières années et que " Les démêlés judiciaires du maire et de son adjoint auront coûté ces dernières années à la ville de Mauléon plus de 140 000 euros, payés avec nos impôts ". Contrairement à ce que soutiennent M. N... et autres, la teneur des accusations contenues dans ce tract n'excluait pas que les intéressés puissent utilement y répliquer, ce qu'ils ont d'ailleurs fait en diffusant un tract en réponse le 24 juin. Par suite, la diffusion du tract litigieux ne peut être regardée comme une manoeuvre ayant altéré la sincérité du scrutin.

Sur le grief tiré de l'inéligibilité de MM. D... et H... :

4. Aux termes de l'article L. 228 du code électoral : " Nul ne peut être élu conseiller municipal s'il n'est âgé de dix-huit ans révolus. / Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection (...) ". L'article R. 128 du même code dispose : " A la déclaration de candidature en vue du premier tour, il est joint, pour chaque candidat visé à l'article L. 265 : / 1° Si le candidat est électeur dans la commune où il se présente, une attestation d'inscription sur la liste électorale de cette commune (...) ; / 2° Si le candidat est électeur dans une autre commune que celle où il se présente, une attestation d'inscription sur la liste électorale de cette commune (...) / Dans les cas prévus au 2° et au 3° ci-dessus, le candidat doit en outre fournir : / a) Soit un avis d'imposition ou un extrait de rôle qui établissent que l'intéressé est inscrit au rôle des contributions directes de la commune où il se présente au 1er janvier de l'année de l'élection ; / b) Soit une copie d'un acte notarié établissant que l'intéressé est devenu dans l'année précédant celle de l'élection propriétaire ou locataire d'un immeuble dans cette commune, ou d'un acte sous seing privé enregistré au cours de la même année établissant qu'il est devenu locataire d'un immeuble dans cette commune ; / c) Soit une attestation du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques établissant que l'intéressé, au vu notamment des rôles de l'année précédant celle de l'élection et des éléments que celui-ci produit, et sous réserve d'une modification de sa situation dont l'autorité compétente n'aurait pas eu connaissance, justifie qu'il devait être inscrit au rôle des contributions directes dans la commune où il se présente à la date du 1er janvier de l'année de l'élection. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que M. D... et M. H..., élus conseillers municipaux de Mauléon-Licharre, dont l'éligibilité est contestée, n'étaient ni électeurs de cette commune, ni, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Pau, inscrits au 1er janvier 2020 au rôle des contributions directes de cette commune. Il leur appartenait dès lors, en vertu des dispositions de l'article L. 228 du code électoral mentionnées au point 4, de justifier par des pièces ayant date certaine qu'ils auraient dû être inscrits sur ce même rôle au 1er janvier 2020.

6. Pour établir que M. D... et M. H... avaient chacun à leur disposition un local pour lequel ils auraient dû, au 1er janvier 2020, être inscrits au rôle de la taxe d'habitation, M. F... produit deux contrats de location de locaux à usage d'habitation conclus le 31 août 2019, des factures d'électricité et deux attestations établies le 28 janvier 2020 en application du c) de l'article R. 228 du code électoral par le directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques, selon lesquelles les documents présentés par M. D... et M. H... leur permettaient d'être inscrits au rôle de l'année 2020 des impôts directs locaux dans la commune de Mauléon-Licharre. Toutefois cette attestation ne saurait à elle seule établir que M. D... et M. H... sont effectivement redevables de la taxe d'habitation dans les conditions requises pour être éligibles dans la commune de Mauléon-Licharre et il appartient au juge de l'élection de vérifier, à l'aide des documents figurant au dossier, si les conditions prévues à l'article L. 228 précité étaient réunies. Or il ne résulte pas de l'instruction que les baux sous seing privé en date du 31 août 2019 aient été soumis à la formalité de l'enregistrement. Par suite, ces documents n'ont pas acquis date certaine, et il n'est ainsi pas justifié que M. D... et M. H... remplissaient les conditions pour être inscrits au rôle des contributions directes de la commune de Mauléon-Licharre le 1er janvier 2020. M. N... et autres sont donc fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le grief tiré de ce que M. D... et M. H... étaient inéligibles.

7. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que la présence sur la liste " Liste d'union citoyenne " de MM. D... et H... résulterait d'une manoeuvre ou qu'elle aurait eu un effet sur le résultat du scrutin. Par suite, M. N... et autres ne sont pas fondés à soutenir que l'ensemble des opérations électorales devraient être annulées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. N... et autres sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'élection de MM. D... et H.... Il y a lieu de proclamer élus, à leur place, Mme L... J... et M. K... G..., premiers candidats non élus de la liste menée par M. F.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'élection de MM. D... et H... en qualité de conseillers municipaux de Mauléon-Licharre est annulée.

Article 2 : Mme L... J... et M. K... G... sont proclamés élus en qualité de conseillers municipaux de Mauléon-Licharre.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. N... et autres est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de M. F... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. C... N..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, à M. B... F..., à M. O... D..., à M. E... H..., à M. A... M... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 446762
Date de la décision : 02/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 aoû. 2021, n° 446762
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:446762.20210802
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award