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28/07/2021 | FRANCE | N°450142

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 28 juillet 2021, 450142


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de sa décision du 15 octobre 2020 constatant que Mme C... B..., candidate tête de liste aux élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune du Haillan, avait déposé ses comptes de campagne au-delà du délai légal. Par un jugement n° 2004948 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a, en premier lieu, décidé que la CNCCFP ava

it rejeté à bon droit les comptes de campagne de Mme B..., en deux...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de sa décision du 15 octobre 2020 constatant que Mme C... B..., candidate tête de liste aux élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune du Haillan, avait déposé ses comptes de campagne au-delà du délai légal. Par un jugement n° 2004948 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a, en premier lieu, décidé que la CNCCFP avait rejeté à bon droit les comptes de campagne de Mme B..., en deuxième lieu, déclaré Mme B... démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal de la commune du Haillan et inéligible pour une durée d'un an, en troisième lieu, proclamé Mme D... A... élue en lieu et place de Mme B....

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 23 février 2021 et le 5 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 2 de ce jugement qui la déclare démissionnaire d'office et inéligible pour une durée d'un an, et son article 3, qui déclare Mme A... élue à sa place.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 juillet 2021, présentée par Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Madame C... B... était candidate tête de liste de la liste " une ambition pour Le Haillan " au premier tour des élections municipales qui s'est déroulé dans la commune du Haillan (Gironde) le 15 mars 2020. Sa liste a obtenu 13,48 % des suffrages exprimés et elle a été élue au conseil municipal de cette commune. Par une décision du 15 octobre 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne de Mme B... au motif qu'il avait été déposé hors délai et a saisi le tribunal administratif de Bordeaux. Mme B... fait appel du jugement du 25 janvier 2021 en tant que ce jugement, d'une part, l'a déclarée démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal du Haillan et inéligible pour une durée d'un an, d'autre part, a déclaré Mme D... A..., première candidate non élue de la liste qu'elle conduisait, élue à sa place.

Sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif de Bordeaux :

2. Aux termes de l'article R. 773-1 du code de justice administrative : " Les requêtes en matière d'élections municipales et cantonales sont présentées, instruites et jugées dans les formes prescrites par le présent code, par le code électoral et par les lois particulières en la matière. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-2 du même code : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4 du jour où l'affaire sera appelée à l'audience ".

3. Il résulte de l'instruction que l'avis informant Mme B... de la date de l'audience a été régulièrement envoyé à l'adresse exacte de l'intéressée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception conformément aux dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative. Si Mme B... soutient que la signature figurant sur l'avis de réception accompagnant cette notification n'est pas la sienne, elle n'établit pas que le signataire n'avait pas qualité pour recevoir le pli. Il s'ensuit que le moyen tiré par Mme B... de l'irrégularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif de Bordeaux doit être écarté.

Sur la sanction d'inéligibilité :

4. Aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux article L. 52-5 et L. 52-6 au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. (...) / Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise (...). " Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne (...) / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes (...). Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. (...) ". Aux termes du 4° du XII de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 : " Pour les listes de candidats présentes au seul premier tour, la date limite mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral est fixée au 10 juillet 2020 à 18 heures ". Aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. (...) / Hors le cas prévu à l'article L. 118-2, elle se prononce dans les six mois du dépôt des comptes. Passé ce délai, les comptes sont réputés approuvés. / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, (...) la commission saisit le juge de l'élection ".

5. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral dans sa rédaction en vigueur à la date de la présente décision : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; (...) 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / Si le juge de l'élection a prononcé l'inéligibilité d'un candidat ou des membres d'un binôme proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, déclare le candidat ou les membres du binôme démissionnaires d'office ".

6. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'a relevé la CNCCFP dans sa décision du 15 octobre 2020 rejetant le compte de campagne de Mme B..., que, d'une part, ce compte n'a été adressé à cette commission que le 5 août 2020, soit après l'expiration du délai fixé par les dispositions, citées ci-dessus, du 4° du XII de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020, et qu'il n'était pas présenté par un expert-comptable, contrairement aux dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral, d'autre part, que Mme B... avait payé elle-même, sans l'intermédiaire d'un mandataire, une somme de 1 580 euros représentant 96 % de ses dépenses de campagne et 9 % du plafond de ces dépenses, contrairement aux dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral.

7. Le règlement des dépenses de campagne d'un candidat par le mandataire que celui-ci a désigné et l'envoi à la CNCCFP dans les délais fixés par la loi des comptes de campagne de ce candidat, présentés par un expert-comptable, constituent des règles substantielles relatives au financement des campagnes électorales. Si Mme B..., qui a méconnu ces règles, impute l'absence de règlement de ses dépenses électorales par un mandataire à des difficultés qu'elle aurait rencontrées auprès de la Banque postale pour l'ouverture de son compte de campagne, elle n'apporte aucun élément qui soit susceptible de justifier cette affirmation. En outre, il résulte de l'instruction qu'aucune circonstance particulière ne justifie le dépôt tardif du compte. Enfin, Mme B... ne saurait justifier l'absence de présentation de son compte de campagne par un expert-comptable en soutenant que le recours à celui-ci constituerait une dépense excessive au regard des moyens dont elle disposait pour sa campagne, alors, notamment, qu'elle avait droit, du fait du résultat qu'elle avait obtenu lors de l'élection, au remboursement forfaitaire par l'Etat de ses dépenses. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant commis de manière délibérée un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales.

Sur la démission d'office et la proclamation de l'élection du premier candidat non élu figurant sur la liste conduite par Mme B... en lieu et place de celle-ci :

8. Aux termes de l'article L. 270 du code électoral : " Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. La constatation, par la juridiction administrative, de l'inéligibilité d'un ou plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que du ou des élus inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l'élection du ou des suivants de liste. " Aux termes de l'article L. 2121-4 du code général des collectivités territoriales : " les démissions des membres du conseil municipal sont adressées au maire. / La démission est définitive dès sa réception par le maire, qui en informe immédiatement le représentant de l'Etat dans le département ".

9. Il résulte des dispositions, citées ci-dessus, de l'article L. 270 du code électoral que le tribunal administratif de Bordeaux devait, après avoir déclaré Mme B... démissionnaire d'office de son mandat de conseiller municipal, proclamer Mme D... A..., première candidate non élue de la liste " Une ambition pour Le Haillan " conduite par Mme B..., élue en lieu et place de celle-ci en qualité de conseillère municipale du Haillan. Si Mme A... a adressé, le 7 février 2021, un courrier au greffier en chef du tribunal administratif de Bordeaux par lequel elle indique démissionner de ce mandat, toutefois, d'une part, la démission d'office de Mme B... n'était pas effective à cette date car le jugement du 25 janvier 2021 de ce tribunal lui infligeant cette sanction n'était pas définitif, d'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 2121-4 du code général des collectivités territoriales, citées ci-dessus, que la démission d'un membre du conseil municipal doit être adressée au maire et ne peut prendre effet qu'après sa réception par le maire.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme B... doit être rejetée.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 450142
Date de la décision : 28/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2021, n° 450142
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Philippe Barbat
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:450142.20210728
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