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27/07/2021 | FRANCE | N°451311

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 27 juillet 2021, 451311


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Poitiers, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 25 novembre 2020 constatant le dépôt hors délai du compte de campagne de M. B... A..., candidat aux élections des conseillers municipaux et communautaires organisées le 15 mars 2020 dans la commune de Rochefort (Charente-Maritime).

Par un jugement n° 2002967 du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a jugé que

la CNCCFP a constaté à bon droit le dépôt hors délai du compte de ca...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Poitiers, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 25 novembre 2020 constatant le dépôt hors délai du compte de campagne de M. B... A..., candidat aux élections des conseillers municipaux et communautaires organisées le 15 mars 2020 dans la commune de Rochefort (Charente-Maritime).

Par un jugement n° 2002967 du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a jugé que la CNCCFP a constaté à bon droit le dépôt hors délai du compte de campagne de M. A... et, en application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral, l'a déclaré inéligible à tout mandat pour une durée de six mois.

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la saisine de la CNCCFP ;

3°) de juger qu'il n'y a pas lieu de le déclarer inéligible ;

4°) de fixer le montant du remboursement par l'Etat en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Audrey Prince, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que par une décision du 25 novembre 2020, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a constaté le dépôt hors délai du compte de campagne de M. A..., candidat tête de liste aux élections qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de la désignation des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Rochefort (Charente-Maritime) et décidé que celui-ci n'avait pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat. En application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission a saisi le tribunal administratif de Poitiers qui, par un jugement du 4 mars 2021, a déclaré M. A... inéligible pour une durée de six mois. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur le compte de campagne :

2. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral, dans sa rédaction alors en vigueur : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. (...) / Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes (...) ". Selon l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection / (...) ". En outre, selon les dispositions du XII de l'article 19 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 : " Pour les listes de candidats non admises ou ne présentant pas leur candidature au second tour, la date limite mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral est fixée au 10 juillet 2020 à 18 heures. (...) ". Enfin, le premier alinéa de l'article L. 112-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d'une administration peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi de correspondance, le cachet apposé par les prestataires de services postaux autorisés au titre de l'article L. 3 du code des postes et des communications électroniques faisant foi ". Il résulte de ces dispositions que les candidats qui sont à la tête des listes non admises ou ne présentant pas leur candidature au second tour des élections dont le premier tour a eu lieu le 15 mars 2020 devaient déposer leurs comptes de campagne au plus tard le 10 juillet 2020 à 18 heures, le cas échéant par voie postale, le cachet des services postaux faisant foi.

3. Si M. A... se prévaut d'une attestation de son expert-comptable, dans laquelle celui-ci indique avoir déposé le courrier contenant son compte de campagne à la poste le 10 juillet 2020, il ne produit aucun document émanant des services postaux établissant la date d'envoi de ce courrier de nature à remettre en cause les mentions de l'enregistrement de son compte de campagne par les services de la CNCCFP selon lesquelles le cachet de la poste portait la date du 11 juillet 2020. Dans ces conditions, M. A... ne peut être regardé comme justifiant avoir déposé son compte de campagne avant l'expiration du délai qui lui était imparti pour procéder à ce dépôt, le 10 juillet 2020 à 18 heures. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a jugé que la CNCCFP a constaté à bon droit le dépôt hors délai de son compte de campagne.

Sur l'inéligibilité :

4. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; (...) ".

5. En application de ces dispositions, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

6. Compte tenu des circonstances mentionnées au point 3, de l'absence d'autre irrégularité significative dans le compte de campagne et du montant modique des dépenses retracées dans celui-ci, il n'y a pas lieu de prononcer une inéligibilité à l'encontre de M. A.... Dès lors, celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers l'a déclaré inéligible pour une durée de six mois.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 du jugement du 4 mars 2021 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 451311
Date de la décision : 27/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2021, n° 451311
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Audrey Prince
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:451311.20210727
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